poudre). Nous laissâmes bientôt sur la droite une petite chapelle et à
gauche une butte arrondie, couverte de Chênes verts ou autres arbres,
qu’on nous dit s’appelér Kutchuvéri. Il nous fallut ensuite traverser un
ravin qui, naissant à droite de la racine des monts, et traversant le
plateau supérieur, forme dans son rempart une vaste embrasure, où
semblait, par je ne sais quel effet d’optiqùe, exister à mi-hauteur un
grand pont naturel; Ce lieu était appelé Kokina. Yirlet se détacha pour
l’aller reconnaître et pour visiter les flancs de la chaîne, où il gravit, et
dont il ne revint que le lendemain ; en nous rejoignant à Arcadia, il rapporta
l’énorme Crapaud1 que j’ai fait représenter dans la Planche XV
de notre troisième série.
A un quart de lieue, nous nous désaltérâmes dans une fontaine dont
l’eau était aussi pure qu’abondante, et sür les murs de laquelle croissait
de l’Adianthe. La route, à partir de ce point, descend dans le vallon
du Longobardo, dont le fond uni et assez large est encaissé à droite et à
gauche; ce vallon forme aussi dans le rempart dè Kambos une coupure
imposante. Avant de traverser le fluviole sur le petit pont de pierre
qu’on y construisit, nous nous écartâmes jusque sur le bord de la mer, qui
en était à un bon quart de lieue, pour reconnaître les ruines d’Ordina,
dont il est fait mention sur plusieurs cartes récentes. Nous n’y vîmes que
des moellons épars, et aucun autre indice qu’il y ait jamais eu de ville
en cet endroit; sur la montée du nord était une fontaine absolument
pareille à celle de la descente opposée, et située à la même hauteur. A
partir du faîte de l’escarpement les arbres cessent, la plaine n’est plus
couverte, que de buissons d’Alaternes, de Cistes ou de Genêts* aux pieds
desquels des Trèfles et autres herbes, que n’avait point encore desséchés
l’ardeur du soleil, forment de véritables pâturages, dans lesquels nous
fûmes surpris de ne pas rencontrer de troupeaux. Nous étions tentés
de nous demander si les plagiaires de M. de Pouqueville y étaient
encore la terreur des bergers. Un dernier ravin encaissé se trouve
avant d’arriver à Philiatra, avec une fontaine et des suintemens d’eau
bouillonnant à travers le sable. A partir de ce lieu la plaine toujours
large, et dont le sol est rougeâtre et léger, est de plus en plus fertile
». Bufopalmarum, Cuvier, Règne anim., t. II, i.,e partie, p. 111, 2.e édition.
et cultivée. Il contient dés veines d’Argile colorée, avec laquelle on fait,
des briques grossières; des fossés, des murs en terre et des haies vives
très-bien tenues, environnent des cultures soignées, qui, se multipliant
sans qu’il reste un pouce de terrain perdu, annoncent l’approche d’un
lieu qu’habite une population laborieuse; des arbres fruitiers de diverses
espèces, de beaux Poiriers et des Figuiers surtout, avec de magnifiques
Oliviers, finissent par former une riche forêt partout où ne' s’étendent
point des vignobles entièrement composés de plant de Corinthe. Le
raisin que produit ce plant, faisait autrefois la principale richesse des
côtes méridionales du golfe de Lépantè, et Patras était l’entrepôt oii
l’Europe en venait chercher les grains sans pépins soigneusement sechés;
depuis quelque temps la ville qui lui donna son nom en avait perdu
le monopole; parce que vers le commencement du siècle on s’est avisé
d’en cultiver sur les rives occidentales de la Morée, oh ce genre de plantation
réussit au-delà, de toute espérance.
Quand nous entrâmes sur le soir à Philiatra, oit Brullé, en poursuivant
des insectes, était arrivé bien avant nous; les habitans se livraient
à là joie et dansaient en bandes par les chemins qui en forment les rues.
Ils célébraient les approches deleurSPâques, en fêtant plus bruyamment
que de coutume un dimanche oit il leur était permis de manger des oeufs,
parce qu’il était le dernier de leur plus rigoureux carême, où jusqu’à
ce genre de mets leur est interdit. Ils nous firent bon accueil, et nous
vinrent encore étourdir de leurs aigres violons sur la plaçe herbeuse oli
les sapeurs établirent le camp. Trois pápas et le démogéronte, homme
assez instruit, étaient venus à nôtre rencontre; nous les retînmes à souper,
et ils nous donnèrent des renseignemens sur les-productionsPet la richesse
du pays. Leur bourg se composait d’assez jolies maisons isolées, perdues,
pour ainsi dire, à travers l’épaisse verdure de's Aubépines, des arbres fruitiers
et des Cyprès; mais ou nous n’avons pas vu cette quantité d’Orangers
et de Citronniers parfumés dont il est parlé dans un voyage de la Grèce;
en général, ces deux derniers arbres sont rares en Morée; ce n’est guère
qu’à Magoula, entre Mistra et Sparte, qu’on en cultive en assez grand
nombre. Les, oranges qu’on servait sur les tables dü quartier-général et
ceux qu’on véndait dans les cafés de Navarin, venaient de Malte,
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