depuis des restes de villes grecques qui ne présentaient guère plus d’importance
par leur étendue; de^ tas de haillons, des chiffons d’ètoffes
grossières en laine rouge, de vieux fragmens de,souliers, babouches ou
autres chaussures, en encombraient les rues infectes : il est impossible
de se faire une idée de là malpropreté qui régnait de ce lieu jusqu’à
l’enttfée de Modon, où nous arrivâmes à travers un faubourg démoli,
mais que commençaient à réparer quelques pauvres familles grecques.
Le général en chef nous attendait et nous reçut avec une extrême
bonté ; il se déclara l’appui de la Commission ; - voulant la seconder
efficacement dans ses travaux, il nous engagea à voir son chef d’état-
major^le général I^urrie%; et l’intendant général M. Yolland, par les
soins desquels il devait être largement pourvu aux besoins des trois
sections.
La ville de Modon était alors dans un état de destruction complète;
il n’y existait aucune auberge, on n’avait pas eu le temps de nous yar-
' ranger des logemens ; il était trop tard pour en partir,, lorsque nous
eûmes rempli tous nos devoirs. Le général Durrieu avait (Tailleurs voulu
nous retenir à dîner ; en sortant de table chacun se casa comme il put.
Le général Cuivre, alors colonel du 27.e de ligne, et l’un de mes anciens
compagnons de guerre, me donna l’hospitalité. Il logeait dans la maison
qu’avaient occupée lés femmes d’Ali Pacha, et dans laquelle, dit-on,
deux de ces malheureusesrétaient mortes de la peste;
Je revins à Navarin dans la matinée du 5, mais comme j’avais hâte
de m’y rendre pour faire débarquer nos* effets et pour m’entendre avec
l’administration militaire sur les moyens qu’elle pourrait nous fournir
de voyager le plus commodément possible dans l’intérieur du pays, je
pris un cheval à la porte de Modon, où l’on en trouvait de prêts à toute
heure du jour; pour quatre ou cinq piastres du pays (la piastre valait un
peu plus de sept sous) on faisait alorS'le voyage d’une ville à4’autre. En
arrivant au point le plus élevé du col que j’avais traversé la veille et qui
sépare le versant de la plaine de Modon de celui de Navarin, je m’arrêtai
pour admirer de nouveau le magnifique tableau dont j’avais chargé
M. Bàccuet de saisir l’ensemble pendant que j’allais régler nos affaires
au quartier-général : en comparant la vue qu’il en a faite avec celle qui
se trouve en regard de la page 59 du tome Yï d’un voyage en Grece
fort estimable sous beaucoup de rapports, on trouvera .que lune et
l’autre n’offrent aucune ressemblance, et qu’elles ne se conviennent
absolument en rieiT; mais je puis affirmer que la nôtre ressemble beaucoup
au site dont j’ai prétendu donner une idée.
Pendant notre absence, la plupart de nos collaborateurs avaient
parcouru les environs de Navarin : ils y avaient deja fait des observations
diverses; les matelots eux-mêmes avaient rapporté plusieurs curiosités
qu’ils croyaient pouvoir intéresser la Commission. Des tortues
et des émydes se promenaient sur le pont de la frégate, où Ton avait
péché plusieurs poissons, entre autres des céphalo.^mugil cepfeilus)
et des simarides ( sparus s maris). J’employai le reste du jour a chercher
des effets de couchage et de campement. L’amiral de Rigny ordonna
que les premiers nous fussent fournis par la Cybèle, où" nous prîmes
les cadres, matelas et couvertures dont nous nous étions servis durant
la traversée. Un tel secours nous-devait être d’autant plus utile, qu’il
eût été impossible de trouver un lit en Morée. On verra par la suite
que les Grecs n’en connaissent pas l’usage, dormant tout habillés sur
des coussins en manière de divans ; les matelas commencent à s’introduire
chez eux, mais ils n’y sont pas encore communs.-.Mon projet était
de camper, et cependant je ne voulais pas qüe mes compagnons fussent
exposés à dormir sur la terre. M. Yolland nous. fit donner des tentes, des
piquets, des outils, des bidons,¿marmites et sîaes, en un mot, tout ce
qui put se trouver à notre usage dans les magasins de l’armée.
La rade de Navarin est trop vaste pour que les gros temps n’y
fassent point ressentir leur influence. Elle n’est pas un port, à proprement
parler, et pour peu que le vent du midi particulièrement
souffle violemment, la mer y devient très-dure; son grand avantage
est l’excellence du fond et la sécurité qu’elle peut inspirer aux plus nombreuses
flottes.- Comme le temps était mauvais, la Cybèle fut cruellement
secouée, et le roulis nous y fatigua durant toute la nuit. Nous
l’eussions abandonnée dès le lendemain, mais il n’y avait point encore
-de logement à terre; il était prudent de ne point quitter l’aimable société
avec les vivres et le couvert que nous trouvions à bord, avant qu’on