carrières pour la nouvelle place, qui fut bâtie avec les débris des trois
célébrités oubliées : on la nomma conséquemment Tripoli tza. Il n’est resté
de la troisième des villes entrées dans ses bâtisses, qu’une bellé enceinte
du genre de celles de Coronis et de Phygalée, mais moins magnifique que
celle de Messène; les deux autres doivent avoir été, de même que Méga-
lopolis, des villes ouvertes; aussi demeurent-elles moins reconnaissables.
Leurs Marbres, leurs pierres taillées, leurs colonnes, leurs sculptures ot
leurs inscriptions servirent de fondations, de coins de murs, de chambranles,
de montaris de portes, de marches et de pavés, aux moindres
échoppes, comme aux principaux édifices delà capitale turque. La multitude
des belles choses qu’on eût pu recueillir dans ses décombres, aurait
valu la peine que des antiquaires et des architectes s’y établissent pour
étudier les trois villes qu’on y transporta : un tel travail eût été autrement
utile que la recherche du peu qui reste dé moulures et d’omemens
sur de vieux, monuméns qu’on met une si plaisante prétention a remettre
à neuf sur le papier, quelle qu’ait été leur mesquinerie et le peu d’importance
que ceux qui les bâtirent y durent mettre eux-mêmes. Tégée surtout
, dont le temple était si beau, doit se retrouver presque en entier dans
certains muf-s de Tripolitza, où j’ai vu plusieurs inscriptions qui en témoignaient
et qui, ayant été négligées, sont peut-être de nouveau rentrées
dans les moellons de quelque cabaret ou masure indigne. Ce qui avait
été le palais du pacha, et que donnent pour une baraque en bois Certains
livres, fut un bel édifice et eût, quand j’en visitai les ruines, pu passer
pour un véritable musée, où j’adinirai de fort belles colonnes, que les
Musulmans n’avaient sûrement pas taillées, ainsi que divers fragmens
fort remarquables d’entablement de comichés et de tombeaux.
’ Il y avait plus de 23,000 habitans à Tripolitza, quand, la guerre de
l’indépendance ayant éclaté, Colocotroni avec ses Arcadiens, Yatrakos
avec les Maniotes et la Bobolina avec des Insulaires, en vinrent faire le
siège; plusieurs ouvrages qu’on a publiés sur la révolution de Grèce,
rapportent, chacun à sa façon, les événemens qui signalèrent ce mémorable
conflit, d’où date l’indépendance hellénique. Je raconterai affleure
ce que m’en ont appris les principaux personnages qui prirent part à
l’affaire. Quand nous partîmes de Tripolitza dans la matinée du 16, le
thermomètre marquait 10 degrés vers cinq heures, et le sol était couvert
d’une abondante rosée, dont les larmes rappelaient ces matinées de nos
automnes, où les moindres brins d’herbe sont perlés de gouttes d’eau.
Pour se rendre à Sparte, il faut sortir par la porte dite de Mistra, que
formaient des Marbres arrachés à quelque temple des plus beaux temps.
Boblaye s’était joint à ma petite troupe, nous voyagions par la plaine
rougeâtre, laissant à droite sur une hauteur le village de Thana, où se
voyaient les ruines d’une mosquée, et qu’on appelle également Paléotri-
politza : c’est probablement en cet endroit que dut être le Tripoli de Pau-
sanias ou de Tite-Live ; on y trouve aussi dans les murs de beaux débris
de Tégée, et M. de Cliâteaubriand1 semble prendre ce lieu pour l’antique
cité des Tégéates; celle-ci exista plus loin sur la gauche et non sur la
droite quand on se rend en Laconie par le chemin que suivit, ainsi que
nous, l’illustre pèlerin. On en retrouve l’emplacement à l’endroit appelé
Paléo-Episcopi, que nous vîmes environ à une lieue d’Hagios-Sostis.
Après plus de deux heures de marche nous fîmes halte à Eamaria,
afin d’étudier le bassin aux limites méridionales duquel nous arrivions;
on doit consulter le plan particulier qu’en a fait Boblaye’, pour prendre
une idée de la singularité de sa circonscription et de la bizarrerie des
cours d’eau qui s’y perdent dans une multitude de katavotrons. Ici
mon lecteur est rendu dans l’une des parties du Péloponnèse les plus
intéressantes sous les rapports de l’histoire. Il y foule cette Tégéatide
qui produisit aussi des héros pour les Thermopyles, et dans l’étendue
de laquelle commencèrent les manoeuvres savantes qui ont particularisé
cette décisive bataille de Sélasie, où Philopoemen se fit connaître, et
qui livra Lacédémone au vainqueur ; nous nous arrêterons demain à
la place même où le combat dut être livré. Dans l’endroit où nous
nous reposâmes sous quelques Peupliers blancs qui bordaient de jolis
jardins et ombrageaient une fontaine {Leuconius fons), les conquérans
français, qui vinrent établir au treizième siècle leur domination en Morée,
se donnaient rendez-vous quand leur seigneur les convoquait pour quelque
expédition militaire : c’était dans le voisinage que fut ce Nikli, ceint de
bonnes murailles, dont il est souvent question chez le chroniqueur de
i . Itinéraire^ p. 56. —• 2. Pl. IV des cartes de la i.r* série.