laisse beaucoup à désirer. Quoi qu’il en soit, il demeurait constant que
les soldats d’Ibrahim avaient mis le feu au logement des caloyers, après
avoir pillé tout ce qui les y avait tentés ; pour réparer le dégât, on équar-
rissait et sciait en planches, sous un hangar, de grands Cyprès: le bois
de cet arbre passe pour incorruptible, et répand une odeur balsamique
des plus suave, que le temps n’affaiblit pas. J’ai vu dans les îles des
charpentes qui en étaient faites et qui, remontant authentiquement au
temps des premiers ducs de la Dodécanésie, conservaient leur parfum
et n’avaient pas une piqûre.
Nous remarquâmes sur la longue pierre qui formait le chambranle
d’une porte voisine de celle par où l’on entrait dans la bibliothèque
incendiée, une mauvaise inscription que je transcris ici:
MNHMH ©ANATOT XPTZIMETE T U B i l l AŸIE.
La traduction qu’en donna M. Lenormandl, me fit supposer que là
se déposaient les dépouilles mortelles des religieux, et je demandai au
supérieur s’il y aurait quelque inconvénient à ce qu’on nous montrât le
caveau. «Hélas! répondit l’hégoumène en soupirant, vous n’y trouve-
« rez plus rien de ce qui en faisait autrefois la richesse, ce n’est pas
« comme aux bons jours où cette pièce était sans cesse abondamment
«^fournie.” En effet, il n’y restait plus que cinq ou six outres de breuvage
avec quelques pots de mauvais beurre et un tas de blé; ce que
nous avions pris pour un sépulcre n’était point la dernière demeure des
moines, mais leur garde-manger.
C’est ici que les deux membres de la Commission que j’avais expédiés
de Modon pour recueillir les productions marines du golfe de
Coron, vinrent me rejoindre; l’un d’eux, M* Delaunay, était déjà malade,
et je me bâtai de le faire transporter au quartier-général, seul
point où l’on pût lui administrer les secours nécessités par le délabrement
de sa santé. L’autre avait cassé le baromètre commis à ses soins,
ainsi que les vases remplis d’eau-de-vie, où il disait avoir enfermé des
poissons, et ne m’apportait pas la moindre observation utile, si ce n’est
qu’il avait vu aux environs de Nisi des paysans mangeant une sorte de
i. Mémoire de la mort est utile à la vie.
Truffes blanches qui croissait dans les champs ’. Je cite ce fait pour
réparer une omission de notre Flore, où le genre Tuber n’est pas compris.
La Commission scientifique quitta Messène dans la matinée du 3 Mai,
en suivant la route du Midi qui traverse le ravin par lequel l’Évan
est séparé de l’Ithome; une troisième porte de ville dut exister en ce
lieu : du point où je suppose qu’elle fut, au village de Simiza, composé
d’une quinzaine de familles, il n’y a guère qu’un quart d’heure de
marche à travers des prés et des champs bordés de haies ou d’arbres,
entre lesquels dominent les Mûriers; la feuille de ceux-ci forme la
richesse de l’endroit, où l’on élève beaucoup de vers à soie. Les femmes,
à qui les soins de cette éducation sont commis, préparaient des branches
du Thym déCrète (n.° 782), pour les placer à portée des larves fileuses.
Ce petit sous-arbrisseau très-rameux, qui couvre les. coteaux secs, me
parut être préféré pour cet usage; non-seulement il est depuis le printemps
jusqu’assez avant dans l’été l’un des ornemens des lieux arides,
par ses jolies têtes de fleurs pourprées; mais il parfume l’air d’une
odeur qui tient de la Menthe et delà Myrrhe. On traverse successivement,
après Simiza, deux petits vallons descendus de l’Evah, et dont le fond
était fort bien cultivé; sur les contre-forts légers qui en font la séparation
se voyaient d’abord les ruines d’une chapelle que la route laissait
à droite, puis quelques tombeaux turcs. Les Musulmans d’un certain
rang se font souvent enterrer ainsi le long des chemins, dans l’idée
que les passans leur accorderont des prières. Ayant laissé à gauche un
embranchement pour Mikromani et Nisi par Anaziiy, les grands monticules
en forme de tumuli alignés, dont la régularité avait, du faîte
de l’Ithome, attiré notre attention, nous restèrent peu après du même
côté; on traverse ensuite le lit rocailleux du ravin venant de Messène,
où nous quittâmes la route d’Androussa, afin de passer à Samari,
monument pieux, situé environ à une lieue et demie de Mavromati,
et dont on nous avait vanté la belle conservation. Du sommet plat
i . « Vers l’embouchure du Baljra, tout-à-fait au fond du golfe, près d’un moulin assez bien
« construit, je vis des Grecs manger une sorte de Truffe, qui a la grosseur d’une Pomme de terre,
« qui est rosée à l’intérieur et qui a la saveur du Champignon. On ne la fait point cuire ; on
« l’appelle dans le pays vrtvo, par corruption, sans doute, de l ’ancien mot iïfoov qui servait à
« désigner la Truffe.» Rapport du sieur Pector.