culte, lui est demeuré à jamais acquis, même soüs l’empire du christianisme.
Il en est de ces fondations pieuses comme des fontaines dont on
remarque la transmission d’âge en âge toujours aux mêmes places. Les
demeures des dieux furent abandonnées, spoliées, abattues même, à
mesure que les beaux siècles de la Grèce s’évanouirent. Rome les pilla
pour s’en embellir, comme on les vit piller de nos jours par l’avarice
anglaise et la brutalité musulmane; mais a chaque époque de repos, la
nouvelle religion les a relevées en se les appropriant et en les adaptant
à ses rits. Ce sont toujours les mêmes matériaux qui reservent; des parties
souvent considérables de constructions primitives y demeurent parfois à
leur même place, mais ordinairement englobées à ne s’y pouvoir plus que
difficilement reconnaître, entre le moellon des maçonneries postérieures.
Les Grecs modernes, en réédifiant pauvrement et selon leur état d’oppression
les temples de Jupiter, d’Apollon, de Yénus, de Mars ou autres
divinités de leurs aïeux, pour les métamorphoser en chapelles du Père,
du Christ et de la Yierge, de Saint-Dimitri ou bien de Saint-Nicolas,
ont seulement rapetissé des bâtimens qui ne durent jamais être fort
considérables,, à en juger par ceux qui nous sont parvenus intacts ou
suffisamment reconnaissables, et adopté dans leur construction une
forme invariable. Leurs églises, depuis les plus ornées jusqu’aux plus
mesquines, consistent en une pièce quadrilatère, ou vers les trois quarts
de la longueur s’élève un mur transversal qui distingue la partie abandonnée
aux fidèles du sanctuaire où les prêtres seuls ont le droit de
pénétrer: une ouverture au milieu de ce mur de séparation y sert de
porte, et là sont ordinairement dans les.pauvres campagnes des chapiteaux
de colonnes ou des pièces de marbre dérobées à quelque grande
ruine du voisinage pour servir d’autel. L’entrée est indifféremment en
face du sanctuaire ou de côté; ôn ne voyait en Morée de notre temps ni
lampes, ni candélabres, ni vases sacrés, encore moins d’orgues, et il ne
s’y trouvait pas toujours de fenêtres. On y recueillait dans quelque coin
les ossemens humains rencontrés par hasard dans les champs, ou ils
sont ordinairement les indices de crimes demeurés impunis, et qu’il serait
réputé impie d’abandonner sans asyle, quoiqu’on ne leur doive pas la
sépulture dans les règles : ceci est encore un usage antique perpétué.
De Mouzousta, pour se rendre à Gargaliano, jusqu’ou j’avais résolu
de pousser notre reconnaissance, on traverse des coteaux calcaires qui
séparent successivement deux bassins contigus de peu d’étendue : le premier,
entièrement fermé, est du genre de ceux où les eaux pluviales n’ont
d’issue que par des puisards ou katavotrons imparfaits ; le fond en était
planté d’Oliviers et de Mûriers. Le suivant s’ouvrait vers le nord, sa
fertilité se manifestait par une multitude de belles plantes; on y reconnaissait
des marques d’anciennes et nombreuses cultures; plusieurs jardins
commençaiènt à s’y rétablir. Les ruines d’une chapelle un peu plus
considérable que celles que nous avions vues jusqu’alors en occupaient
à peu près le milieu à gauche et contre la route ; elles n’ont point échappé
à Gell, qui les indique sous le nom de Saint-Nicolas : de vieux arbres
fruitiers en ombrageaient les décombres. A peu de distanee sur la droite
s’élevait un monticule d’ou l’on jouit d’une fort belle vue, et dont le
sommet, qui n’a pas moins de 552 mètres au-dessus du niveau de la mer,
a servi de signal pour notre triangulation : on domine de ce point tout le
canton de Kambo, qui est un plateau faisant suite à celui de Koubeh,
et qui s’étend du sud au nord à la base de la chaîne Gérénienne. Cette
étendue nous paraissait fort unie; mais des ravins très-encaissés, courant
de l’est à l’ouest, la sillonnent; sa pente générale est fort adoucie vers la
mer, et cesse tout à coup par un escarpement dont on longe la base pour
se rendre à Philiatra, et qui distingue, en plaine supérieure et en plaine
inférieure, l’espace contenu entre les mont» et la mer. La blancheur du
village de Rristiano, situé au loin et au pied de l’Hagia-Yarvara, nous
fit remarquer ce lieu, qui ne comptait plus guère qu’une vingtaine de familles,
mais qui passe pour avoir été anciennement fort considérable. Un
évêque en porta le titre jusqu’assez avant dans le moyen âge; on a cru que
c’était celui d’Arcadia; mais si cette ville eût possédé un siège épiscopal
dès l'origine, pourquoi son pasteur eût-il pris un autre nom? Il est probable
que le siège de Rristiano fut le premier fondé dans laMessénie occidentale,
et qu’il fut transféré au Cyparissias de l’antiquité, quand cette
cité, se relevant de ses ruines, commença à s’appeler Arcadia; tandis
que le chef-lieu du canton vint au contraire à se dépeupler. Il est difficile
d’établir à quelle époque précisément ces cbangemens ont eu lieu,
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