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multitude d’Mées fausses reproduites depuis des siècles de livres en livres
et d’éditions en éditions; ils instruisent bientôt à se mettre en défiance
de toute relation où le conteur emprunte le style pompeux pour décrire
les choses les plus communes. C’eSfr une mauvaise méthode qu’ont voiflu
mettre en Vogue des écrivains cojpristes, qui ne sauraient montrer les
objets qu’à travers le prisme des illusions et qui pensent embellir un
tdbleau en l’exposant à travers leurs vitraux de couleur. C’est une sorte
de folie que de prétendre embellir la nature en se servant, pour parler
de ses merveilles, de termes boursouflés, dont le moindre bon sens suffit
pour faire apprécier le vide. Ayant autrefois desenchante, en le représentant
tel qu’il fest, ce Tage, dont beaucoup de livres estimés avaient fait,
d’après l’antiquité eties romans espagnols, un riant pactole 1, m’etant
appliqué à briser cette chaîne de Pyrénées imaginaire que les faiseurs de
cartes ramifiaient à la surface de la péninsule ibérique*, devant bientôt
conduire mes lecteurs à travers des solitudes déplorables que tant
d’écrivains ont essayé de peindre en cherchant leurs couleurs sur la
verdoyante palette de l’Albane ou du Poussin, je dois commencer par
dire ce que sont en réalité ces îles d’Hyères, que dans le reste *de la
France on croit être „ un paradis terrestre, où le myrthe de Yénus se
« marie sous des festons de pampres à l’olivier de Minerve, et dont
les forêts d’orangers sont mollement agitées par #odorant zéphire. ”
J’ai lu ces livres parfumés quelque part, et celui qui les traça recommande
aux poitrinaires le'séjour « de l’archipel enchanté, où se réunit
« depuis le mois de Décembre jusqu’à la fin de Février l’élite des va-
« létudinaires du monde, pour chercher la santé sous l’ombrage de
« rians et mystérieux vallons, empire salutaire et frais d’Esculapè et
« des amours. *
Le séjour de la ville d’Hyères, agréable en hiver, mais trop ardent
durant huit mois de l’année, où les sources tarissent et dont les douceurs
ont été si fort exagérées, est évidemment confondu par le géographe
d®nt on vient de donner un échantillon avec celui des îles
1. Résumé de la géographie de la péninsule ibérit^e, et Guide du voyageur en Espagne,.p. 82,
2 . Mêmes ouvrages, p. 4 et suiv.
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voisines, auxquelles on a étendu un nom qui n’est pas même le leur;
car elles ne sont connues sur les côtes de Provence que par celui $iles
d’or, par abréviation du mot orientales. Ces îles d’or ou orientales sont
ausmombre de quatre, disposées à peu»près en ligne courbe vis-à-vis la
terre ferme, qui en est à une ou deux lieues environ de distance. Le
Titan est ‘la plus grande d’entre elles, et la plus au levant; sa forme est
obiongue ; elle peut avoir deux lieues dans un sens et une demi-lieu,e
dans l’autre; très-escarpées du côté du nord, ses côtes sont toutes déchirées
par de petites baies ou calanques, dans lesquelles des bateaux
pêcheurs trouvent des abris. On a imprimé quelque part que Vile du
Titan était d’origine volcanique; son aspect sinistre et des fragmens
de trachites roulés, trouvés sur les côtes voisines, qu’on croyait en être
provenus, ont sans doute donné lieu à cette erreur. Le Titan, ainsi que
les autres îles d’or, sont calcaires.
Portcros, qui vient ensuite, est séparée du Titan par un canal très-
étroit ; sa forme est à peu près ronde, et son diamètre n’a guère plus de trois
quarts de lieue. Nous y distinguâmes des forts. L’île de Bagneau, la plus
petite-de toutes, n’est qu’un grand bloc de rochers, encore plus rapprochée
de Portcros que ne l’est celle-ci du Titan. Le Grand-passage, qui
peut avoir à peu près deux lieues de large et par ou nous étions la veille
entrés dans la rade», sépare le groupe des îles dont il vient d’être question
de celle de PorquerÜlles, la moins sauvage et la plus reculée vers
l’ouest ; divers forts nous parurent la protéger. Porquerolles n’est séparée
de la terre ferme que par un bras de mer assez étroit, peu profond,
semé de petites îles, et qui doit se combler tôt ou tard. La presqu’île de
Gien est le point continental le plus rapproché de Porquerolles, elle fut
une cinquième île d’or ; mais deux isthmes de sable, à peu près parallèles,
si bas qu’on ne les aperçoit au-dessus des eaux que d’une très-
petite distance, l’attachent à la Provence, en interceptant le long étang
de Pesquier, dont l’eau est saumâtre. Cet étang et la conformation des
lieux voisins prouvent que Gien a été réuni fort récemment àia grande
terre. On connaît à peu près l’époque où, sur nos bords méridionaux,
Aigues-Mortes cessa d’être un port de mer, oii Antibes refusa les bâti-
mens d’un certain tirant d’eau, où d’autres lieux jadis fréquentés par