On compta 510 familles à Philiatra, et même jusqu’à 2000 habitans,
selon le démogéronte, ayant la guerre de l’Indépendance; il n’en restait
que la moitié à peu près, et tous paraissaient jouir d’une sorte d’aisance ;
du moins ne fûmes-nous point importunés par des mendians.
Philiatra n’est pas marqué dans la plupart des vieilles cartes de
Morée; chez Mercator, et ceux qui l’ont si long-temps copié, c’est un
Lépréum ou Lépréo qui paraît en occuper la place. La detestahle
mappe de Défer, en 170», l’indique pour la première fois, en.écrivant
Philitra. Un bourg si populeux et assis dans un lieu si fertile, ne peut
cependant être que fort ancien; et, quoiqu’il n’en soit pas question
dans la chronique de Morée, il dut être nécessairement quelque riche
fief. On est tenté, lorsqu’on l’a visité, d’y reconnaître l’agréable Arène
d’Homère ', qui florissait sous les lois de Nestor. Sur ce que le nom
d’Arène est étroitement joint, par le prince des poètes, à celui de Pylos
dans le dénombrement de la flotte grecque, Danville a pensé que les
deux villes n’en formaient qu’une; et nous lisons dans sa carte de 1.772,
Pylos vel Erana; opinion adoptée par Gosselin s, qui paraît, d’après
Xilander, regarder Arène et Éréné comme une seule et même chose; ce
que Strabon ne croyait point. « A la suite de Cyparisséis, dit ce dernier3,
« en longeant la côte vers Pylos de Messénie et le Coryphasium, on
« trouve Eréné, que quelques-uns ont cru mal à propos avoir été autre-
« fois appelée Arène. | Pausanias,4 ne fait aucune distinction entre ces
deux endroits; mais, en disant qu’aucun Messénien ou Éléen n’a pu lui
apprendre positivement oh étaient les ruines de la ville d’Homere, il
incline, comme Strabon, à les chercher dans Samicum au-delà de l’Al-
phée. Quoi qu’il en puisse être, qu’Eréné ou Eréna réponde ou non à
l’agréàble-Arène d’Homère, la position de celle-ci est pour nous celle
de Philiatra, qui représente conséquemment une ville fondée, dès la plus
haute antiquité, par Apharéus. Ce prince lui donna le nom de sa femme,
fille d’Æbalus, en même temps sa soeur utérine. C’est là qu’il reçut
Nélée, son cousin, auquel il céda le rivage où l’on avait déjà bâti plusieurs
autres villes jusqu’à Pylos.
i . Iliade, 1. II, v. 5g a . 2. Édition de Strabon, où l’on ypil en marge, t. III, p. 166 « Arène
mentionnée comme répondant au Yieux-Nayarin.a — 3. Lib. YIII, cap. 3.-, S > 4. Lit- IV,
cap. 2.
Nous continuâmes à voyager dans la matinée du 20, à travers des
vergers et des bois d’Oliviers, toujours entremêlés de plantations en
raisin de Gorintbe. Dès qu’on a passé sur un petit pont en pierres le
ravin appelé, dans Gell, Philiatra-Néro, la plaine se rétrécit de plus
en plus, et l’escarpement, dont on longeait la base depuis Gargaliano,
s’efface dans les pentes inférieures de la partie septentrionale des monts
Géréniens, qui se rapprochent de la côte. Un piton, qu’on a sur la droite
au sud du Psykhro, conserve le nom de Gérénios. Le sol toujours rougeâtre
devient plus sablonneux, et enfin tout-à-fait aride après les ravins
de Belaldava, oii il n’y avait plus d’eau; ce n’est qu’aux deux tiers du
chemin avant d’arriver à Arcadia, et à partir du torrent d’Arméni,
que les Oliviers recommencent. On trouve en ce lieu les restes d’une
chapelle; puis, après s’être un peu élevé sur une pente adoucie, les
ruines d’une assez belle habitation, arrosée par un courant d’eau pure,
et dont l’endos était rempli d’arbres de toute espèce. Nous commençâmes
d’ici à distinguer en détail Arcadia et son château, que depuis le matin
nous avions toujours eu devant les yeux, comme une carrière de pierres
blanchâtres creusée sur des pentes dépouillées et rapides. Lorsque nous
en fûmes plus près , et sur le point d’y entrer par le côté du nord ,
Baccuet en prit une vue. (Pl. XIII, 4.re série.)
Arcadia est le chef-lièu d’une éparchie des plus considérable; ou
vivaient autrefois un assez grand nombre de familles musulmanes ; celles-
ci ayant disparu dès le commencement de la dernière révolution, et la
plupart des grecques àyant été exterminées en partie durant la guerre
qui s’ensuivit, il n’y avait plus guère de cinq à six cents personnes quand
nous y arrivâmes; les maisons étaient entièrement abattues; mais il
rentrait chaque jour quelques fugitifs, et tout annonçait que bientôt
Arcadia serait aussi peuplée qu’elle l’avait jamais été. Les rues y sont
irrégulières, étroites, sinueuses, et l’on y grimpe comme par des chemins
de chèvres. L’église de la Trinité, bâtie dans le haut, est assez belle;
deux évêques y avaient officié peu de jours auparavant en l’honneur de
M. Capo d’Istria, qui, à son départ de Modon, avait continué sa tournée
par la Messénie maritime et l’Elide. On y voyait encore, ainsi que
sur toute la route, des arcs de triomphe en feuillage et des guirlandes