« étaient remarquables par leur diamètre de trois pieds,* et que Gell
y signale; mais dans la descente, parmi les éboulemens de terre qui
ont pu recouvrir les constructions dont parle le voyageur anglais, je vis
d’énormes pierres taillées, dont une avait trois métrés de long, un de
large, trois décimètres d’épaisseur, et sur laquelle régnait une feuillure
tout autour. Je ne reconnus qu’un tronçon de colonne, qui devait être
de ceux dont parle Gell, puisqu’il était de beau Marbre blanc et quil
avait trois pieds de diamètre, avec vingt-une cannelures; cependant, tout
en reconnaissant si peu de débris du grand temple qui doit etre.enterre
dans la pente, je fus surpris qu’on eût signalé comme celles d’un simple
hippodrome les belles ruines dont est entièrement rempli l’enfoncement,
que les pâtres appellent Mandraisse de Selim-Aga. Apres avoir eu d abord
affaire aux Chiens, que leurs maîtres s’empressèrent cette fois de retenir,
nous parcourûmes ce bassin étrange et arrondi qu’entourent des hauteurs
de formes variées; nous y vîmes d’importantes murailles, une porte, des
soubassemens de temples, un hippodrome si l’on veut, et beaucoup
d’autres constructions, qui ont surtout d’intéressant d’être mêlées de
cyclopéen, de polygonal et d’hellénique: cette diversité de bâtisses indique
que la ville primitive, dont le nom s’est perdu, datait de ces temps les
plus anciens où l’on ne connaissait pas, faute de métaux, la taille des
pierres; elle demeura peuplée lorsque les habitans, ayant connu les ins-
trumens d’airain, réparèrent ou accrurent leurs murailles par des matériaux
façonnés en polygone, et enfin dans l’âge de fer on finit par y
employer des pierres taillées sur tous les sens; les hommes ne se lassèrent
point, à l’aurore de ce dernier âge, d’un site où leurs pères avaient vécu
durant les siècles d’enfance; ils en accrurent au contraire les monumens
par des travaux perfectionnés. Je recommande donc à l’examen attentif
des futurs voyageurs ce singulier berceau de la civilisation pelasgique,
où je trouve que l’on a jusqu’ici pàssé beaucoup trop légèrement, malgré
le plan qu’on en trouve dans le tome II de la section d’architecture.
Nous sortîmes d’entre ces vénérables débris par une gorge de rochers ,
d’où l’on aperçoit, sur les pentes boisées de droite, Karriès, qui se perd
entre les Noyers dont l’endroit tire son nom (village des Noix) : comme
tous ceux du canton, il est bâti en blocs de Schiste, et les toits y sont
faits en plaques tégulaires de la même roche. Ce genre de construction
est absolument semblable à celui que j’ai vu employer dans les montagnes
des Asturies et de la Galice, contrées dont le paysage de la région de
l’Arcadie où nous voyagions, me rappelait exactement la physionojmie;
vers le Sud, sur un mamelon, se distinguaient les ruines échelonnées
de ce que d’autres regardent comme Lycosure. Après deux heures et
demie de descente parmi des bosquets d’arbustes, est une fontaine
nommée de la Panagie; et plus loin, il y a de vieilles citernes creusées
dans le sol, ce qui prouve qu’il y dut avoir des habitations ou quelque
ville, dont il ne reste absolument pas d’autre témoignage. Trois heures
suffiraient pour se rendre de la cime du Diaforti à Karithène; mais
nous en avions bien mis sept à huit.
Colocotroni étant descendu à notre camp dans la matinée du 12,
pour nous faire ses adieux, nous apprit que presque toutes les:assemblées
électorales, ayant nommé M. Capo d’Istria leur député à l’assemblée
nationale, devaient recommencerdeurs opérations, Son Excellence
leur ayant fait savoir «que, chef du gouvernement et conséquemment
« investi du pouvoir exécutif, il ne pouvait être en même temps investi
« des fonctions législatives, même du consentement de la nation, sans
« être transformé en tyran.”. . . . « Le Président, ajoutait le général,
«. est du reste fort reconnaissant de cette marque de confiance d’un
« peuple qui met en lui tout son espoir.”. /
Après avoir repassé l’Alphée sur le pont de Karithène, nous remontâmes
le cours de ce fleuve par sa rive gauche pour aller camper à
Kiparissia, village d’environ 500 habitans, et distant d’un peu moins
de trois lieues : on parcourt un pays bien arrosé où se cultivent quelques
Yignes, mais où les pâturages sont en plus grand nombre; tous
ces lieux sont sujets à des ravages occasionés dans les hivers pluvieux
par les crues d’eaux. Nous dressâmes nos tentes auprès d’une fontaine,
dans la construction de laquelle entraient quelques grosses pierres helléniques
et qu’ombrageaient deux Peupliers blancs, dont l’un était
énorme et des plus vieux, mais assez mal branché, ainsi que le sont
la plupart des arbres du canton, parce que les pâtres ont coutume vers
l’arrière-saison, quand le soleil a brûlé l’herbe, de dépouiller les