au pouvoir du Champenois, elle fit partie de la mense qui échut au
grand-maréchal Villehardouin lors du partage des fiefs (p. 238); son
successeur, deuxième du nom, l’affectionnait parce qu’il y était né,
et se distinguait par l’épithète de Calamatis, quil aimait à s’entendre
donner1 ; il voulut y être enterré; son tombeau doit exister dans l’église
principale, où j’oubliai de le chercher. Passée dans les mains des Vénitiens,
qui en agrandirent le château, elle tomba bientôt au pouvoir
de ce Bajazet duquel date la domination définitive des Osmanlis en
Europe. On lit dans Coronelli2 : « qu’il s’y trouvait, en 4 659, une grosse
« garnison de Turcs, qui empêchait six mille Maniotes de la religion
« grecque d’exécuter le dessein qu’ils avaient formé de secouer le joug
« •¡des Infidèles, et d’offrir leur service au généralissime Morosini. Ce
¿^seigneur profita de cette occasion pour faciliter à ces peuples le moyen
« de se joindre à la République; et le chevalier de Grémonville fut
« chargé, avec de bonnes troupes, d’enlever le château.” On trouve
dans les Mémoires de Dangeau, sous la date du mardi 4 685 3, que l’ambassadeur
de la République a donné part au roi de la prise de Calamata
en Morée par les Vénitiens, et d’une défaite des Musulmans, qui venaient
au secours de la place. L’année suivante, d’après le même courtisan4,
il ne restait plus aux Turcs, dans tout le pays, que Patras, Napoli de
Romanie et Napoli de Malvoisie. Coronelli donne aussi quelques vues de
Calamata, mais elles sont détestables. Pélegrin5 rapporte que, de son
temps, cette ville passait pour un séjour très-agréable, « mais qu’il en fut
« ' chassé par la peste, qui força une partie des habitans de l’abandonner
« pour se réfugier dans deux vastes monastères, où, ayant porté le mal, il
« en mourut plus des deux tiers. ” Les effets de cette horrible plaie étaient
effacés quand Bénaki, dont le nom est devenu fameux en 4770, fut
nommé Poestos ou primat du pays. «Ce magistrat, dit Rhulières6, exer-
« çait une sorte de puissance, et jouissait auprès des Turcs même d’une
« singulière considération. Sous prétexte d’arrêter les incursions des
«•montagnards, qui récemment encore avaient pillé et ruiné la ville,
i . Buchon, C h ronique de Moré e , p . 160. — 2. Description de la Morée, 1 ." p a rtie , p . 112. — 3. Tome I , p . 1 9 8 .'— 4- lb id ., p . 2 7 6 ; 8 , 9 e t 10 Août >686. — 5. Voyage, 1., e p a r t.? p. 27.
6. Anarchie de Pologne, t. m, p. 316.
« la maison qu’il s’y était fait bâtir était une véritable forteresse. ” J’ai
rendu visite à la fille de ce Bénaki , qui s’était flatté d’affranchir la Grèce,
dans ce qui restait de là demeure de son père; elle y jouissait d’une
grande influence et d’un reste de fortune qui lui fut laissé par les Turcs,
lorsqu’ayant fait mourir les chefs de l’insurrection russe, Calamata, où
l’incendie s’était allumé, fut châtiée avec une extrême rigueur. Mais
l’heure de la liberté étant venue « et le réveil de la Morée, dit M. Reybau*,
. «• ayant éclaté le 4 Avril 4 824 à Calavryta, Pétro-bey descendit aussitôt
« à Calamata, où il organisa un sénat messénien, dont il fut président.
« C’est de ce lieu qu’il adressa son manifestera l’Europe. ’Hîfr
La ressemblance des noms ayant fait prendre Kalamé et Calamata
pour la même chose, on avait aussi cru reconnaître dans cette dernière
la Thuria de l’antiquité, et toutes les vieilles cartes avaient adopté
cette manière de voir, que semble partager Danville lui-même. Calamata
répond bien mieux à Phæré ou Pharæ, dont il est dit quelques
mots dans Pausanias9, et qu’on prétendait avoir été fondée par un fils
de Mercure, appelé Pharis. Il n’y reste néanmoins aucune ruine du
temple qu’Isthmius, fils de Glaucus, y fit bâtir en l’honneur de Gor-
gasus et de Nicomachus, non plus que de celui où l’on invoquait la
Fortune ; mais les premiers temps de l’ère moderne et du moyen âge
y sont profondément empreints. Le baron de Stackelberg, qui voit aussi
Phæré dans Calamata, en donne une très-belle vue, où nous reconnaissons
parfaitement l’aspect du canton. Le château, situé sur une hauteur
escarpée du. côté de l’Ouest, porte tous les caractères de l’époque des
Croisés et de la domination vénitienne : on reconnaît que l’enceinte en
était assez considérable, et formée de grosses murailles flanquées, de distance
en distance, de bonnes tours carrées, entre lesquelles celle où était
la porte subsiste encore dans son intégrité; le réduit ou château intérieur
dominait tous les ouvrages et plongeait sur le lit du Nédon. Du haut de
ses ruines on jouit d’une vue merveilleuse qui, du côté des montagnes,
s’arrête dans l’embrasure épouvantable par où se précipite le torrent, et
de l’autre s’étend sur d’immenses forêts d’Oliviers, dont le vert grisâtre
est encadré dans la bande d’azur que forme le golfe de Laconie. Deux
i . Première partie, p. 298. — 2. Lib. IV, cap. 3o .— Z.Ibid., cap.Z à la fin.