les marins iront pas pu lés admettre. Il doit être facile de trouver dans
quelques documens historiques de la Provence la date de la réunion de
Gien, d’où résulta vers le nord-ouest la rade du même nom et qu’on
rencontre à la place d’un ancien détroit. On rapporte dans le pays que
des navigateurs étrangers ignoraient encore cette réunion vers le milieu
du sièele dernier, et qu’un navire venu de loin, se liant à des cartes
qui n’indiquaient point les changemens survenus, se jeta de nuit contre
l’isthme occidental, en voulant passer entre Gien et la plaine d’Hyères.
Outre les cinq ou six petits forts que nous avions aperçus , quelques
maisons de pêcheurs avec des huttes de pâtres sont les seules habitations
qu’on ^trouve dans les îles d’Hyères, où ne se voient point les
villages rians, propres à donner asyle à de riches convalescens, et les
délicieuses demeures qu’on pourrait croire y exister d’après la renommée.
On n’y trouve aucune source, il n’y a d’eau potable que celle qui, dans
la saison des pluies, remplit quelques citernes. Des myrtes y croissent,
à la vérité, mais en buissons qui ne donnent point de frais ombrages ;
des lentisques et autres arbres peu élevés de la région méditerranéenne
y sont dispersés au hasard entre des rochers ; quelques orangers fatigués
par les vents, des oliviers et des figuiers, y furent plantés autour
des maisons, mais il est aisé de reconnaître qu’ils y croissent comme à
regret. Le naturaliste seul peut avec succès visiter ces tristes Stæchades
de l’antiquité, où végètent diverses plantes rares pour le reste de la
France; mais il doit choisir pour s’y rendre le peu d’instans de l’année
où le soleil n’a pas dévoré toute verdure. On dit que le papillon jasius
s’y rencontre; la chose est possible : cependant rien n’est moins certain;
tout ce que j’ai pu apprendre dans le pays sur ce rare insecte dont l’air
est tout-à-fait exotique, c’est que des amateurs d’entomologie en ont
découvert la chenille dans quelques fourrés d’arbousiers, entre Toulon
et Fréjus, qu’ils l’ont soigneusement élevée, comme on fait des vers à
soie, et que des papillons qui en sont provenus ont été obtenus presque
tous les individus parfaits répandus dans les collections»
La nuit du 14 au 42 fut assez froide; le thermomètre centigrade
s’était cependant tenu sur la frégate à 40 degrés vers la pointe du jdtir;
lorsque je montai sur le pont dans la matinée, les hauteurs du continent
étaient diaprées à partir de cent mètres d’élévation d’une neige qui
se fondit à peu près tpute avant midi. Mais l’acropole d’Hyères et les
Stæchades n’avaient point été blanchis, probablement le “mercure sÿ
était tenu à 5 ou 6 degrés au-dessus du point de congélation. Le milieu
de la journée fut chaud; sur les sept heures du soir, la lune étant resplendissante,
le commandant, profitant d’un bon v-ent d’ouest, fit mettre
à la voile pour gagner la pleine mer, en repassant entre l’île du Titan
et la terre ferme. On trouva ensuite des vents contraires qui nous retinrent
en vue des côtes de Provence durant la journée du 4 5 ; nous distinguions
le golfe Juan, et derrière les îles de Lerin se cachait pour nous
cette plage de Cannes.... Les Alpes maritimes présentaient leurs sommets
éblouissant de glace par-dessus la direction de Nice. Cependant, le
14 de très-bonne heure, nous commençâmes à faire bonne route, et les
rivages de France ayant peu à peu disparu, nous distinguâmes la Corse
qui, s’élevant majestueusement sur la droite, paraissait composée de
deux grandes masses principales de montagnes, dont la méridionale,
plus élevée, avait ses grands sommets couverts de neige. Nous avions le
cap sur la Gorgone, espèce d’écueil de l’archipel toscan, élevé de trois
cent soixante-trois mètres, situé vis-à-vis Livourne, couvèrt de buissons
et non de bois, comme l’a imprimé Malte-Brun, couronné par une tour
de signaux et rendez-vous des pêcheurs de sardines, Capraïa, île du
même archipel, se montra bientôt; elle paraissait trois ou quatre fois
plus grande et aussi haute que la Gorgone, qui s’effacait vers le nord-est.
Nous approchâmes alors beaucoup du cap Corte, et l’on signala l’île
d’Elbe. Notre route coupait probablement celle que suivit en 4 84 5 l’empereur
Napoléon. Le calme nous surprit ici, et jusqu’au 26 il n’alterna
qu’avec des vents contraires qui, nous poussant d’îles en îles, rendirent
notre traversée souvent fort désagréable. Des marsouins que nous rencontrâmes,
voyageant vers le nord-est, furent pour l’équipage <le pronostic
de ces contre-temps.
En passant près de Capraïa, je remarquai que cette îleçest à peu
près quatre fois plus longue que large et qu’elle n’a pas moins d’une
lieue et trois quarts du nord au'sud;- elle est montueuse, toute brisée,
de constitution calcaire, et l’on y distinguait seulement quelques touffes