« en rend le passage étroit du côté des ouvrages construits par les Athé-
« niens de Pylos (la passe de Sikia), par oii ne peuvent entrer que deux
« vaisseaux, tandis que par le passage qui regarde la partie du continent
« (la grande passe du Nouveau-Navarin), il en peut entrer huit ou neuf.*
Comme notre but est simplement de reconnaître les lieux mentionnés
dans Thucydide, nous ne suivrons pas cet historien dans les détails
qu’il donne sur la suite d’événemens dont il a d’aillèurs été dit quelques
mots précédemment (p. 420). Il suffira de remarquer ici que ce ne fut
point Démosthènes seul qui eut l’honneur de mettre fin à une entreprise
dont les lenteurs impatientaient la populace d’Athènes, mais un certain
Cléon, qu’elle éleva au commandement. On a affecté dans quelques
ouvrages modernes de surnommer ce Cléon le corroyeur et même le
cordonnier. Le ridicule soin de rappeler la profession de son père ne
saurait altérer la gloire qu’il acquit en cette occasion. La révolution
française a prouvé que la naissance n’y faisait, rien, et qu’il n’était pas
nécessaire d’être issu d’un prince pour en avoir les qualités. Penserait-on,
par exemple, flétrir la mémoire d’un duc de Montebello en l’appelant
le teinturier? De tels moyens de dénigrement sont indignes du style de
l’histoire et suffisent pour stigmatiser quiconque se complaît à les reproduire.
Cléon, fils de Cléoenète, effectivement corroyeur ou cordonnier
, qui avait alors beaucoup d’ascendant dans la république, pouvait
être dans toute autre circonstance le plus violent de ses citoyens ; mais
il se montra homme d’Etat et général habile à Sphactérie: quoi qu’il en
soit, sa victoire ne consolida point la puissance d’Athènes en Messénie,
où le nom de Pylos disparaît avec le sien. Il n’est plus question de ce
lieu dans l’histoire jusque bien avant dans le moyen âge.
La ville de Nélée et de Nestor, repeuplée et fortifiée de nouveau
durant la guerre du Péloponnèse, se trouvait probablement encore une
fois déserte lors de la conquête de la Morée par les seigneurs de Cham-
plitte et de Yillardouin, puisque leur chronique n’en fait aucune
mention en énumérant les fiefs qui formèrent la nouvelle division
du pays. Quand ces conquérans marchèrent, pour s’emparer de Modon,
par Arcadia, qu’ils attaquèrent en ajournant la prise de son château, ils
durent passer près de l’antique Pylos, dont ils n’eussent pas manqué de
s’assurer si ce point eût été de quelque importance; ce n’est que plus
tard qu’on voit une dame française, veuve de Guillaume de La Roche,
seigneur de Rarithène, venir s’y établir et en relever les murailles : c’est
à ses successeurs, ainsi qu’aux Vénitiens, qui ne tardèrent pas à s’approprier
tout ce que les Français avaient réparé ou construit, qu’il faut
attribuer des ouvrages dont plusieurs ne manquaient pas de bonté , et
qui maintenant sont tombés en ruine sur des ruines plus vieilles qu’ils
nous cachent. Plus tard encore le Vieux-Navarin reparaît sur la scène
des combats; Coronelli, qui l’appelait dès-lors, mais a tort, Zonchio,
rapporte1 que les Barbares ayant pris Modon, ceux de cette ville se rendirent
à leur approche; il ne nous dit pas quels étaient ces habitans, mais
il ajoute que les Vénitiens y rentrèrent peu de temps après par le moyen
d’un certain Démétrius de Modon et d’un Albanais de ses amis, qui taillèrent
en pièces la garnison ottomane à portes ouvrantes. Les infidèles,
c’est-à-dire les Turcs, qui voulaient absolument la reprendre, la firent
investir, du Coté de la terre, par un gros corps de cavalerie, et du côté
de la mer, avec quatorze galères et cinq fustes, commandées par Tun-
Gamali. La république n’avait que trois galères dans le port pour la
défendre, et ceux qui étaient chargés du soin de cette garde, tombèrent
dans la négligence; ne se persuadant pas que Gamali les pût
attaquer, ils lui laissèrent la Uberté tout entière d’entrer dans le port, et
il en profita pour s’en rendre maître. Les chrétiens surpris se jetèrent en
désordre dans de petites barques et se sauvèrent sur cinq grosses gabares
chargées de marchandises, qui se trouvaient mouillées à proximité. Ceux
qui les commandaient furent étonnés de cet événement imprévu et
prirent aussi la fuite. « Cependant les malheureux habitans de Zonchio
« regardaient ces disgrâces de dessus leurs murailles, et ils furent aussitôt
« attaqués par les Barbares, auxquels ils jugèrent à propos de se rendre,
« ne se sentant pas en état,de résister.”
En 4686, le généralissime Morosini, résolu de poursuivre ses conquêtes
dans la Morée, fit une fausse marche du côté de Lépante, pour
y attirer les forces de l’ennemi; son dessein ayant réussi, il rebroussa
chemin, et, le 2 Juin, il arriva à la vue du Vièux-JNfavarin, suivi d’une
i . Description du golfe adriatique et de la Morée, part. I.”, pag. 65 et suiv.