Pendant le règne de Geoffroy de Yille-Hardouin II, Modon avec
Coron passa sous la domination vénitienne, par suite d’un arrangement
que fit ce prince avec la république. Geoffroy II, « voulant reprendre
« Monembasie, Corinthefèt Anaplion, ou Nauplie, sur l’empire grec qui
« lui avait enlevé ces places, ne trouva d’autres moyens que la cession
« de deux ports de Messénie, pour obtenir les secours de ses alliés,
« avec lesquels il fut stipulé qu’en échange desdites villes avec leurs
« villages et dépendances, la communauté fournirait au prince deux
« galères pour la garde du pays, et paierait la solde de l’équipage, le
« prince n’étant tenu qu’aux frais de l’entretien. | Yenise envoya donc
quatre galères au lieu de deux, et toute la partie méridionale du pays
devint sa propriété jusqu’en: 1498, que, sous Bajazet II, les Turcs leur
enlevèrent Modon ; cette ville devait être alors plus forte qu’elle n’avait
jamais été, car le siège fut rude, et les assaillans étaient, disent les historiens,
au nombre de cent cinquante mille hommes, ce qui pourrait
bien être une exagération. C’est pendant cette première période de la
domination vénitienne que furent érigés plusieurs bâtimens publics
où l’on reconnaît ses traces; nous les avons retrouvées dans plusieurs
écussons d?armoiries sculptées sur divers murs, dansjes parois d’une
grande citerne près de la mer, où se lit une inscription horriblement
gravée et que M. Dubois m’a communiquée1; enfin, dans une autre
inscription sur une maison de la grande place, laquelle fut peut-être
un hospice, et où se lit ïe millésime MCCCCLX. XX OC. En 1686
Morosini la reprit aux Turcs, et elle devint une troisième fois vénitienne,
pour demeurer au pouvoir de la république jusqu’en 1715,
que les Musulmans y rentrèrent en maîtres pour en être définitivement
chassés à leur tour par les Français sous le commandement du général
comte Maison. C’est à Modon que^débarqua Ibrahim, lorsqu’au mois
de Février il vint porter le ravage en MpTée; les neuf mille hommes
de troupes qui l’accompagnaient furent campés dans la plaine f où nous
avons retrouvé les débris de leur camp (p. 59); ils s’y préparèrent
i . i 4 7 >; ADDJ Z I MASO *
M IH IE L &ANDREA V
FRÆNCESCHO VANVHOU
au siège de Navarin. Les Grecs n’opposèrent aucune résistance à leur
descente.
Je vois en marge d’une vieille carte de Morée1, bizarrement gravée
d’après Cantelli, un petit plan du pourtour fortifié de Modon, daté de
1686, l’année même où Morosini s’en rendit maître : ce plan f tout mal
fait qu’il soit, peut servir pour retrouver, à travers les améliorations
dues aux officiers du génie de l’expédition libératrice des Français en
Morée, les travaux qui, depuis la domination des Yénitiens, avaient fait
de Modon une sorte de citadelle excellente, relativement aux moyens
de siège qu’on pouvait avoir avant l’invention de la poudre et même
plus tard. La ville, située sur un cap escarpé, était, comme aujourd’hui,
de forme longitudinale du nord au sud, trois ou quatre fois plus étroite
que longue, terminée par une tour étagée qui servait de phare, et qui
maintenant est la prison militaire. Cette tour s’élève sur un rocher,
sorte de presqu’île, dont l’isthme est un pont en pierre, sous les arches
basses duquel la mer roule à deux ou trois pieds de prbfondeur. On
l’appelle le fanal. L’entrée de la ville du côté du nord, dite de terre,
est protégée par une citadelle ou réduit , où le général en chef de
notre armée habitait les appartemens qu’avait occupés Ibrahim. Un
grand fossé très-large a été creusé* dans le roc de ce cotg, pour unir
la mer extérieure a celle de l’intérieur du port; nous l’avons beaucoup
élargi et approfondi, mais cependant l’eau n’y entre qu’à peine par
les vents d’est continus et du côté intérieur, qui demeure marécageux
et fétide durant presque toutè l’année. Un pont de bois assez élevé
conduit à la grande porte par-dessus ce fossé; il peut être facilement
supprimé au besoin2. Le lion de S. Marc, grossièrement sculpté sur
une grande pierre carrée, sè voit, depuis la conquête de Morosini,
incrusté dans les remparts. Le port est formé par un môle évidemment
antique, tout ruiné, mais encore solide, parce qu’il fut construit avec
d’énormes pierres, qui, pour avoir été culbutées par les tempêtes, ne
i . Le Peloponèse aujourd’hui la Morée, etc. ; à Paris chez Lefer, quai de l’Horloge, à la Sphère
royale, iyo5.
a. On trouve le fossé, le port et la porte de Modon gravés à la pl. î , fig. 2 , de la section
d!ajchitecture.