malheureuses filles hystériques; assises sur un diabolique trépied, décidaient
ainsi de l’existence des plus braves gens et du sort d’une cité ; mais
ce qui me paraît plus singulier encore, c’est que les Oresthasiens, dont
on ne nous explique point les motifs, ayant eu connaissance de l’orade,
se disputèrent l’honneur de faire partie des cent combattans qui devaient
infailliblement mourir; ceux-qni furent choisis ayant attaqué la garnison
lacédémonienne de Phigalie, se firent donc tuer jusqu’au dernier, pour
remporter une victoire dont il ne devait rien revenir à leur patrie, si ce
n’est la gloire d’avoir produit des guerriers capables d’un dévouement
extraordinaire. Les Phigaliens recouvrèrent leur ville, et le tombeau commun
des héros qui la leur avaient rendue, se'voyait sur la place publique,
oh des sacrifices annuels étaient offerts à leurs mânes. «La ville, ajoute
« Pausanias, est située dans un endroit très-élevé et très-escarpé : ses mure
« sont en grande partie bâtis sur^des rochers; en montant un peu, la
« colline devient plus unie et forme, en s’élargissant, une grande plaine.”
Cette description est exacte; du côté du Midi se précipite la Néda, avec
ses majestueux escarpemens; vers l’Est sont les remparts naturels qu’il
nous a fallu gravir; au Couchant et au Nord coule un torrent profondément
encaissé, dont l’origine couvrait une acropole extérieurement
inaccessible, par laquelle la ville demeurait protégée. Un plateau accidenté
assez considérable se trouve ainsi compris entre de hautes coupures qu’on
avait couronnées de murailles, qui ne le cédaient en rien, pour la force
et l’étendue, à celles que nous admirerons bientôt à Messène. La ville
antique n’occupait sans doute point la totalité d’une si grande surface,
qui n’a pas moins de six à sept cents toises dans son moindre diamètre, et
sur laquelle se voient aujourd’hui des pâturages, des champs cultivés et
des bosquets, avec deux fontaines. C’est ici que nous rencontrâmes des
laboureurs employant la charrue de Triptolème dans toute sa simplicité;
le Soc, en soulevant un terrain substantiel, quoique léger, en fit
sous nos yeux sortir quelques médailles; qui nous furent présentées et
que nous acceptâmes par complaisance, car elles étaient si petites et si
détériorées, que M. Dubois, à qui nous les donnâmes plus tard, ne
put y rien reconnaître. MM. les architectes ont fait graver' un plan de
i. Tome II, pl. I. — M. de Stakelberg donne, aussi une vue de Phigalie prise d’un autre point
et dans laquelle nous ne reconnaissons pas aussi bien les lieux.
Phigalie, qui nous dispense de reproduire celui que nous en avions
relevé nous-même. Dès que notre camp fut posé à l’endroit où s’y voit
un astérisque, nous nous empressâmes de rechercher la trace des
murailles qu’avec la moindre attention on ne perd nulle part, et dont une
grande partie demeure à peu près debout : elles sont beaucoup mieux conservées
du côté de l’Est à la circonférence de l’acropole que partout ailleurs.
Là, une vingtaine de tours carrées et d’autres tours rondes persistent de
distance en distance ; près de l’une de ces dernières est une petite porte
parfaitement intacte, et l’on en voit plusieurs autres en moins bon état.
Une hauteur en pain de sucre était la citadelle, au faîte de laquelle nous
trouvâmes les décombres d’un château du moyen âge, avec les restes de
deux chapelles, l’une.dédiée, nous dit-on, à S. Hélie, et l’autre à la
Panagie; celle-ci remplace probablement un temple dé Diane Soteira
ou conservatrice, qui était construit, dit Pausanias, sur une plate-forme
assez1 spacieuse, « d’où, selon la traduction de Clavier1, partaient ordi-
« nairement les processions. î La statue de la déesse était de marbre et
la réprésentait debout. En descendant, est une grotte cachée entre des
buissons et marquée J1' dans le plan de la section d’architecture. Nous
fûmes demander du lait à des bergers qui s’étaient établis dans la saillie
de l’enceinte en M D. A partir de ce lieu jusqu’à l’escarpement de la
Néda, le mur paraît avoir été démoli à dessein jusqu’au tiers au moins
de sa hauteur : aux approches d’une porte dont le haut manque, on dirait
que les grosses pierres en ont été placées les unes sur les autres en dehors
et en dedans des remparts, auxquels on voulait ôter leur hauteur sans
les détruire entièrement.
Phigalie possédait un gymnase, où se voyait un Mercure qui semblait
mettre son manteau, mais qui était carré par le bas et n’avait pas de
pieds; dans la place publique était la statue d’un certain Arraclica,
célèbre Pancréatiste, qui fut couronné deux fois aux jeux olympiques,
et la seconde malgré qu’il fût mort dans le combat; enfin, il y existait
un temple dédié à Bacchus. Sans beaucoup d’espoir de reconnaître toutes
ces choses,- nous examinâmes au pourtour de notre camp trois restes de
monumens antiques, dans lesquels il serait difficile de spécifier aucun
i . Tome IV, p. 4g6.