qui fut la partie méridionale de la double presqu’île où nous avons
déjà reconnu indubitablement le cap du même nom. C’est à tort qu’on
prétendrait trouver celui-ci au pied du San-Nicolo, en regardant cette
montagne comme l’Ægalée; ce qui reporterait naturellement l’antique
Pylos sur l’emplacement du Nouveau-Navarin. Cette opinion n’est pas
soutenable; le Nouveau-Navarin, fondation moderne de Nicolas de
Saint-Omer et des Turcs, réparée par Morosini, relevée de ses ruines
par M. le maréchal Maison, ne date pas de si loin; si l’on veut en illustrer
l’origine, on peut la faire remonter à l’Abramus de Ptolémée ou
l’Aharimus de quelques commentateurs. La double presqu’île de Paléo-
kastron contenait une autre cité du côté septentrional, vis-à-vis notre
Antipylos, la même où nous avons reconnu des murs antiques, les
marches taillées dans le roc, qui conduisaient à un débarcadaire, là
même où sont accumulés le plus de ces. sables qu’a signalés le Mélé-
sigène, enfin l’endroit où existe encore la grotte de Nestor; ce fut là
évidemment qu’existala cité fameuse, dominée par le véritable Ægalée,
au sommet duquel le Yieux-Navarin a remplacé une acropole commune
à deux populations adossées, et dont M., de Bôbillard fit connaître les
soubàssemens primitifs, à MM. Dubois et Blouet, ainsi qu’à moi.
Quant à la Pylos de Thucydide, il est évident qu’elle répond à notre
Coryphasium, et que c’est encore sur son emplacement que nous
campâmes du 1 .er au 7 Avril. Il n’était pas besoin d’avoir visité le théâtre
des é.vénemens rapportés par cet historien pour deviner où il dût être;
Thucydide précise ordinairement si bien les faits et les lieux, que du
pont de la Cybèle nous avions reconnu jusqu’aux accidens de terrain,
si bien décrits dans sa guerre du Péloponnèse. 11 paraît que depuis
long-temps le pays était désert, Pylos et Coryphasium abandonnés,
et Sphactérie couverte d’une épaisse forêt, lorsque Démosthènes, général
athénien, qui voulait, contre l’avis de ses alliés, prendre terre
à Pylos, y fut poussé par une tempête1. Aussitôt il demanda qu’on
revêtît la place de murailles, déclarant que c’était dans ce dessein qu’il
s’était mis de l’expédition. Il montra qu’on trouvait sur place du
bois et des pierres en abondance, que le site était fort de sa nature.
i. Lib. rv, s. ni, iv et vm.
On répondit à Démosthènes qu’il se trouvait dans le Péloponnèse assez
de promontoires déserts dont il était maître de s’emparer, s’il voulait
jeter la république en dépenses. Cependant l’endroit avait sur tout
autre des avantages particuliers; il offrait la commodité d’un port qui,
étant rendu aux Messéniens, à qui jadis il avait appartenu, donnerait
à ceux-ci la facilité de s’élancer désormais sur les ennemis pour leur
faire beaucoup de mal.. . . Le général ne persuada d’abord personne ;
mais les soldats se trouvant dans l’inaction, il leur prit d’eux-mêmes la
fantaisie de se fortifier. Ils se mirent donc à l’ouvrage, et, faute d’outils
pour tailler les pierres, ils choisirent les plus commodes et les posaient
aux endroits où elles pouvaient convenir; pour porter le mortier, ils le
prenaient sur leur dos en se »courbant et en croisant les mains par
derrière afin qu’il ne tombât point; ils .faisaient, en un mot, la plus
grande diligence afin d’être retranchés avant que les Lacédémoniens
fussent en mesure de les venir attaquer. Dans le plus grand nombre
d’endroits les lieux étaient assez forts naturellement pour qu’on n’eût
pas besoin d’y élever de murailles. Les travaux indispensables furent
terminés en six jours, et la flotte devenue disponible par l’établissement
de Démosthènes, on ne laissa que six vaisseaux à sa disposition.
L’occupation de Pylos fit une puissante diversion, et les Spartiates,
ayant abandonné l’Attique, vinrent pour attaquer la nouvelle forteresse,
en publiant dans tout le pays qu’on eût à diriger les plus prompts secours
sur ce point, où ils mandèrent de Corcyre leur flotte, forte de plus
de soixante voiles. Déjà était arrivée l’armée de terre; mais Démosthènes,
tandis que les Lacédémoniens tenaient encore la mer, eut le
temps d’appeler à son secours Eurymédon, qui se trouvait à Zacynthe
(Zante) avec ses navires, et qui fit grande diligence. Cependant l’ennemi,
dans la pensée qu’un lieu fortifié à la hâte et dans lequel rie
se trouvaient que peu de défenseurs, ne résisterait point à une attaque
vigoureuse, résolut de l’enlever de vive force, en l’assaillant à la fois
par terre et par mer; il se proposait, si son coup .<je main ne réussissait
point, de boucher l’entrée du port, afin d’empêcher que les Athéniens
en pussent recevoir des secours ; « car l’île de Sphactérie s’étend en
« face ; elle en est très-voisine, et tout en la mettant à l’abri des vents, elle
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