le nouveau Navarin pour nous aller établir sur les ruines du vieux;
tandis que trois de mes compagnons s’y rendirent par mer, sur une
grande barque chargée de nos effets, accompagné de M. Yirlet et de
l’interprète que je m’étais attaché, je cheminai à pied en chassant et en
herborisant au pourtour de la baie. Je ne connaissais pas alors le plan
qu’en avait donné dès l’an 1823 le capitaine Smyth. Cet excellent
travail ne m’est parvenu que très-récemment et m’a prouvé qu’il devenait
superflu « de restaurer pour ainsi dire les deux Navarin et leurs
« environs dans une carte particulière. 1 C’est seulement à l’antique
Pylos que devront se borner les corrections qui restaient à faire pour
avoir de tous ces lieux des notions topographiques exactes.
CHAPITRE IV.
DES DEUX NAVARIN. LA DJALOVA. CAMPEMENT AU CAP CORYPHASIUM.
SUR LA'PYLOS DE NESTOR.
Le nouveau Navarin que nous quittons est une ville évidemment
moderne ; on ne saurait trouver chez les anciens un passage qui s’y
puisse réellement appliquer. Sa position^n’est pas de celles qu’on dût
apprécier aux temps héroïques, ni même beaucoup plus tard, et tant
qu’on ne se servit que de bateaux qui, quelle qu’en pût être la capacité,
se tiraient facilement au rivage, au Heu de mouiller au large. L’usage des
ancres était alors peu répandu, comme le prouvent les nombreux passages
de l’Odyssée, où Homère ne manque pas de représenter Ulysse et ses compagnons
« déliant les cordes qui tiennent leurs vaisseaux attachés à la
côte; ” quand ceux-ci ne sont pas tirés sur quelque plage accessible. Aussi
dans tous les ports de la première antiquité dont l’emplacement est indubitablement
connusse trouve-t-il toujours une anse sablonneuse, pour
accueillir les flottes mises à sec, hors de la portée des courroux de Neptune.
Ces flottes sont dans les historiens, ainsi que dans les poètes, disposées
comme l’étaient les équipages de pêche que nous avons vus en dedans du
phare de Messine, <à la place^niême qu’occupèrent les embarcations des
pirates de Zanclé (p. 42 et 43), ou comme étaient les caïques d’une
bande de Grecs des îles que nous allonsirencontrer tout à l’heure sur les
bords même où je me figure que Nestor abritait ses navires; Le nouveau
Navarin n’offre nulle arène de ce genre à l’entrée d’une baie où nous
avons vu (p. 61 ) que les gros temps ne laissaient pas que de faire ressentir
leur redoutable influence, et dans la partie méridionale de laquelle
les tempêtes n’eussent pas été moins à craindre qu’en pleine mer pour
les vaisseaux qui portèrent les vengeurs de Ménélas aux rivages de la
Troade. La côte tout autour de ce lieu est coupée et hérissée de roches,
contre lesquelles la lame, brisant souvent avec violence, eût,écrasé les
bateaux armés du roi des rois. Ce n’est qu’à l’époque où, les forces navales
décidant du sort des Etats, l’on a commencé à se servir de grands
navires, qui ne peuvent mouiller qu’à certaine distance des plages basses