Depuis Fourmon aucun voyageur, si ce n’est Gell, n’avait revu les
grands débris,que nous venions, cent ans précisément après l’illustre
académicien, visiter à notre tour. M. de Cbâteaubriand, qui, dans ses
Martyrs, nous représente, d’une manière si contraire à la réalité, l’Ithome
« s’élevant comme un vase d’azur au milieu des champs de la Messé-
« nie, | est plus exact dans son Itinéraire1, et parle raisonnablement d’un
lieu dont il n’insinue point avoir déterminé le site et reconnu les diverses
constructions; mais passant au pied du Yourcano, en se rendant
de Nisy à Tripolitza, il remarque fort bien que l’enceinte de la ville n’a
pu l’environner. « Je me convainquis en examinant cette montagne,
« dit-il judicieusement, de la difficulté de bien entendre les auteurs
«^anciens, sans avoir vu les lieux dont ils parlent; il est évident, par
¿ exemple, qu’au sujet de Messène il faut expliquer la particule grecque
« 7Tsç( par devant et non autour.” Ce fut Barthélémy9 qui, ayant dit
« que les murs de la ville embrassaient le circuit du mont Ithome,”
entraîna M. de Pouqueville dans l’erreur; ce dernier, qui n’était pas
allé plus que le jeune Anacharsis ou que l’illustre pèlerin de Jérusalem
dans la forteresse d’Epaminondas, mais qui paraît avoir suivi la même
route que nous pour venir d’Arcadia à la base du Yourcano, rapporte ;
¿ qu’il voyagea dans un bois avant d’arriver en vue de Messène; de
« l’endroit où je me trouvais, ajoute-t-il3, à la gauche de la rivière de
« Mavrozoumèna, j’étais trop éloigné pour pouvoir juger de ses diverses
« époques de reconstruction, mais bien placé pour déterminer le site
■(( de Messène, qui enveloppe entièrement le mamelon le plus occi-
« dental du mont Ithome, dont Vélévation est trèsdnférieure à celle
« du pic méridional qui est appelé Vourcano. ” >.
Le Yourcano n’a pas plus de pic méridional que de mamelon occidental,
et n’est en aucune de ses parties entouré de murs; ne s’étant
pas détourné de sa route pour chercher au coeur des montagnes Messène,
que celles-ci recèlent en quelque sorte, M. de Pouqueville n’a pu
en rien apercevoir, il n’a même pu en soupçonner le site où il faut de
toute nécessité avoir pénétré, pour s’en faire une idée, pour en parler
i . Tome I.CT, partie i .re, p. 39. ■— 2. Anacharsis, t. V, chap. 40. 3. Tome VI, liy. XVÜI,
ehap. 11, p. 3i,
raisonnablement, et dans lequel n’existent point de tours hexagones:
lex-corisul de Janina cite a la vérité un architecte anglais, nommé
Cockrel, qui aurait leve un plan exact de la ville et fait une bonne description
de tous ses monumens; mais ce M. Cockrel n’én ayant rien
publié, on peut regarder de tels matériaux comme n’existant pas, et notre
topographie demeure la seule exacte qu’on possède d’un endroit oii tant
de choses restent encore à découvrir. La description qu’en donne Pausa-
nias en était toujours la plus reconnaissable, et nous la transcrivons ici:
« En allant de Thuria du côté de l’Arcadie, vous trouvez' les sources du
« Pamisus, qui sont très-salutaires pour les petits enfans; en avançant à
«’ gauche, à quarante stades environ de ces sources, on arrive à Messène,
au pied du mont Ithome. Messène est entourée en partie par ce monta,
« et du côté du Pamisus par le mont Evan, qui a pris son nom du cri
« bachique Évoé; cet endroit étant le premier oh Bacchus et les femmes
de sa suite 1 aient fait entendre.11 Ce mont Evan se nommé aujourd’hui
Saint-Bazile, il n est pas aussi haut que l’Ithome, dont un col le sépare;
beaucoup moins escarpé, ombragé par quelques Chênes à feuilles persistantes,
et tout couvert d’une herbe que l’ardeur du soleil dévore dès les
premiers jours de l’été, on trouve à son sommet une chapelle qui, de
notre temps, était entièrement renversée; les fondemens de cette chapelle
furent sans doute ceux d’un monument consacré au dieu des Bacchantes,
peut-être à l’endroit oh elles poussèrent le cri qui devint le nom de la
montagne. Le même auteur énumère tous les monumens publics et les
statues dont Messène était ornée de son temps; M. Lenormand s’appliqua
à reconnaître ce qui en pouvait rester, il copia, ainsi que M. Dubois,
plusieurs inscriptions; tandis que MM. les architectes découvraient au
bas du stade une sorte de miniature de temple, dont M. Blouet a donné
la restauration dans les planches 31 et 32 du tome 1.“ des travaux dé
sa section. Ce stade, situé dans la partie inférieure de la ville près des
murs du sud, est fort détérioré et tout raviné; des tronçons de colonnes
l’environnent et sont tout ce qui reste de ses portiques : c’est d’une fouille
faite dans ses gradins que fut prise la vue de l’Ithome, que j’ai fait graver
dans la planche XVII de notre première série.
1 ■ Zib. IV, cap. , 3. 2. Ce qui est rrai, mais ce qui est précisément tout le contraire de'
ce que disent Barthélémy et M. de Pouqueville.