par laquelle on aperçoit le village de Routroboukia voisin des sources
de l’Eurotas, vers lesquelles les eaux de Francovritzi paraîtraient devoir
naturellement s’écouler; tandis qu’elles viennent circuler à travers la
chaîne qui borne la plaine à l’Ouest, pour se jeter souterrainement
dans le bassin de Mégalopolis. Une autre source abondante qui sort avec
impétuosité des bases du Ménales, dont les sommets dépouillés s elevent
vers le Nord, donne son nom au bassin ainsi qu’à un second kan,
dont il restait seulement des pans de murs : non loin de cette fontaine
des Francs (Franko-Yritzi), est l’emplacement de l’antique Asea, fondée
par un fils de Lycaon; on le reconnaît a une tour hellenique qui s appelle
Delimis (moulin du fou) et qu’on laisse a gauche sur la hauteur;
il n’en reste guère dans la plaine que les vestiges d’un temple consistant
en gros blocs de pierres taillées et amoncelés à peu près circulai-
rement: ce fut peut-être celui de la mère des dieux, qui n’avait deja
plus de toiture au temps de Pausanias *, et qui se trouvait, selon ce
voyageur, contigu à l’une des sources de l’Àlphée commune a l’Eurotas.
Frankovritzi est probablement cette source. Peu après, on gravit un
dervéni, appelé de Kalogherovouno, que, durant le siege de Tripolitza,
les Grecs avaient fermé par un tambour dont les pierres ont ete arrachées
au pavé de la route, laquelle devient assez commode en descendant
vers le troisième bassin central d’où l’Alphée reçoit des eaux, et dans
lequel nous vînmes camper près d’un kan nouvellement bâti; on y
devait être par 700 mètres d’altitude; le thermomètre s’y tenait à ÎO
degrés centigrades seulement, et nous y dominions sur une vaste plaine
encaissée vers le Sud, où se voyait un lac qui varie de,grandeur selon
que la saison est pluvieuse ou sèche; mais qui ne demeure jamais totalement
à sec. Près du kan étaient les restes d’une grande maison, dans
le genre de nos belles fermes d’Europe ; on la nommait Bataki, et elle
avait appartenu au fier Hamur-pacha. De bonne heure le lendemain
je me dirigeai avec Delaunay vers le lac, qui se trouva bien plus
éloigné que je ne l’avais supposé; il fallait, pour s’y rendre, cheminer
à travers des Chardons pressés et déchirans. Après une bonne demi-
heure environ d’une marche des plus pénible, ce fut au pied d une
i . Lib. VDI, cap. 44-
hauteur en pain de sucre, que couronnait une tour bâtie en briques,
et qui fait partie du mont de Rravari, élevé de \ 088 mètres, que nous .
reconnûmes sous nos pas les ruines d’une grande ville antique : un espace
tout couvert d’Eupatoires (n.° \ \ 48) qui trahissait un peu d’humidité
dans le sol, nous y fit d’abord remarquer les restes d’une fontaine auprès
de laquelle étaient les soubassemens d’un temple culbuté; cette
indication éveilla notre curiosité, et bientôt une multitude de pierres
taillées s’offrirent à nos regards. Le sol était, comme celui de Mégalo-
polis , entièrement formé de fragmens de poteries et de briques : un second
temple, plus reconnaissable encore que le précédent, nous fut bientôt
révélé à travers les épines; plusieurs blocs de Marbres redressés s’y voyaient
du côté où devait avoir été la place du dieu, et probablement les Grecs,
convertis à la loi de Christ, y avaient célébré l’office divin depuis la
ruine totale de la cité; un magnifique chapiteau ionique à volutes plates,
placé à l’envers, y avait évidemment servi d’autel. Mais quelle avait pu
être la ville que nous venions de découvrir et que nous ne trouvions
signalée en ce lieu dans aucune carte ou itinéraire ; elle fut évidemment
Pallantium, qu’on a cherché mal à propos en d’autres endroits.
Cette ville de Pallantium fut l’une des plus anciennes du Péloponnèse ;
elle a été très-célèbre dans le commencement de l’empire romain, à cause
de la tradition qui en faisait remonter l’origine à Pallas, fils de Lycaon.
Evandre, qui en fut l’un des citoyens les plus considérables, en étant,
dit-on *, parti avec une armée d’Arcadiens, vint fonder une colonie sur
les bords du Tibre, où son nom devint dans la suite, par la suppression
de deux lettres, celui de la partie sacrée de Rome, appelée le Mont
Palatin. Antonin le pieux, par cette seule considération, repeupla Pallantium
et la combla de biens; car elle était, ainsi qu’Aséa, où nous
venions de passer, demeurée presque déserte depuis que ses habitans
avaient été, avec ceux de beaucoup d’autres villes d’Arcadie, contraints
de grossir celle de Mégalopolis. Pallantium, dont Pausanias énumère les
monumens, eut aussi une acropole, et l’emplacement de celle-ci pourrait
bien être celui qu’occupe sur les hauteurs la tour voisine.
Les chardons piquans devinrent si intraitables qu’il nous fallut renoncer
i . Pausanias, lib. VIII, cap. 43.