bien plutôt à quelque bergère rêvant à son berger et chantant : « Yien-
« dras-tu pas, toi que mon coeur adore; ” je n’y saurais reconnaître la fière
divinité des combats qu’on représente toujours le casque au chef et la lance
au poing, avec la figure de la Gorgone sculptée sur son impénétrable
cuirasse. Il ne manque à la prétendue Minerve d’Olympie que la man-
goura, pour en faire une jolie gardienne de chèvres ou de moutons: la
mangoura est cette longue canne ou bâton recourbé par le haut que portent
sans exception tous les pâtres de Grèce, en signe de commandement,
et que les plus antiques hiéroglyphes de l’Egypte placent dans les mains
d’Osiris, où il est l’attribut du pasteur des peuples.
Quand on sort de Messène par la porte orientale ou de Laconie, qui
fut pratiquée au centre du col entre l’Ithome et l’Evan, on trouve encore
des restes de belles fortifications, mais plus dégradées (R). Il y eut
évidemment en ce point une citadelle particulière qui, dans le système
de défense d’alors, devait être opposée aux assaillans qui se fussent établis
sur la montagne méridionale, pour dominer la partie inférieure de
la cité; on y voit plusieurs restes de fortes tours carrées, de plates-formes,
et d’un véritable réduit. C’est par cette porte de Laconie que Gell vint à
Mavromati, et que Fourmon en partit. Nous suivîmes les traces de ce
dernier, pour nous rendre au couvent des Cyprès, appelé aussi la Trinité
ou la Panagie de Yourcano ; en sortant de notre camp par les pentes
herbeuses des racines de la montagne, et après avoir traversé successivement
trois petits ravins, on parvient aux ruines de ce qui reste de la
porte orientale, laquelle dut être moins ornée que celle du Nord, et la
route descend diagonalement le long de l’escarpement extérieur du col ,
en plongeant sur le bassin de la Pirnatza; le bouquet de Cyprès qui
caractérise la pieuse fondation se montre d’abord, et c’est à peu près tout
ce qui reste des bois aux troncs parfumés qui dans l’antiquité couvraient
le canton sur les flancs des deux montagnes; les pentes de celles-ci sont
d’abord très-adoucies jusqu’à des ressauts qui en rendent les parties inférieures
de plus en plus ravinées et d’un difficile accès. Après avoir
traversé l’enfoncement qui rentre, pour ainsi dire, dansleSaint-Basile,
et tourné brusquement à gauche, on traverse un petit aqueduc qui
conduit au couvent l’eau produite par une abondante source sortie des
flancs de l’Evan. On arrive, après trois quarts d’heure de marche
environ, chez les bons caloyers, qui nous accueillirent de leur mieux: ils
étaient au nombre de six, et passaient pour avoir été riches, au moins
pour des moines grecs; leurs jardins et ce qu’ils pouvaient encore cultiver
de leurs terres continuaient à leur donner une bonne partie de ce qui
dans le pays compose les élémens d’une joyeuse vie; ils vinrent joindre
les artichauts et autres légumes frais de leur déjeûner aux quartiers
de mouton du nôtre, sur l’aire qui est à l’entrée de leur demeure, et oii
nous nous étions arrêtés pour jouir de la vue du riche bassin de la
Messénie. Ils nous montrèrent ensuite fort complaisamment leur église,
en nous racontant le peu qu’ils savent de son histoire. « Au temps de
« l’empereur Andronic, nous dit l’hégoumène ou supérieur, un grand
« orage éclata sur le Yourcano, où l’on vit de vives lumières à travers de
« gros nuages noirs, et où l’on entendit des bruits extraordinaires semblait
bles à ceux du Sinaï; quand le beau temps fut revenu, des bergers, qui
« montèrent, y virent dans les branches d’un arbre l’image miraculeuse
« delà Panagie que les anges y avaient déposée; quelques hermites, qui
« vivaient à la place où nous sommes, furent chercher la sainte repré-
« sentation pour la transporter dans leur église, mais dans la nuit elle en
« disparut, et des clartés qui brillèrent sur la pointe de la montagne
« indiquèrent que la reine du ciel y était retournée. Les hermites furent
« encore l’y prendre, mais elle y remontait sans cesse; alors on comprit
« que c’était en ce lieu qu’il lui fallait bâtir une chapelle, ce que la renom-
« mée ayant appris à l’épouse de l’empereur, cette sainte princesse ordonna
« que l’on bâtît le monastère où vous avez bu de si bonne eau; les hermites
« furent chargés de veiller à son culte, et l’église qu’ils devaient quitter
« à mi-côte pour aller s’établir là-haut, est devenue le couvent où nous
« avons l’honneur de vous recevoir, et l’on.y fonda un chapitre avec de
« grands privilèges, privilèges que les Yénitiens nous avaient gardés, mais
« que nous avons perdus sous les Turcs. Dans ces derniers temps de dés-
« ordre, nous avons descendu la Panagie chez nous; elle daigne y de-
« meurer, parce que les jours sont changés et qu’elle n’était plus en sûreté
« dans sa première chapelle, où d’un grand concours de fidèles qu’on y
« voyait monter tous les ans à la fête de la Yierge, il ne venait peut-être