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de front. Les Turcs y ont fait un lieu fort d’un château, et une ville
« de guerre. *
Maintenant le vieux Navarin, où noul conduirons bientôt le lecteur,
est entièrement abandonné, et le nouveau entièrement détruit; la ruine
de cette dernière ville est la conséquence des sièges qu’elle a supportés
depuis l’émancipation de la Grèce ; les Musulmans qui l’habitaient ont
été chassés ou tués. Les débris de la population grecque, que ces Turcs
y toléraient avant la sainte insurrection, s’étaient, quand nous y arrivâmes,
réfugiés dans les grôttës des envirdhs, ou commençaient à se
construire des. baraques en planches, confondues avec les maisons de
bois élevées par des ét&ngers de tous pays au bord de la mer, là même
où les Turcs eurent leur doyane, contre le débarcadaire. On dit qu’anciennement
il y avait un village grec sur la hauteur, que je trouve indiqué
sous le nom de Navarino dans plusieurs cartes modernes ; il ne reste plus
une trace d’habitations en ces lieux, où l’on voit seulement des carrières
et des crëux, provenant des pierres qui en furent extraites pour
construire*les remparts de la ville. Le nouveau Navarin, du commencement
de ce siècle, peut donc déjà êfre nommé vieux. Nul indigène
,l'y habitait encore l’an dernier; ce n’etait plus qu une citadelle réparée
par nos troupes, et dans l’enceinfô de laquelle vivaient seulement,
lorsque j’en partis, le commandant de la place, les intendans militaires,
le payeur, la garnison, en un mot, ce qui tenait à l’armée; la
population commerçante, ou les habitans du pays, étaient descendus
au rivage, et s’y construisaient une ville provisoire.
Les géographes ont jeté la plus grande confusion sur tout ce qui concerne
les deux Navarin, et beaucoup de cartes en ont si mal représenté les
alentours, qu’il est difficile d’y reconnaître ce qui convient au vieux ou
bien au nouveau, appelés indifféremment Pylos par les uns, tandis que
d’autres leur contestent également ce nom. Certains plans font de Sphacté.
rre une simple presqu’île, tandis qu’ailleurs on la métamorphose en archi-
pd. Les vues qu’on a de ces lieux semblent avoir été faites de mémoire ;
des tableaux qu’on croirait devoir être plus exacts, parce qu’ils ont
été commandés par le gouvernement même, ont tellement sacrifié le
paysage aux effets de bataille, qu’on n’y est plusenMorée, parce qu’on
y a trop prodigué la verdure et les agavés. Les environs de Navarin
n’offrent pas plus d’agavés que de verdure. Le sol y est rougeâtre, et
les rochers y sont blancs; les plantes curieuses, quy rencontre le botaniste
en assez grand nombre, croissent clair-semées dans les fentes des
pierres, sans produire d’ombrages, et sans commmiiquer à la campagne
leur aimable teinte. Le panorama, au centre duquel on a récemment
introduit tout Paris, sur le vaisseau que montait pendant la bataille
mon illustre et ancien ami Milius, donne des idées plus justes, au moins
pour la partie du tableau où le nouveau Navarin se trouve représenté
à la base du Saint-Nicolo, et pour le midi de Sphactérie,, J’y ai reconnu,
au premier coup d’oeil, la touche de M. Baccttet, qui vit les lieux et
qui les a parfaitement rendus; mais le reste du pourtour est loin de
présenter la même exactitude. Le vieux Navai’in, qui est le vrai Pylos,
et la chaîne (i’iranienne, ainsi que les monts qui sont du côté de Koubès,
sont beaucoup trop rapprochés du spectateur, gt coiiséquemment trop
élevés; on n’y aperçoit pas au fond de la rade ce vaste espace marécageux,
et ces monticules richement cultivés, qui forment un premier plan
de pentes étendues entre la mer et les grandes hauteurs. J’ai donc «cru
devoir restituer, qu’il me soit permis d’employer ce terme, les deux
Navarin et leurs alentours; on èh verra la carte à la planche IV, et
deux représentations exactes sous les n.os VII et IX. Quant à l’histoire
du canton, elle se trouvera éclaircie, lorsque, dans le chapitre IV de la
présente relation, nous porterons nos tentes sur le promontoire Cory-
phalium, au pied de la Pylos de Nélée et de Nestor, qui fut aussi celle
des seigneurs Francs, conquérans de la Morée dans le moyen âge.
A peine avions-nous jeté l’ancre, que M. de Robillard se rendit à
bord de l’amiral Rosamel pourfendre ses ordres; lorsqu’il revint nous
annoncer que dès le soir même chacun était libre d’aller à terre, et
que*le lendemain il présenterait au commandant des forces navales
les directeurs des trois sections de la Commission scientifique, le Conquérant
passa tout près de nous, pour aller mouiller un peu plus loin ;
l’Hellas salua ce magnifique vaisseau de vingt coups de canon, qui lui
furent rendus. Le lendemain je fus avec MM. Dubois et Blouet à bord
de l’amiral de Rigny, qui nous fit l’accueil le plus bienveillant et qui