de Zarnaoura et le revers du Saint-Hélie; nous y marchions sous de jolis
bouquets de petits arbres; au bout d’une lieue, le versant du plateau
et de la forêt cessant sans qu’il y paraisse, on se trouve sur celui du
Pézili; en y débouchant, nous jouîmes d’une vue des plus vaste et des
plus variée. A droite la forme ovoïde de la baie de Navarin se dessinait
comme un lac dans une carte de géographie; Sphactérie et Pylos, dont
la séparation nous échappait, semblables à une série de taupinières, la
distinguaient de la haute mer, dont l’azur allait au-dessus se confondre
avec celui du ciel. La grande passe ne se voyait pas non plus, le Saint-
Nicolo, en s’élevant isolé et dominant des amas de hauteurs calcaires,
nous la cachant. Sapience, apparaissant noirâtre et. déchirée au sud-
ouest, semblait y couronner le terrain de Grès et de Schiste argileux,
avec lequel pourtant cette île n’a aucun rapport. Toutes les collines dans
cette direction, formées dans un terrain éminemment altérable par les
eaux pluviales, étaient creusées, hachées, sillonnées, déchirées par une
multitude de valloncules, et leur couleur bleuâtre, jointe à la singularité
de leur figure, donnait au pays l’aspect des vagues d’une mer orageuse,
mais immobilisée comme par enchantement. La chaîne du Taygète
s’élevait fièrement de l’autre côté par-dessus le golfe de Goron, et présentait
des flancs dépouillés ou de profondes vallées, se dessinant en
ombres épaisses, contrastaient avec la neige éblouissante du Pentadactyle
ou grand Saint-Ilélie des Maniotes, Le sommet de Lycodimo, -à. l’orient,
terminait pour nous le sinus Messéniaque, et ses pentes septentrionales
nous cachaient les belles plaines de Nizi avec l’embouchure du Pamisus ;
mais dans la direction du nord-est, par-dessus ce que nous pouvions encore
apercevoir de la forêt de Koubeh et des flancs adoucis du Mànglava, on
nous fit remarquer une montagne isolée, qu’on m’assura être celle de
Vourcano, et qui se trouvait être effectivement l’Ithome où ma lunette
me fit déjà discerner une partie de ces grands murs d’Epaminondas,
que le lecteur viendra bientôt admirer avec nous. Dans Ta position d’où
l’on apercevait le faîte de l’antique Méssène, l’Evan, ou mont Saint-
Bazile ne s’en distinguait pas; par-dessus et beaucoup plus loin les
crêtes du Tétrage resplendissaient encore de neiges que nous ne devions
plus y trouver au mois suivant.
Après avoir admiré le magnifique tableau que présentait le contraste
d’une si vaste étendue de mer azurée, de pentes verdoyantes, de rochers
blancs ou gris, saillant à travers une végétation disséminée, d’espaces
totalement arides ou de places fleuries, nous descendîmes à travers d’inextricables
ravins, rencontrant çà et là des Oliviers, qui nous firent connaître
que ces fieux avaient fait anciennement partie des domaines de l’homme,
et pourraient facilement lui être rendus. Nous dûmes passer non loin du
village de Kandifiskévi , situé entre les aflluens du Navarinitza; mais le
pays était trop accidenté pour que nous l’y pussions apercevoir. Noua
arrivâmes, après bien des mauvais pas, dans le lit d’un ravin où coulait
encore d’assez bonne eau ; on me dit qu’il se nommait Paléolaka : l’herbe y
était fraîche et abondante; aussi quelques Karithéniotes s’y étaient établis
avec leurs troupeaux. Nous fîmes halte auprès des fragiles baraques couvertes
de toisons que ces Arcadiens s’étaient construites ; la chasse aux
insectes et l’herborisation y furent très-productives. Le Paléolaka tombe
dans le.Navarinitza ou Pézili, dont nous trouvâmes le vallon assez ouvert,
uni, et rempli d’une terre qui doit être très-fertile. Les cultures s’y rétablissaient,
et nous y vîmes plusieurs champs récemment labourés et ensemencés;
le sol y descendit des pentes latérales et dès sommets voisins ,
maintenant stériles par dépouillement; il fut évidemment la vase du
fond d’un lac à la manière de celui de Cujes en Provence (p. 8) , et qui
s’est vidé quand son katavotron, dont l’emplacement était non loin du
confluent du Paléolaka, s’est brisé pour former l’embouchure par laquelle
aujourd’hui se précipite le petit fleuve lorsque les pluies d’hiver en
font une cascade en cet endroit.; mais l’eau y manque durant neuf
mois de l’année, à peine en restait-il quand nous le traversâmes sur
un vieux pont en pierres de construction vénitienne, où nous joignîmes
le chemin de Modon à Koubeh : aussitôt après le passage du torrent,
le chemin monte diagonalement sur la paroi occidentale ou de gauche;
celle-ci est assez élevée, rapide, rocailleuse, et couverte de buissons ou
d’arbustes souvent très-fourrés. Le pavé que nous trouvâmes, était
horriblement dégradé et rendait la marche plus pénible qu’elle l’eût été
sans lui. Parvenus sur la hauteur, nous entendîmes les coups de canon
qu’on tirait au quartier-général pour l’entrée de M. le Président; en ce