ne promenaient pas quelquefois de grands cylindres de bois traînés par
leurs boeufs sur la terre récemment labourée, pour en égaliser les mottes,
et si quelqu’un de ces agriculteurs négligens n’aurait pas traîné son rouleau
sur des terres cultivées en revenant , de son travail ; mais de tels
instrumens sont inconnus des Grecs et l’on nous objecta qu’une machine
de la dimension de celle qui eût été nécessaire pour faire un si large
ravage n’aurait pu passer par la brisure d’où commençait le dégât,
lequel cessait tout à coup au milieu d’une pièce d’Epeautre.
J’avais d’abord conçu l’idée d’entrer dans le Pamisus par son embouchure,
où l’on dit que les vaisseaux des anciens remontaient jusques
à dix stades, et je m’étais procuré uneaïque, sur lequel je m’embarquai
avec MM. Brullé et Baccuet; mais il fallut renoncer à ce dessein, la
mer étant, par j e ne sais quelle raison, devenue tout à coup fort agitée.
Nous eûmes même beaucoup de peine à regagner la rive, dont nous nous
étions éloignés d’une lieue, -et nous nous estimâmes encore fort heureux
d’être jetés violemment à l’embouchure de ce Djané dont nous avons
naguère visité l’origine (p. 210 et211); les eaux que roulait alors ce
fluviole étaient pures et rapides. Marchant à la racine des hauteurs
expirantes dont se forme cette région accidentée, que du sommet de
l’Ithome nous avons comparée à un amas de taupinières, et dont
nous avons traversé une partie en nous rendant d’Androussa à Léqui,
nous admirions la plaine qui s’étendait entre ces hauteurs et la plage,
richement cultivée; des vignobles, des bois d’Oliviers et des plants
de Mûriers y étaient entrecoupés de champs diversement utilisés ; quelques
uns étaient couverts d’une sorte de haricots qu’on assure être originaire
de l’Inde, et qui donne des récoltes extraordinairement abondantes.
La route, qui se réunit bientôt avec celle de Nisi à Navarin,
traverse successivement quatre fluvioles, qu’on nous dit être ceux de
Skarias, de Vélika, de Typhlopothami et de Tzitziuro ou Gigiori. L’on
passe les deux derniers sur de solides ponts en pierre : tous ces cours
d’eau sont à peu près du même volume, de largeur et de longueur
pareilles; ils descendent des montagnes duKondouvounia, arrosent du
Nord-Ouest au Sud-Est l’éparchie d’Androussa, tombent dans le golfe de
Messénie, et peuvent indifféremment être considérés comme le Bias de
l’antiquité, que Boblaye rapporte au Djané, dont le cours est entièrement
défiguré dans la carte de Gell. D’autres, notamment celle de M. Lapie,
appliquent ce nom à l’avant-dernier, qui est celui que nous avions traversé
à quelques lieues plus haut, en allant d’Androussa à Logi (p. 310).
A mesure que nous approchions de Nisi, le sol devenait rougeâtre;
le Nopal (Cactus Opuntia, n.° 638) se multipliait, et les chemins finirent
par se border de haies impénétrables et souvent hautes de dix pieds,
qui étaient entièrement composées de ce végétal d’un aspect si singulier.
Il y a quatre heures de marche de Pétalidi au bourg de Nisi. Je
ne trouve aucune indication de ce lieu dans les cartes publiées avant
M. Barbier Dubocàge, qui l’établit assez convenablement: ne pourrait-
on le reconnaître dans ce Calonisi, écrit sur une vieille et détestable
mappe vénitienne vers l’endroit où le bourg actuel est situé? On ne
conçoit pas comment Gell le met à la gauche du Pamisus, dont il est
a une certaine distance sur la rive droite; sa position répond exactement
à celle que Danville assignait à son Sténikléros. Placé au centre d’une
contrée extrêmement fertile, sa population s’élevait vers le commencement
du siècle à près de deux mille habitans, tous agriculteurs-
ses maisons en torchis, qui avaient été entièrement renversées, se
rétablissaient rapidement avec leur teinte de pierre sanguine. L’église,
plus considérable qu’aucune de celles que nous eussions encore vues en
Morée, était entièrement bâtie en roches dérobées à quelques-unes des
villes antiques du voisinage, probablement à Thuria et même à Mes-
sène. C’est ainsi qu’en Grèce les matériaux des bâtimens passent d’un
lieu à un autre; personne ne s’y donne depuis long-temps la peine de
tailler un morceau de Marbre ou la moindre partie d’une construction
quelconque; on va chercher les masses préparées nécessaires où les
anciens les avaient originairement posées, et les temples élevés par eux,
si long-temps l’objet de l’admiration du monde, ne sont plus pour
les modernes que des espèces de carrières. Un château d’apparence féodale
avait existe a Nisi, mais il n’en restait plus que quelques pans de
murs encore assez élevés et des parties de tourelles dans les trous desquelles
nichaient de petits oiseaux de proie, dont les stridemens aigus
attirèrent mon attention pour leur malheur; ils planaient souvent de
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