toute la campagne autour des champs; quelques cyprès et de ces pins
pmiers qui caractérisent le paysage en Italie, s’élèvent à propos, mais
sans profusion, pour opier le paysage. Nous y reconnûmes aussi beaucoup
de mûriers, mais ils étaient entièrement dépouillés de leurs feuilles,
tandis que. des orangers étaient parés des leurs*dans les**noindçes jardins;
beaucoup d’amandiers égayaient la campagne de leurs fleurs
roses. La multitude des jardins rémplis de légumes indiquait un canton
d’abondance. •
En doublant la pointe du phare, nous nous étions d’abord dirigés
droit sur Messine, longeant la plage méridionale du cap avancé en bec,
par-dessus lequel nous distinguâmes à leur tour plusieurs vaisseaux
vogutnt sur la mer que nous abandonnions, et toujours Stromboli,
causant dans ce tableau à peu près l’effet qu’avait produit quelques*
jqurs auparavant Montécristo par-dessus Pianosa. Au bord de l’eau
était une*espèce de rue, formée par des retraites de pêoileurs et par
leurs embarcations, tirées au rivage f il y en avait un très - grand
nombre. Une route, qui suivait parallèlement la côte, conduisait à la
ville dont nous approchions : des habitations de plus en plus nombreuses
la bordaient.
Il n’existe point de port à proprement parler à Messine, mais une rade
qui est sûre, quoique ouverte. Une ligne de très-belles maisons à un
seul étage régnait le long de la %ier, avec des arcades ; une multitude
d’églises et d’autres fort beaux édifices publics •»s’élevaient de toutes
parts; quand nous en* fûmes très-près, nous remarquâmes qu’un grand
nombre de façades étaient élégamment- peintes de diverses couleurs,
où le rose dominait. On porte le nombre des habitans à soixante-dix
mille. Reggio, en façge, n’en a guère'que vingt milje. On,sait que Messine,
cité dont la fondation doit, remonter à la plus ha,ute antiquité, était
peu‘considérable et habitée pât des pirates, lorsque les citoyens de
Messène, chassés du Pélopoi^se vers la deuxième ann^e delà troisième
olympiade1, vinrent s’établir dans cette partie de la'Sicile. Les des-
cendans de ces exilés, étant retournés en Grèce quand Epaminondas
i . Pausanias, îib. IV, cap. ¿3. II y a la vingt-neuvième olympiade dans le textgjk mais c'est une
erreur des copistes qu'a fort bien relevée l’abbé Gédoynj t. I.,r, p. 376, note 2.
y eut abattu la puissance de leurs ennemis, laissèrent leur nom à leur
pays adoptif; il l’a toujours gardé depuis. Messine, auparavant, s’appelait
Zanclé, et ce nom de Zanclé était tiré^d’un mot qui, dans la
langue du pays, signifiait Une faux; les habitans du canton faisant
ainsi allusion* à la figure légèrement recourbée que formait le cap protecteur
de leur port. Ce^cap était celui à l’abri duquel nous venons de
voir tant de bateaux pêcheurs tirés au rivage? et occupant sans doute
l’endroit même où ^échouaient les flottes Zandéennes. Alors le cap,
en forme de faux, était barré du côté de la terre ferme par un mur
d’enceinte et protégé par un fort; ces défenses ayant été forcées, et les
vaincus s’étant réfugié! dans leurs temples, Anaxias, cîief des Reggiens,
voulut Tés" y massacrer; mais les Messéniens, ses alliés, qui avaient
eu le plus de part au succès , déclarèrent qu’ils n’y consentiraient
jamais, disant : « que des malheureux, d’origine grecque comme eux,
« ne devâieiît point êtrë1, au mépris des liens du sang, traités comme
« eux-mêmes l’avaient été si indignement par les Spartiates, quand
« ces barbares les contraignirent d’abandonner leur cher Péloponèse. ”
L’asyle fut donc respecté, et les Zancléens reconnaissans partagèrent
leurs terres avec les vainqueurs ; les deux peuples se jurèrent en outre
fidélité réciproque et vécurent par la suite en bonne intelligence. Nous
allions' bientôt visiter le lieu d«où étaient venus ces généreux éinigrans.
Il fallait qu’alors la voix de la patrie fût bien impérieuse pour rameneï*
sur l’Itome, qu’ils ne ‘‘pouvaient connaître que par tradition, leurs des-
cendans après qu’ils eurent pu apprécier les douceurs idu séjour de
Messine, incomparablement p!ûs agréable que ne dut l’être jamais
celui de Messène.
Nous passâmes .si près de Reggio que je distinguai, sans employer
de longue vue, des pâssans dans plu|ieur$ de ses rues. Les maisons
de cétte ville, me parurent très-jolies, elles sont bâties comme celles de
Messifte, er teintes des mêmes couleurs, sûr tout aux terrasses, qui sont
généralement rô'Ji's ; un grand bàtimedt carré, entouré'd’arcades au rez-
de-cbauss^e, seleve au milieu du port. La campagne, admirablement
cultivée aux* alentours, est bornée par d’assez hautes montagnes nues
et dont le faîte présentait alors quelques neiges.