de la grande baie, a été trouvé par nos mesures barométriques de deux
cent vingt-neuf mètres au-dessus du niveau de la mer.
Au moment de quitter l’isthme sablonneux, et contre la base du mur
naturel dont il était question de franchir l’extrémité abaissée vers la
passe, on trouve un puits-fontaine qui fournit la seule eau potable
de ces lieux, et que je suppose, par la taille des pierres qui lui servent
de parois, être un ouvrage de l’antiquité. A quelques pas, après avoir
tourné à gauche, le sentier qu’il faut nécessairement tenir, s’élève sur
les traces d’un môle des plus vieux temps-, dont la section d’architecture
a donné les moindres détails (voyez fig. 4 et 5, Pl. VII). A ces débris
d’un port, qui fut évidemment celui de la Pylos de Thucydide, ainsi
qu’on le verra bientôt, succèdent d’autres restes, où l’on reconnaît, à la
taille polygonale des pierres bouleversées, l’époque hellénique; époque
intermédiaire à celle des constructions en pierres brutes, dites cyclo-
péennes, et des constructions en pierres de forme carré-long, pour
lesquelles on doit réserver la dénomination de grecques. Sur l’arête de
l’escarpement dont on traverse la base méridionale, on aperçoit des pans
de murs et de tourelles qu’aux moellons et au mortier employés dans
leur composition, on reconnaît pour avoir appartenu à l’enceinte du
temps des conquérans français et de leurs successeurs les Vénitiens. Il y
avait sans doute une porte d’entrée de ce côté; mais nous n’en avons pas
retrouvé les moindres vestiges. Après l’endroit où dut être cette porte,
on arrive sur un plateau couvert d’une végétation broutée qui se prolonge
en dos d’âne vers l’ouest, parallèlement au canal de Sikia, et s’y
termine en un cap arrondi, à l’extrémité duquel se voyaient les restes
d’une batterie sur laquelle personne n’a pu nous donner de rensei-
gnemens, mais qui doit avoir été faite au temps de la sainte ligue,
où le Vieux-Navarin eut à soutenir un siège. Les embrasures pour trois
canons y étaient encore parfaitement reconnaissables à travers de vieux
parapets en briques et gazonnés; ceux-ci, malgré leur délabrement,
offrirent à nos. tentes quelque abri contre un vent impétueux, qui ne
tarda point à souffler du large. Pour la première fois la Commission
dormit sous la toile, et le 4 .er Avril, en se réveillant, chacun, affranchi
de tout autre soin, put se livrer au genre de recherches dont le Gouvernement
l’avait chargé. Afin de donner à mes lecteurs l’idée la plus
exacte d’un lieu à la connaissance duquel j’attachais d’autant plus
d’importance, qu’il était question d’y résoudre le problème long-temps
controversé du site qu’occupa la Pylos Messéniaque ou de Nestor, je
commençai par en faire la carte, qu’on trouve dans la planche IV de
notre première série. Deux jours, durant lesquels je ne négligeai cependant
pas de me livrer à des recherches d’histoire naturelle, me suffirent
pour terminer ce travail. J’avais d’abord été favorisé par le temps; mais
bientôt le ciel se rembrunit, l’orage gronda, la pluie tomba par torrens
et les nuits devenant des tempêtes, des rafales menacèrent plusieurs fois
d’enlever nos tentes. Baccuet courut de véritables dangers pour passer
à Sphactérie, d’où je l’avais prié de prendre l’aspect, vu par le côté du
sud (Pl. X de notrè 4 .re série), des lieux dont je m’étais réservé la topographie.
Le dessin qu’en ont donné MM. les architectes (pl. 5, fig. 4 4 )
est pris d’un point tant soit peu plus oriental, et montre, vu de trois
quarts, une partie du rempart qui regarde l’étang d’Osman-Aga, avec
l’extrémité de l’isthme par laquelle on arrive au Vieux-Navarin.
Le rivage était tout autour de notre camp formé de rocs, à l’extérieur
desquels l’érosion produite par l’alternative du choc des vagues et de
l’ardeur d’un soleil dévorant, a donné les formes les plus âpres. Composés
de cet intraitable Calcaire moréotique dont la cassure est blanchâtre
ou d’un gris tendre, leur surface, partout où l’influence des brisans peut
atteindre, prend une teinte noire et fuligineuse; ils ressemblent à ces
amas de suie concrétée dont s’encombrent les cheminées qu’on n’a point
eu le soin de faire nettoyer, ou bien à ces bancs de scories volcaniques,
si hérissés de pointes mamelonnées, qu’à Mascareigne on appelle vulgairement
Gratons, On ne saurait imaginer un spectacle plus étrange
que celui que présente la mer courroucée obéissant au vent impétueux
du nord-ouest, quand elle vient briser contre les sinistres récifs dont nous
admirions les formes bizarres sur l’escarpement de Sphactérie, vers l’entrée
du détroit. Des flots de neige roulante s’y poussaient les uns les
autres, et s’élevant en nappes de lait jusqu’aux deux tiers de ce rempart
naturel, en retombaient, comme les avalanches des Alpes, à travers
une infinité de saillans noirs-, semblables à de grossière fonte de fer.
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