son nom à la principale montagne du pays, comme l’une des nourrices
de Jupiter avait donné le sien à l’Ithome.« Le Talétum, sommet du Tay-
« gète, dit Pausanias s’élève au-dessus de Bryssées; il est consacré au
IIsoleil, à qui l’on sacrifie sur ce sommet des chevaux et différentes vie-
. times. L’Evoras, qui est peu éloigné du Talétum, nourrit différentes
« espèces de gibier, surtout des Chèvres sauvages: en général, tout le
« Taygète fournit des Chèvres, des Sangliers, beaucoup de Cerfs et
« d’Ours; On donne le nom de Théræ à l’espace qui est entre le Talé-
„ tum et l’Évoras. H L’ensemble de la montagne s’appelle aujourd’hui
Pentadactyli (les cinq doigts), parce qu’effectivement cinq pointes principales
s’y distinguent de loin; le Talétum y répond parfaitement à ce
qu’on nomme le Saint-Hélie, comme presque tous les combles sourcilleux
de la Grèce, que l’antiquité avait également consacrés au culte
d’Apollon, dieu du jour, et dont Ágios-ílélias (équivalant à soleil sacré)
n’est qu’un synonyme. De telles réminiscences du paganisme dans la
Grèce chrétienne se retrouvent fréquemment : partout où l’on rencontre
une église sous l’invocation de S. Denis, les anciens adorèrent Bacchus;
les temples de Vénus se sont ordinairement métamorphosés en chapelles
de S.e Vénérande ou de la S.' Vierge. Ceux de Mars sont dédiés à
S. Dimitri, à S. Paul, à S. George ou bien à quelque autre bienheureux,
guerrier de profession.
Sur la pointe du Taygète, où n’existait aucune sorte de plantes, on
trouvées murs renversés d’un pauvre hermitage, où M. Boblaye a
ajouté, dans ses ascensions postérieures, un signal pour sa triangula,
tion ; les voyageurs futurs y retrouveront sans doute cette nouvelle construction,
car elle a été fort solidement établie. Une grande pierre
carrée, dont la taille et le poli datent peut-être des temps où l’on venait
en ce lieu égorger des chevaux, me donna l’idée de laisser sur les limites
de l’atmosphère où nous respirions si gatment, une inscription qui
perpétuât le souvenir de notre voyage ; j’y gravai donc profondément
avec mon nom ceux de MM. Baccuet, Virlet et Brullé, qui m’accompagnaient.
De singulières meurtrissures, s’il est permis de s’exprimer
ainsi, se remarquaient sur plusieurs des blocs calcaires qui composent
i . Loc. cit., cap. 20.
le cône du Saint-Hélie, particulièrement vers la pointe : on eût dit des
coups d’un gros marteau donnés sur la pierre, et qui auraient causé des
enfoncemens avec étoilement et recouverts d’un enduit vitrifié à l’endroit
du choc. Ces marques, dont je cherchai à m’expliquer la cause sans
qu’aucun de nos guides mêla pût expliquer, et dont quelques-unes
étaient presque entièrement effacées, tandis que d’autres semblaient tout
récemment vitrifiées, ne seraient-elles pas des empreintes de la foudre
qui tombe si souvent sur la montagne? Quoi qu’il en soit, on nous
raconta que c’était ce même tonnerre qui avait fini par chasser de saints
hommes, qui long-temps s’étaient succédé dans la chapelle dont nous
retrouvions les débris. «Autrefois, nous dit-on, un grand concours de
«. fidèles montait ici a la fête de Saint-Jean, et l’on y célébrait l’office divin:
« on n’y venait pas ordinairement par le côté où nous y sommes arrivés,
« et qui est trop difficile; mais par l’autre, d’où vous pourriez assez com-
« modément descendre aMistra, que vous voyez à vos pieds. Un évêque
« de cette ville, ayant rêvé que S. Elie lui apparaissait et lui disait:
« Y os pères m’adoraient antiquement sur la pointe de la montagne, je
« veux que vous m’y bâtissiez une église : assembla des ouvriers, vint
« bénir la place, et commanda d’y construire cet hermitage. Les ou-
« vriers, lorsque l’évêque s’en fut allé, ayant trouvé le site trop escarpé,
« se mirent à bâtir en un lieu plus bas et d’un accès plus facile; leur
« journée étant finie, ils laissèrent leurs outils sur la place pour venir
« passer la nuit dans les villages ; mais quelle fut leur surprise lorsque,
« étant revenus le lendemain matin, leurs outils se trouvèrent trans-
« portés à l’endroit où nous sommes, le saint lui-même était venu les
« prendre; et cette marque de sa volonté ne laissant plus aucun doute,
« les maçons se résignèrent sur le choix de l’emplacement. | Ne dirait-on
pas des contes de Pausanias?
Le bassin de l’Eurotas était à nos pieds, et ce fleuve paraissait tour à.
tour y serpenter dans une large et délicieuse campagne, ou se précipiter
dans un canal étroit entre des roches fracassées : le golfe de Laconie,
où se distinguait fort bien Marathonisi, se dessinait comme sur une carte
de géographie; quelques pointes de l’Argolide et de l’Archipel pouvaient
faiblement se reconnaître entre les Malévos de S. Pierre et comme des