« fertile, arrosée par l’Eurotas, ” mais simplement telle qu’elle est, c’est-
à-dire bornée de tous côtés par des monts d’inégale hauteur et de teintes
¿diverses, au pied desquels le fleuve Iri serpente tantôt azuré et bordé de
Roseaux ou de belles cultures, tantôt à peine visible parmi des galets
resplendissans, qui réfléchissent les rayons d’un soleil radieux et comme
altéré des eaux qu’il vaporise pendant la moitié de l’annec. Le bassin est
séparé de la mer par la chaîne de 1-ycovouno, ou le fleuve parvint a se
creuser un étroit passage, qu’on ne saurait apercevoir tant qu’on ne s’y
est pas soi-même engagé.
Ibrahim, en ruinant Mistra, n’avait pu s’emparer de sa forteresse,
-OÙ dix braves gens, avec des provisions suffisantes, résisteraient a
une puissante armée, tant qu’ils ne s’ennuieraient point de s’y laisser
.assiéger : une place carrée qu’entourent des maisons a plusieurs etages,
entièrement abandonnées, ressemblant a celles de nos vieilles villes
d’Europe, composèrent, avec beaucoup de masures renversées, un haut
quartier au-dessous du fort; ce quartier dut être celui qu’habitaient les
Despotes en qui finit, chez les Moréotes, la race impériale de Byzance;
il conserve encore le nom de Bourg de la princesse, parce que, nous
assura-t-on, le palais d’une fille de je ne sais quel empereur d’Orient s’y
était long-temps conservé; les Albanais furent ceux qui le brûlèrent
en 1770. Un peu plus bas, et appartenant toujours à la ville supérieure
qui fut certainement la Misithra de Yillehardouin, était une belle église,
bâtie avec des matériaux de tous les âges, et décorée par d’élégantes
colonnes de Marbre, mais toute délabrée : on nous raconta que naguère
ses prêtres, la Bible à la main, avec des cierges allumés et chantant des
cantiques, sortirent pour s’opposer processionnellement à l’entrée des
Arabes dans le sanctuaire; mais on les fiteventrer avec précaution, afin
qu’il leur restât assez de vie pour voir dévorer leurs entrailles fumantes
par des chiens affamés. On nous montra même la place où les saints
martyrs avaient rendu leur ame à Dieu, en lui demandant miséricorde
pour leurs bourreaux.
C’est de Mistra que partirent ceux des membres de la Section qui
moutèrent une seconde fois sur le Taygète, dont on gagne le faite
assez facilement par le côté où cette montagne est cependant coupee le
plus brusquement; il faut en suivre exactement les bases orientales par
le chemin que nous prîmes dans la journée du 25, en nous rendant à
Slavothorio. A une demi-lieue environ de cette rivière de Parori, qui
tombe dans la Pantélimonia près du village de Sy tarati, sourdent les
abondantes sources d’Hagianni où existèrent des bassins pour retenir
leurs eaux si fraîches, et des fragmens de briques j onchent fouj ours le sol,
ombragé par des plantations de Mûriers et d’Oliviers; plus loin jaillit
un autreképhalovritzi, appelé Paléohagianni, et qui alimente aussitôt le
cours d’un ruisseau considérable: celui-ci baigne les murs d’une église
abandonnée, mais remarquable par divers Marbres arrachés à quelque
vieux monument et qu’on encastra dans ses murs; l’un de ces fragmens
appartint à un bas-relief de la meilleure époque, et représente une scène
de chasse. L’un des Chiens qui s’y voient encore, est très-bien sculpté,
et dans la proie qu’il poursuit se reconnaît évidemment le Moufflon, qui
dut conséquemment exister autrefois dans la chaîne du Taygète; où la
race de cet animal paraît avoir été détruite. On tourne ici à gauche pour
gagner l’antique Amydée, en abandonnant la route de Marathonisi ;
tandis que, pour gravir les montagnes, il faut au contraire tourner à
droite et remonter le lit d’un torrent qui passe au village d’Anavryti.
Au-dessus de ce lieu, et par des pentes boisées, on marche diagonale-
ment jusque dans la haute région; MM. Boblaye et Yirlet y trouvèrent
des pâtres d’origine albanaise, avec de nombreux troupeaux : ces bonnes
gens menaient la même vie que ceux qui, sur le côté opposé du Saint-
Hélie, nous avaient récemment si bien accueillis; ils paraissaient pratiquer
les mêmes vertus hospitalières; au-dessus de leur demeure la
végétation cesse entièrement, et, gravissant à quelque distance le seul
pàs un peu scabreux qu’on ait rencontré durant le voyage, on arrive
au pied du piton, en ce meme endroit où dans les derniers jours du
mois passé nous avions encore trouvé de la neige, et que Pâusanias
me paraît désigner sous le nom de Théræ (p. 578).
Quant a Slavokhorio (village des Slaves), qui figure pour la première
fois sous ce nom vers le milieu du quinzième siècle dans George
Phrantzès, nous n’y vîmes point de ruines bien importantes, ni autant
de chapelles grecques qu’on en a signalées; une seule église en bien
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