aux membres de la Commission scientifique une souscription pour
l’ouverture d’un établissement de ce genre, dont il eût bien désiré pouvoir
doter le chef-lieu de son département. L’état-major de l’armée,
les officiers de la ligne et les moindres employés de l’administration
avaient rivalisé de générosité dans leurs offrandes, voulant tous contribuer
ainsi à rapporter chez les descendans des antiques philosophes de
la Grèce-, ces lumières dont l’Europe doit au moins les premières lueurs
à leurs aïeux. Notre don parut a le M, le préfet digne de la mission qui
nous avait été donnée, et désirant témoigner sa reconnaissance à mes
collègues, il me pria de les inviter au festin grec qu’il se proposait de
leur offrir dès le lendemain sur l’île même que je me préparais à visiter.
Le préfet vint donc nous chercher le jour suivant, accompagné de
quatre palikars, qui nous formèrent une suite d’honneur. Un bateau
à l’arrière duquel se trouvaient étendus les tapis où nous devions prendre
place, attendait à l’embarcadaire. Parmi les provisions était un baril
rempli d’eau douce, dont on n’eût pas trouvé une goutte, bonne ou
mauvaise, au terme de la promenade; un beau mouton vivant et fort
gras, attaché par le front au pied du mât, y semblait être comme une
victime sur laquelle veillait, armé d’un coutelas, le sacrificateur chargé
de l’égorger bientôt ; en apercevant cet animal quand nous doublâmes
la pointe du môle où se dressaient des tronçons- de colonnes antiques,
je fus tenté de me croire remonté vers ces temps où, sur la même mer
et sur des embarcations pareilles, les premiers habitans dePédase allaient
offrir sur la principale des OEnuses les prémices de leurs troupeaux,
afin de conjurer la fureur des vents \ Accompagnés de nos palikars
bizarrement vêtus, au milieuS(de marins parlant un langage où se rer
connaissaient des mots que nous avait appris le Jardin des racines
grecques, il me semblait voir dans chacun de mes collègues de la
Commission, un nouvel Anacharsis venant de quelque contrée cymé-
rienne pour chercher des leçons au pays qu’illustrèrent les sept sages.
Le temps était fort beau, et quoique nous fussions seulement dans
les premiers jours de Mars, il faisait une chaleur dont nulle brise ne
i. Pausanias dit (lib. TV, cap. 55) que Mothone était désolée par des vents terribles, et que
par cette raison Minerve, qui les fit cesser, y était adorée sous le nom d’Anémotis, d’a.vtu.oç, qui
signifie vent.
diminuait l’intensité; nous gouvernâmes sur l’île que nous avions en
face, et dont nous atteignîmes le mouillage en moins d’une heure.
Quoique la mer parût assez unie, il y avait cependant toujours d’assez
fortes houles au milieu du canal. Nous laissâmes à gauche un écueil,
qui s’élève de cinq ou six mètres, et dont le plateau, de quelques pas
d’étendue, est couvert par divers gramens et autres plantes des régions
littorales; cet îlot était celui dont nous avons dit tout à l’heure*( p. 70)
qu’on aurait tort de le prendre pour le rocher Mothon. Je ne vois nulle
part que les anciens lui accordassent un nom particulier. M. de Pouqueville
qui croit néanmoins y reconnaître la grosse roche de Pausanias,
l’appelle Saint-Bernardin et pense qu’il est le produit d’une éruption volcanique
!... Boblayey descendit, et l’a trouvé composé de grès vert, tout
rempli de ces agates de couleurs variées qu’on voit sur le rivage opposé
roulées en petits fragmens et formant une multitude de brillans galets.