celui-ci commandait le contingent bavarois dans les armées impériales;
il suivit ce général en qualité d’officier d’ordonnance lorsque, partant
d’Allemagne, un commandement lui fut assigné sous les ordres du maréchal
Soult, dont j’étais l’un des aides-de-camp. Je l’avais ainsi connu
en Andalousie, où, nous étant convenus, nous nous liâmes assez étroitement:
ma joie fut extrême en me jetant dans ses bras; mais avant que
de renouveler plus amplement connaissance, je lui racontai nos désastres,
et l’état où se trouvaient mes compagnons de voyage. Une
demi-heure ne s’écoula point qu’une prame était armée et chargée
de médicamens : M. Zuccarini, médecin philhellène, compatriote
d’Heideck, eut mission de la monter et de se rendre à Monemhasie, où
étant arrivé heureusement en peu d’heures, il trouva Brullé alité à
son tour. M. Zuccarini a sauvé mes collaborateurs : sans son habileté
et son dévouement ils fussent certainement tous morts, comme mon
pauvre Villars et le sapeur que j’avais conduits avec moi; ceux-ci,
n’ayant pas affaire à un Zuccarini, ne survécurent guère à leur débarquement.
La France doit à cet excellent jeune homme, qui, excédé par
les fatigues qu’il se donna en soignant tant de malades, ne tarda point
à tomber malade aussi; la France, dis-je, doit à M. Zuccarini la conservation
d’une section entière de la Commission scientifique, et des
cinq ou six autres Français attachés à son service. J’avais à mon
retour sollicité la décoration de la Légion d’honneur pour lui ; je l’ai
sollicitée de nouveau depuis la révolution de Juillet, on m’a répondu
qu’en sa qualité d’étranger il fallait que ce fût son gouvernement qui
la demandât. Si j’eusse retrouvé M. de Martignac au Ministère il n’en
eût probablement pas été ainsi.
APPENDICE.
Ici finit notre relation en ce qui touche la section des sciences physiques
de la Commission de Morée, qui se trouva dissoute par le fait,
lorsque, M. le président Capo d’Istria, ayant mis à ma disposition un
navire à vapeur pour transporter de Monemhasie à Napoli mes compagnons
mourans, je dus autoriser chacun d’eux à retourner en France,
dès que leur santé déplorablement altérée permettrait qu’ils supportassent
les fatigues du voyage. Le sieur Pector, et le botaniste que j’avais détaché
avec lui, s’étaient en quelque sorte déclarés déserteurs. M. Yirlet, consultant
plus son zèle que ses forces, persistant à ne pas me quitter,
m’accompagna seul dans le reste de mes explorations.
De retour à Napoli de Romanie, je trouvai chez mon ancien camarade
d’Espagne la plus aimable hospitalité: M. le baron de Heideek n’est
pas seulement un excellent militaire et un vrai savant, il est de plus
très-habile peintre; ses cartons sont remplis de vues fidèles, prises dans
les parties de la Grèce que je n’avais point encore visitées; il me permit
d’y choisir un panorama de la baie d’Argos et de Napoli, dont s’enrichit
notre atlas (pl. XXXIY). Ce grand paysage donne une idée plus exacte
des lieux, que ce que j’aurais le temps d’en rapporter. On y voit l’entrée
du golfe, Myli ou les Moulins qu’on regarde comme Lerne de l’antiquité,
l’acropole de Larisse, les vergers odorans de la ville d’Agamemnon ,
les hauteurs de Mycène, les ruines de Tyrinthé avec les forts de Palamède
et d’Ischalé; les noms héroïques retentissent dans tout son pourtour.
Le Président résidait alors dans Argos, où je m’empressai de grossir
le cortège qui l’accompagna, lorsqu’il fit l’ouverture du Panhellénium
dans un théâtre des plus vieux âges ; son Excellence avait fait déblayer
ce vénérable monument pour la cérémonie; il a été creusé, on ne sait à
quelle époque, dans les flancs du monticule en forme de cône que couronne
la séculaire forteresse de ces mêmes Atrides dont les infortunes
furent peut-être mises en scène sur la place d’où elles avaient épouvanté
l’univers. M. Capo d’Istria, toujours empressé de favoriser les recherches
scientifiques, mit ensuite à ma disposition ce joli brigg qui nous avait