décombres. Parvenu sous la dernière de ces ouvertures, oit le souterrain
pouvait bien avoir vingt-cinq pieds de profondeur sur une dizaine en
large, je distinguai un peu plus bas quelque chose de singulière apparence,
et m’en étant approché pour reconnaître ce que ce pouvait être,
j’y reconnus un squelette humain où tenaient encore quelques lambeaux
de chair desséchée et des vêtemèns souillés; sa tête était toute fendue.
Le malheureux, dont je venais de retrouver les restes, fut sans doute
quelque curieux qui se laissa évidemment choir par le. trou dont je
recevais la lumière, et que les herbes dont il est entouré l’avaient empêché
d’apercevoir. A quelques pas encore au-dessous de l’endroit ou
je laissai ce cadavre, un mur terminait le souterrain. En le perçant,
on découvrirait peut t être quelques communications avec les caveaux
qui ont dû exister sous la grosse tour, ou avec une troisième citerne
oblongue, dont la voûte s’est affaissée et qui se dirige vers le sud. On
sent que nulle source ne pouvant fournir d’eau potable au Vieux-Navarin
sur le sommet qu’il occupait, il y avait fallu multiplier les moyens
artificiels d’y conserver celle des pluies.
Le mur d’enceinte est assez épais du côté du nord, pour qu’on y
puisse circuler au moyen d’un sentier pratiqué à mi-hauteur. Des
créneaux du parapet l’on jouit d’une fort belle vue. A gauche, sur la
grande mer qui s’étend à l’infini, l’île de Zante apparaît au loin comme
un nuage, et le Borfoxo/X/ot ou Ventre-de-boeuf s’enfonce au centre du
tableau que termine à droite, au-dessus de fertiles plaines et décriantes
hauteurs, la chaîne altière des Monts Géréniens. Le Ventre-de-boeuf
est un petit port naturel, hémisphérique, creusé en demi-cuvette, parfaitement
régulière, dans une plage sablonneuse et déserte, où nous ne
tarderons point à descendre. Comme on n’y a guère plus de deux ou
trois brasses de fond vers le milieu, de petites embarcations seules
pourraient s’y retirer. Il eût été excellent pour les flottes antiques ; mais
il ne doit pas être lui-même fort ancien. L’étroit passage au moyen
duquel on y pourrait entrer, est bordé par les rochers de la pointe
septentrionale de la presqu’île oii nous sommes, et les hauteurs qui lui
sont opposées du côté du nord. On lit, dans M. Pocqueville qu’en
x. Voyage de la Grèce, tome VI, page 26.
allant d’Arcadia à Navarin « on passe devant Voidakoelia, la vallée
« des boeufs, village où l’on suppose qu’existèrent les étables de Nestor.
« On y. est à très-peu de distance de la grande baie de Pylos, autour
« de laquelle gisent le Vieux-Navarin ou Zonchio, Pétrochorio, une
V église de S. Nicolas, Bessli, entourés d’une foule de ruisseaux qui
« descendent des monts Tavolaki.” Il n’y eut jamais de village appelé
Vallée aux boeufs; nous ne connaissons pas les autorités d’après lesquelles
on puisse établir que Nestor renfermait ses troupeaux dans ce
lieu imaginaire, et les indications que donne ici le savant auteur du
Voyage de la Grèce, sont tellement confuses, que toute personne qui
jettera les yeux sur nos cartes, ou qui visitera le pays, ne pourra rien
comprendre à la description du savant académicien des inscriptions et
belles-lettres. Nous n’aurions point signalé de telles erreurs, si elles
n’eussent trompé le géographe de l’époque qui possède le mieux l’art de
faire des cartes, et qui a marqué sur la sienne un village de Boidochilia
qui n’existe que dans la relation de M. de Pouqueville.
Quelque minutieuses que soient les recherches qu’on puisse faire
dans l’intérieur du Vieux-Navarin, on n’y retrouve donc aucun indice
de cette haute antiquité que nous venions y rechercher, et l’on a vu
(p. 62) comment et par qui nous fut révélé l’endroit où nous en devions
trouver. C’est en dehors de l’enceinte, du côté du nord, au pied de ces
mêmes murailles qui, vues par leur côté intérieur, ne ressemblent qu’à
celles de tous les châteaux des temps féodaux, qu’il faut chercher sous les
travaux des seigneurs français et de leurs successeurs , ce qui reste des
fondateurs primitifs. Les soubassemens de ce rempart crénelé, d’où nous
venons d’âbaisser nos regards sur le Ventre-de-boeuf, èt qui couronne le
paysage représenté dans notre planche XI, consistent, d’une extrémité
à l’autre, en assises d’un Calcaire grossier, qui n’est pas celui des environs,
dont les pierres, taillées sur toutes les faces en carré long ou poly-
gonalement et solidement jointes sans ciment, sont représentées par MM.
les architectes dans la figure 5 de leur planche 7. Ces assises, du genre
hellénique, doivent remonter aux âges où vécurent Nélée et son fils
Nestor; elles appartinrent à quelque acropole, dont le château et les
murs d’enceinte du Vieux-Navarin oirPaléokastron recouvrent l’empla-
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