trouve sur ce que je crois être un second bras du Pesili, sans pourtant
que je l’aie vérifié, et après l’avoir passé, on arrive sur le bord de la baie,
un peu au-dessus du point où la côte, cessant d’être formée par des
rochers abruptes, commence la plage de sable qui la termine en une
longue courbe, et qui dure jusqu’à l’escarpement méridional de ce Pylos
vers lequel nous nous dirigions. Parmi le sable calcaire et souvent bleuâtre
de cette plage étaient de nombreux morceaux de pierre ponce roulés,
depuis le volume d’un pois à celui d’une grosse noix; nous en retrouverons
de semblables dans toutes les expositions pareilles sur la côte de
Morée, et ils y viennent probablement de Santorin, que je regarde
comme le grand foyer d’où cette ponce a été lancée et roulée par les
vagues dans tout le fond de la Méditerranée. En cheminant au nord-
ouest, nous commençâmes à rencontrer aussi des ossemens humains
jetés par les flots avec des morceaux de bois à demi réduits en charbons;
débris persistans de la flotte ottomane détruite naguères. On commençait
à reconnaître ici l’emplacement du camp de la Djalova, dont il doit
être dit quelques mots après que nous aurons passé la rivière qui lui
donna son nom. En y arrivant, nous trouvâmes quelques cabanes où se
tenaient des pêcheurs grecs ; on passait tout auprès un canal qui se sépare
de la Djalova à un quart de lieue sur la droite, pour alimenter un moulin
de Saint-Spiridion, alors détruit, et dont les ruines se voyaient sur cette
route de Patras, que nous abandonnions avec la direction du nord,
afin de suivre le rivage en cheminant vers l’ouest. Alors se multiplièrent
à travers ces lieux marécageux et fétides des traces ovales, où l’herbe
n’avait point repoussé et qui subsistent quelquefois pendant deux ou
trois années, après qu’on a détruit les baraques ou les tentes qui les
causèrent. Je tuai ici des huppes, en tout pareilles à celles de France,
et non loin d’autres cabanes, parmi lesquelles se devinaient plutôt
qu’on ne les pouvait voir, des pans de murs, indicateurs de l’existence
d’un ancien village, nous arrivâmes à l’embouchure de la rivière; elle
était alors large d’une quinzaine de pas ; il fallut la passer à gué ; on y
avait de l’eau jusqu’aux reins. Cette rivière est appelée Kurbeh, dans
le plan de Smyth, et le village, dont nous retrouvions à peine les
traces, est son Jalova, qui était probablement débout lorsqu’un camp
arabe s’établit dans les environs; ce qui fit supposer que la rivière
s’appelait aussi Jalova. On doit prononcer Djalova. Smyth donne le
nom de Kurbeh à la rivière; mais Kurbeh, qui est synonyme de «ce
que les Français appelaient Khumbey ou - Koumbès, et que nous
croyons devoir écrire Koubeh ou Roubès, est proprement la prise d’eau
de l’aqueduc de Navarin, qui donne son nom au plateau élevé que traverse
la route de Tripolitza, ainsi qu’à la belle forêt où nous irons
bientôt camper, et qui s’étend entre le petit mont Saint-Hélie et le
Manglava, écrit Maglada dans la feuille Y de notre grande carte (voyez
atlas, 4.re série, Pl. III).
C’est vers l’embouchure de cette rivière de Djalova, dont l’origine traverse
effectivement le plateau de Koubeh, que la plus grande partie de
l’armée, commandée par M. le maréchal Maison, vint s’établir, après
avoir quitté Pétalidi, lieu moins insalubre, situé au fond du golfe de
Messénie. M. Roux, médecin en chef de cette armée, en a donné une
histoire médicale, que nous avons déjà trouvé occasion de citer (p. 435).
U rapporte que « vers le 4 4 Septembre on ne comptait encore au camp
« de Pétalidi, malgré l’intensité de la chaleur etles excès d’intempérance,
« que soixante-quinze malades, dont seulement trente-quatre fiévreux |
sur quatorze mille hommes dont se composait l’expédition; Le 45 on
se mit en marche sur Navarin; la brigade commandée par le général
Tiburce Sébastiani ayant pour son bonheur été envoyée sur Coron pour
en faire le siège au besoin, le train d’artillerie demeura seul vers Pétalidi,
parce qu’il y trouvait encore de l’herbe pour les chevaux. « Après une
« journée très-pénible, à cause de la chaleur, de la difficulté des chemins
« et de la rareté de l’eau, continue M. Roux, on bivouaqua à Khumbey
«. (Koubeh), et l’on y demeura jusqu’au 48, qu’on descendit en une
« marche de trois heures à l’embouchure de la Djalova, où fut établi
« le campement. p Le 3.e régiment de chasseurs avait été laissé dans la
position salubre des hauteurs , et n’y a pas perdu un seul homme par
les fièvres pernicieuses durant toute la campagne.’ Les troupes d’Ibra-
liim-pacha avaient naguères aussi campé à l’embouchure de la Djalova ;
une subite et effroyable mortalité les en avait chassées. Les traces de leur
séjour devaient être d’une dégoûtante fraîcheur; car en tous lieux où