pris une direction toute différente, il paraît qu’on ne se souvint plus en
Morée qu’une expédition française, partie de Toulon, avait affranchi le.
pays, quand les autres puissances y laissaient égorger la population.
Quoi qu’il en puisse être et advenir, cheminant toujours à travers une
campagne ondulée, fertile et couverte de cultures, guéant, comme dirait
l’ex-consul de Janina, plusieurs ruisseaux, et laissant à quelque
distance d’une fontaine abondante les ruines d’une sorte d’attalaya ou
tour de garde ronde, nous gravîmes sur une colline qui s’avance dans
la mer et y forme un cap; on descend ensuite à Pétalidi, après six
heures de marche environ. Il y exista un môle dont on reconnaît à
peine les traces: c’est principalement le cap avancé qui garantit des
vagues du sud l’anse sablonneuse creusée en forme de conque, qui fut
dans la haute antiquité appelée Port des Achéens, sans qu’on en sache
la raison, et que représente le Pétalidi moderne, lieu qui n’est point
« un village, situé au milieu de Coroné1, ” mais un simple cabaret con-
tigu à une ferme, dont le jardin est enclos d’un mur, et qui est construite
sur l’emplacement d’un ancien bain romain. A quelque distance
au Nord, toujours dans la conque près de la mer, et après avoir traversé
deux ruisseaux, sur le premier desquels fut un pont en pierre, où ne
passe plus la route parce qu’il est ruiné, s’élèvent les restes d’un grand
bâtiment qui fut le magasin des douanes du canton : quelques décombres
et autres traces d’habitations fort anciennes sont disséminés entre
les bouquets d’arbustes et les buissons de la petite plaine; ces vestiges
témoignent de l’antique existence d’un faubourg maritime, que dominait
Goroné, dont il faut aller chercher l’emplacement à quelque distance
sur les hauteurs. Nous y rencontrâmes aussi une riche fontaine, protégée
par de solides bâtisses ; mais ou l’on ne saurait reconnaître ce Plataniston
dont les eaux étaient celles que buvaient les habitans de la ville2, quoiqu’elle
en fût distante de vingt stades.
«Coroné, dit Pausanias, est une ville vers la mer, au pied du mont
« Thmathias3, non loin de l’endroit où Ino sortit des flots pour monter
i. Pouqueville, Voyage de Grèce, t. VI, p. 55. —■ 2. Pausanias, lib. IV, cap. 34-
3. Ce mont Thmathias devait être l’ensemble de ces sommets messéniaques dont nous avons donné
une vue dans notre pl. XII, prise du plateau de Koubeh, du côté opposé à celui par où leqrs
pentes inférieures sont baignées par la mer de Goron*
« au ciel, après avoir été mise au rang des divinités sous le nom de
« Leucothoé. Cette ville se nommait anciennement Épéia; mais Épimé-
« lide ayant ét|s%ivoyé par les Thébains pour la rétablir, quand ils
« eurent rappelé les Messéniens dans leur patrie, lui donna le nom de
«’ sienne. Il était de Coronee en Béotie; d’autres disent que ce chan-
« gement de nom vient de ce qu’on y trouva une Corneille de bronze,
« en creusant pour les fondations de nouvelles murailles. Diane Pé-
« dotrophos, Esculape et Bacchus y avaient des temples: on y voyait
«■ sur une place publique la statue de Jupiter Sauveur en bronze; une
« Minerve du même métal, tenant une Corneille à la main, était en
« plein air dans la citadelle; on y montrait le tombeau d’Épimélide.*
Epéia ou Æpéia est mentionné dans Homère1, avec l’épithète de belle,
au nombre des villes situées pour la plupart sur le golfe Messéniaque,
qu Agamemnon promet a l’impétueux Achille qu’il veut apaiser. Il n’est
aucunement fait mention de Pétalidi dans l’histoire moderne; on ne
retrouve pas plus ce nom que celui de Coroné dans les auteurs du
moyen âge, soit byzantins, soit francs ou vénitiens, et Bellin omet ce
port dans l’enumeration qu’il fait des moindres criques de la Morée; la
Carte même si récente d’Arowsmith ne l’indique que par une petite
ancre qui, en hydrographie, est le signe d’un simple mouillage. C’est
à sa position que répond précisément celle qu’assignaient à Messène
nos vieux géographes copistes de Mercator, qu’avait induit en erreur
une fausse détermination de Ptolémée2; on marquait quelquefois le
liom d’Ithome à côté, croyant reconnaître cette montagne et l’acropole
dont elle fut couronnée, dans les restes de la citadelle détruite qui
domine Pétalidi. Dan ville, ici comme en tant d’autres lieux, remit les
choses en leur véritable place; et c’est sur l’indication que lui emprunta
M. Lapie, dans sa belle carte, que l’expédition française vint débarquer
en ce lieu à la fin du mois d’Août de 4828. On campa dans la partie
septentrionale de la conque, qui n’était point encore entièrement brûlée
par les ardeurs du soleil d’été; quelque verdure parait plusieurs vallons
voisins, ou les chevaux trouvèrent à paître. On a vu (p. 439)
comment, tandis que la brigade du général Tiburce Sébastiani se diri-
». Iliade, lib. IX, v. i 5o - i 52. — 2. Voyez la carte inférieure de notre pl. VI de la première sérié.