Morée1, et qu’il ne faut pas confondre arec un autre Nlkli, reste de
l’antique Amydée, voisin de Mistra, et appelé maintenant Sdavokhorio :
le Nikli des plaines de la Tégéatide est marqué sur les vieilles cartes
vénitiennes sous le nom de Muchli, comme un lieu d’importance, et
disparaît quand Tripolitza s’édifie. Les débris de cette vieille place
auraient-ils été aussi transportés dans la place nouvelle, de manière à cé
qu’il n’en restât d’autres vestiges que la butte sur laquelle devait s’élever
son château, et que couronnent aujourd’hui quelques décombres? Quoi
qu’il en soit, tous les voyageurs qui, citant les anciens à tout propos,
semblent consulter leurs écrits à chaque pas, ont passe fort légèrement
en ces lieux si pleins de souvenirs, et encore retentissans non-seulement de
la gloire grecque, mais encore de celle de plusieurs de nos propres aïeux !
C’est après Kamari, qu’ayant gravi sur les collines que l’antiquité
nommait mont Crésius, et laissé à droite d a n s l’éloignement le grand kata-
votron du lac marécageux dont nous avions visité le bord septentrional
en explorant l’allantium, nous descendîmes dans le lit du Saranda-
potamos, l’un des plus singuliers torrens qui soient dans la péninsule :
il naît au canton de Saint-Pierre et sur les pentes septentrionales du
plateau d’Arakhova, où le mont Tsoka s’élève à plus de 1299 mètres,
laissant Vervéna sur la droite et recevant un grand affluent qui se précipite
des hauteurs de Doliana; il n’a pas moins de douze à quinze lieues
de longueur; lacère et dépouille des montagnes fracassées, et cause à son
passage les plus étranges accidens topographiques. Il roule partout une
multitude de roches superbes, où l’on peut choisir de nombreux échantillons
dignes de figurer dans les collections les plus magnifiques; on
croirait son fond parfaitement horizontal lorsqu’on y chemine. Il va se
jeter, au moyen d’une torsion, vers l'Est, au pied même du mont Par-
théniiis, aujourd’hui Rohino, au fond d’une sorte de golfe de la plaine
où se trouve, pour en recevoir le tribut, le grand katavotron de Berzova;
l’opinion commune dans le pays est que ce sont les eaux du Saranda-
potamos qui reparaissent à Myli (les moulins d’Argos) dans la plaine
riveraine, où plusieurs croient retrouver les véritables marais de Lerne.
L’antiquité regardait encore ce torrent comme l’Alphée, dont elle plaçait
j . Livre II, p. i 44*
quelquefois les sources à Kryovritzi, où nous trouvâmes un kan ruiné,
et dressâmes nos tentes après cinq heures de marche. «Ce fleuve, dit
« Pausanias, forme la limite entre le pays des Laconiens et celui de Tégée;
« il naît à Phisaque, et à peu de distance il reçoit les eaux d’un grand
« nombre de fontaines, ce qui a fait donner à ce lieu le nom de Sym-
« bola.1 * Nous campâmes donc à Symbola, endroit qui devait être
une position fort importante dans les anciens temps, la grande route
de Lacédémonia à la plaine de Muchli y coupant celle de Londari à
Saint-Pierre, ou mieux de Messénie en Argolide. C’est en cet endroit
que M. de Châteaubriand s’arrêta aussi : «pour y arriver, dit-il, le lit
« desséché d’un torrent nous servit de chemin; nous circulions avec lui
« dans un labyrinthe de montagnes peu élevées , toutes semblables entre^
« elles,;* etc. Cette description est exacte, ainsi que la remarque faite
par l’auteur de l’Itinéraire sur la multitude de petits Chênes à feuilles
de Houx (n.os 1274 et 1275), qui croissent dans ces solitudes; remarque
que Pausanias avait faite également : mais l’illustre pèlerin se trompe
en ajoutant, « le chemin que nous suivions ne traversait aucun lieu
« célèbre.a J> S’il eût eu présente l’histoire de Cléomène ou seulement les
commentaires de Follard, sur la mémorable bataille de Sélasie, il eût
remarqué l’endroit où se rendit ce grand combat qui fut le Waterloo
de Sparte. Il l’eût découvert en se rendant de Symbola, qu’il a méconnu,
à cette descente en escalier, où nous le suivrons demain pour arriver au
pont de l’Eurotas. La fontaine qui donna son nom moderne (eau froide)
au lieu de notre halte, était d’une construction turque; mais les masses
carrées de Marbre blanc qu’on y avait employées, étaient évidemment
des vestiges de la plus haute antiquité ; l’endroit d’où sortait l’eau qui
l’avait alimentée, et qui se perdait entre les roches roulées du torrent,
demeurait à quelque distance en arrière dans un enfoncement de la gorge
qui vient de Saint-Pierre. Sur la rive opposée et vis-à-vis le kan étaient
les ruines d’une tour importante, avec un mur d’enceinte bien caractérisé,
mais dont nos devanciers ne font pas la moindre mention; ce fut
cependant une forteresse très-militairement assise. La variété des galets
était prodigieuse aux alentours, et nous passâmes le reste de la journée
i. Lib. VIII, cap. 54 au commencement. — 2. Itinéraire, t. I.<r, p. 58.