n’eût assuré au quartier- général quelque gîte où la Commission, pût
s’installer. Pendant qu’on le préparait, M. de Robillard voulut nous
faire les honneurs d’un pays qu’il connaissait parfaitement, ayant été
de station, quelques mois auparavant, au fond de là haie pour observer
la passe du nord, lorSqu’après la bataille, si fatale à la marine turque,
on péchait son artillerie- et les carcasses de ses navires'engloutis sous
les flots. La Cybèle ayant reçu l’ordre de retourner vis-à-vis cette petite
passe, y transporta les membres des trois sections.
M. de Robillard est un marin qui ne navigue pas seulement pour
obéir, en changeant déplacé, aux ordres que lui donne son amiral,
il observe encore l'çs lieux où il touche, tient un journal-fort intéressant
de ce qu’il y voit, et ne néglige aucune occasion d’augmenter ses connaissances.
Durant les longues soirées où nous avions erré sur la mer
Tyrrhénienne, il nous avait lu d’excellens chapitres de son recueil
consacrés à Messène et à Pylos. J’ai plus tard reconnu l’exactitude de
tout ce qu’il y écrivit sur les villes d’Epaminondas et de Nestor; pour
nous prouver l’exactitude de ses récits touchant cette dernière, il nous
conduisit à la grotte qui porte encore le nom du sage fils de Nélée,
et nous enseigna ensuite le sentier qui conduit à l’acropole du vieux
Navarin : il nous, avait promis des ruines au moins helléniques., nous
ne trouvions d’abord que des constructions du moyen âge ; mais nous
ayant fait tourner les remparts du nord par une brèche composée de
moellons roulans, pratiquée du coté de la mer au point de l’enceinte
où le mur transversal, qui séparait la ville du ehâteàu, vient aboutir,
nous cheminâmes, non sans peine, après être descendus par un casse-
cou, contre des assises de grandes pierres qui forment fe» soubassement
des remparts septentrionaux, lesquels soi# très-modernes en comparaison
de la substruction découverte par le commandant. M. Blouet était
de. la promenade : nous eussions sans aucun doute trouvé plus tard
l’un ou l’autre, et probablement tous les deux, ces substructions primitives
de l’antique Pylos de Messénie, mais M. de Robillard n’en a
pas moins le mérite de les avoir signalées à la Commission. Je suis
revenu avec, lui les jours'suivans aux mêmes lieux, afin d’y vérifiei»
d’autres trouvailles qu’il avait faites et parmi lesquelles je dois citer un
véritable mur cyclopéen, les débris d’une ville inférieure moins ancienne,
quelques cryptes, enfin une mosaïque entre des ruinë's romaines
et du moyen âge au bord de la mer sur ce que je regarde comme
le vrai cap Coryphasium de l’antiquité. Je parlerai plus en détail de
ces choses, quand je viendrai dresser mes tentes sur ce promontoire
même. A la suite d’une de ces premières excursions que je fis, accompagné
par M. Firino, payeur général de l’armée, amateur distingué
d’antiquités, l’un des hommes les plus instruits et les plus aimables
que j’aie connus, nous devions ail«* dîner à bord du Conquérant; mes
habits furent tellement déchirés dans les mauvais pas de Pylos, dont
l’épaisseifr des broussailles augmentait encore les difficultés, qu’il me
fallut renoncer à l’honneur de me retrouver avec M. de Rigny, ne
pouvant me présenter décemment, couvert de lambeaux, devant un
amiral de France.
Le 9 seulement il fut possible de nous fournir la grande chaloupe
de la frégate; on y plaça les bagages de la Commission qu’elle transporta
par mer à Modon, sous la surveillance d’un de mes collaborateurs,
M. Despréaux, botaniste, qui déjà, se trouvant indisposé, était
hors d’état de cheminer par terre. Mes autres compagnons de voyage
partirent en chassant, en herborisant, en cassant des roches, se préparant
ainsi aux travaux plus grands dont je dois rendre compte. Une
maison avait été enfin désignée au quartier-général pour chaque section;
celle qui avait été affectée à la première, se trouvant de suite habitable,
MM. les architectes et les antiquaires s’y réunirent d’abord à nous pour
ne s’en séparer que lorsqu’on eut mis des portes et des contrevents
à leurs habitations. Tout en faisant nos arrangemens, nous ne laissions
pas de parcourir les environs ■de la ville et d’en étudier les diverses
curiosités.
Modon est certainement la Méthone de l’antiquité. La position de
cette ville est bien choisie, et les hommes durent s’y fortifier de bonne
heure. Pausanias, qui la nomme Mothone1, et Strabon8 ne doutent
>. Lib. TV, cap. 35.
2. Lib. V in , cap. 4 ? S> 3.