rompu dans la dernière guerre; il nous fallut aller chercher un gue, que
nous rencontrâmes près de la mer, où nous eûmes de l’eau jusqu?à la
ceinture. En regagnant la plage, nous trouvâmes toujours des ossemens
humains blanchis, autres restes de la gloire navale de 1828, et ces
galets naguères vivans, que le roulement des vagues n’avait point trop
défigurés, s’y voient peut-être encore. Il y avait aussi la une chaîne de
petites dunes à droite et à gauche, où la Calamagrostide des sables
(.Arundo arenaria, L., n.° 165 de la Flore) me rappela nos régions
littorales de Francé, que lient et fixent si bien les longues racines de ce
précieux végétal; on le retrouve jusqu’à l’extrémité du Jutland, partout
où l’arène maritime menace d’envahir le sol cultivable.
Les ruines de l’aqueduc, en cessant près du pont, y étaient plus hautes
et plus distinctes que partout ailleurs. Nous rencontrâmes, en venant
reprendre le chemin tracé au bord du chenal, les restes d’une chapelle
carrée, la plus grande des constructions de ce genre que j’eusse encore
vues, ce qui ne veut pas dire qu’elle fût bien digne de remarque; la
voûte s’en était écroulée en quartiers dans le milieu : on reconnaissait
qu’elle avait été décorée intérieurement de peintures; bâtie en pierres et
en briques, elle devait dater du moyen âge. Nous avions a peu de distance
devant nous l’escarpement de Pylos, qui paraissait, surtout vers
la droite, comme un mur immense, orné de verdure seulement a sa
base ou sur quelques points de son couronnement; laissant alors dans
la direction du nord le chemin qui en côtoie le pied, et dans lequel nous
nous engagerons par la suite en partant de ces lieux, nous joignîmes
nos compagnons de voyage, dont le bateau arrivait au port que forme
la jonction de l’isthme bas où nous venions de cheminer, et des rochers
que nous venions reconnaître. Nous retrouvâmes dans la courbe sablonneuse
que forme cette jonction les Grecs que nous y avions laisses quand
M. de Robillard nous conduisit aux mêmes lieux (page 62), leurs douze
à quinze embarcations, plus ou moins considérables, tirées à sec et alignées
sur le rivage, représentaient à mon imagination la flotte du fils de
Nélée. Les nautonniers s’étaient construit des baraques en branchages
à portée de leurs bateaux; des marchands de figues sèches disposées en
chapelets, de poissons salés, de fromage dur, d’huile, de graisse, d’autres
comestibles d’inférieure qualité, et surtout de (vin) et de Ÿocki
(mauvaise eau-de-vie douceâtre), y avaient aussi creusé dans le sable
leurs, boutiques misérables, dont la toiture se composait de rameaux,
supportant des toiles goudronnées ou des vieilles peaux. C’était un commencement
de village, qui dura tant que ceux qui l’avaient construit
trouvèrent à pêcher dans la baie des canons, des ferremens, des clous,
le cuivre des doublages, des ancres, des varangues et autres grosses
pièces des carcasses de tant de navires foudroyés et engloutis dix mois
auparavant par des bordées françaises, anglaises et russes, qu’on croyait
entendre tonner encore, étonnés de leur accord, tant l’aspect des débris
accumulés et submergés conservait l’apparence d’une hideuse fraîcheur;
on eût pu les croire l’oeuvre de la veille, si la date glorieuse n’en eût
retenti dans tout l’Orient. A moitié distance de Sphactérie, on distinguait
entre autres, vers trois brasses de profondeur, le squelette d’un
navire de haut bord, dont l’entrepont venait seulement d’être enlevé
par des plongeurs; à côté était celui d’une frégate dont il ne restait plus
un bordage et qu’on était en train de dépecer; et comme dans la destruction
de la flotte turque, lorsque les marins l’abandonnèrent en
mettant le feu à tout ce qui n’y brûlait pas par l’effet du combat, plusieurs
de ces navires encore s’accumulèrent au fond de la baie, il y eut
là d’épouvantables explosions; on en trouvait les débris lancés de tous
côtés : nous étions au lieu où il en existait le plus, et nous en avions
déjà rencontré, comme on l’a vu, à de grandes distances.
Ne voulant pas dresser nos tentes sous l’influence marécageuse de
l’étang voisin, ni trop à la portée d’un ramas d’étrangers pour lesquels
les gens de notre suite ne montraient pas beaucoup de sympathie,
j’indiquai le bord de la mer, au pied du vieux Navarin, pour rétablissement
de notre camp. Afin de s’y rendre, il fallait traverser la base
orientale et sablonneuse des rochers abruptes vers lesquels nous nous
étions dirigés jusqu’alors, et marcher le long de l’étroit canal de Sikia.
Cette passe, maintenant impraticable aux grosses embarcations, sépare
là montagne de Paléokastron de l’île de Sphactérie, dont le côté qui se
présentait à nos yeux était escarpé, saris verdure et d’un aspect désolé.
Son point culminant, avancé comme un gigantesque bastion du côté