flotte de deux cents voiles.... Une armée si formidable jeta l’épouvante
dans la ville; le résultat des manoeuvres de Morosini fut la prise
de la citadelle, qui eut lieu en peu d’heures et sans perte d’un seul
homme, avec quatorze cents prisonniers, « dont cent, ajoute le cos-
« mographe de Venise1, eussent suffi pour défendre une place où l’on
« trouva quarante pièces de canon de divers calibres, beaucoup d’autres
« armes, et toutes sortes de munitions de guerre et de bouche, place
« naturellement si forte qu’elle ne peut être attaquée que par un en-
« droit. ” On y mit une garnison de cent soixante hommes de pied
sous les ordres du sieur Pietro Grioni, qui en fut nommé provéditeur
ordinaire. Maître du Vieux-Navarin, Morosini se disposa sans délai à
s’emparer du Nouveau, et nous avons raconté la manière dont il s’y
prit (pag. 427); nous avons aussi dit comment, après la bataille de
Lépante, les Turcs, s’étant retirés dans ces parages, essayèrent de
combler la passe du nord ou de Sikia, pour qu’on ne pût venir les
surprendre à leur tour par ce côté, dans la baie qu’ils occupaient.
Ces sièges, prises et reprises, ruinèrent totalement Paléokastron, dont
les habitans se dispersèrent Insensiblement dans le voisinage. Il devait
cependant en rester quelques-uns vers la fin du siècle dernier, et
Bellin écrivait, en 4794 : «cette ville est en assez mauvais état au-
« jourd’hui, et le Nouveau-Navarin est plus peuplé que le Vieux."”'On
ne peut guère préciser l’époque de son abandon total.
On a vu (p. 4 24 ) qu’avant de faire le siège de Néokastron (le Nouveau-
Navarin), Ibrahim, dans le commencement de ses opérations, s’empara
de Spbactérie. C’était sans doute une tradition adoptée, qu’il fallût
prendre nécessairement le Vieux-Navarin avant de porter tous ses efforts
sur le Nouveau, et le général égyptien tenta de s’en rendre maître, tout
ruiné qu’il était depuis long-temps. Les Grecs, à qui la même tradition
enseignait qu’il le fallait défendre, en occupaient les décombres sur
lesquels le Bulgare Hadgi-Cbristo avait pris position avec six cents
hommes. Ce posté, qu’on négligerait probablement aujourd’hui, avait
quelque importance pour Ibrahim, qui craignait que lé canal de Sikia
ne donnât passage aux brûlots des émules de Canaris.
i . Loc. cit., pag. 69.
Ce Paléokastron, ce Vieux-Navarin des anciens conquérans français,
bâti sur les fondemens de l’acropole de Nestor, où nous n’avons pas
trouvé un recoin qui pût servir d’abri aux plus misérables d’entre les
hommes, fut alors vivement attaqué et héroïquement défendu. Nous avons
vu dans quelques embrasures de ses murailles de la paille pourrie, qui
restait de cette époque ou elle avait probablement servi de couchage à
des héros'de l’indépendance. Le brave Tsamados étant mort à Spbâctérie
au milieu de ses compagnons de gloire, Ibrahim ayant pu faire entrer
sa flotte dans la baie, ce dernier en fit occuper le fond ou il ordonna
d’embosser quelques bâtimens en face du petit canal ; il fit débarquer
des troupes sur le plateau de Coryphasium, et tirer des coups de
canon contre les remparts; mais les assiégés, qui n’en éprouvèrent nul
dommage, engagèrent un combat très-vif avec les Arabes, dont ils
tuèrent, dit-on, jusqu’à douze cents. Cependant de tels efforts se renouvelant
chaque jour, Hadgi-Christo, n’ayant plus ni vivres ni, poudre,
essaya de se sauver du côté de la vieille Pylos, ou il s’était fermé par
le tambour dont nous avons vu les traces sur la hauteur de la pente
de sable. L’ennemi qui avait prévu ce mouvement; se trouvait en
force au débouché du Ventre-de-Boeuf, et, dans la nuit du 45 Février
4825, la sortie des Grecs ne put réussir; ils furent repoussés avec une
perte énorme. Le capitaine Ponioropoulo parvint cependant à s’échapper
avec moins de deux cents hommes. Les débris du petit corps qui
purent regagner les ruines, ou il ne leur restait même plus d’eau, furent
trop heureux d’obtenir, dans la journée suivante, une capitulation
qui leur assurait la vie et leur permettait dè rentrer dans leurs foyers.
Au mépris de' cette convention, le vainqueur retint prisonnier Hadgi-
Cbristo , qu’il se proposait d’échanger contre un pacha que les Grecs
avaient en leur pouvoir dans Nauplie, et cet évêque de Modon, que
nous avons vu, la Bible à la main, prêcher l’extermination d’une
garnison turque, violer la capitulation de Navarin et jeter les vaincus
sur le rocher dévorant de Kuloneski ( pag. 4 34 ).
Ne trouvant rien à Pyla de ce qu’on nous avait promis y devoir être,
nous en partîmes pour visiter la prise de l’aqueduc de Navarin, avec
l’espoir que nous y pourrions découvrir ce que M. de Pouqueville a fait