Au-dessus de Dragomanoü, que domine vers le Sud-Ouest la crête
escarpée et calcaire du Diaforti, le Schiste bleuâtre tout fendillé dont
se cpmpose le sol, est souvent réduit en une sorte de poussière : des
Chênes, principalement de l’espèce duVellani, s’y multiplient, sans pourtant
y former une forêt; et c’est au milieu des pâturages qu ombragent
ces beaux arbres, que se retirent, en ete, plusieurs de ces familles de
pâtres nomades, dont nous avions rencontré quelques-unes au bord de
la mer dans les mois précédens. C’est encore dans cette région qu’habitent
en plus grand nombre que partout ailleurs ces Chats sauvages qui
semblent 'être le type de l’espèce, et dont on trouvera la description
avec la figure dans la partie zoologique du présent ouvrage1. On nous
reconnut pour ceux qui avaient tué un Chien, en allant a Mauzousta;
mais on ne nous en fit pas moins un bon accueil. Nous retrouvâmes
dans cette haute région cette jolie Hélène, qui n’avait pas voulu mettre
mes conserves vertes, mais qui nous présenta de la meilleure grâce du
monde et comme à d’anciennes connaissances, du lait exquis, avec
quelques fleurs de la Phlomide arborescente (n.° 773), qui étaient à
peu près les seules et les dernières qui dans cette saison s’épanouissaient
sur cet arbuste à une telle hauteur. Nous contournions la montagne, afin
de gagner son sommet par le côté occidental; mais il y existait également
un sentier direct par lequel est descendu Gell1, et que prit Yirlet. Après
avoir passé près d’une très-petite source, appelée Perdikonéro (fontaine
des Perdrix), et marché sur le haut d’une rampe rapide, au bas de laquelle
coulait un des premiers tributaires de la Néda, on laisse a droite, en
arrivant sur le Diaforti, à la cime d’un monticule distinct, un gros pyrgo
carré dès long-temps abandonné; quel tyran des pâtres de ces lieux y
put jamais habiter? La vue y est, à la vérité, des plus belle s le temple
de Bassæ contre les flancs du Cotylus, l’Ithome et l’Olénos s’y présentent
au loin dans toute leur majesté; mais on y est isolé dans les hautes
régions de l’atmosphère, sans eau ni végétation autour de soi. Le dernier
maître de ce repaire fut, dit-on, un brigand fort riche et fort avare,
qui s’y trouva un matin enseveli par les neiges hâtives d’un hiver rigoui
. Tome III, i.re partie, i " sect., pl. I."A de la 3.* série, — 2. Itinéraire, p. 45 de la traduc.
reux, tombées durant les heures de son sommeil : il fut retrouvé, avec les
soldats de sa garnison, mort de faim ou de froid au printemps suivant;
on ne dit point à quelle époque arriva cette singulière aventure. Au
Nord et en face du pyrgo, on gravit sur le point culminant de la montagne
entre des blocs calcaires éboulés, et c’est là que nous récoltâmes
quelques-unes des plantes les plus rares de notre Flore (n.os 187,
1182, etc.) ; nous y trouvâmes un signal de triangulation que M. Peytier
avait élevé quelques jours auparavant à 1420 mètres au-dessus du
niveau des mers. Dès la première antiquité on offrit des sacrifices à
Jupiter Licéen en ce même endroit, et nous fûmes étonnés de n’y pas
trouver quelque chapelle : la vue y est immense, on distingue jusqu’à
Zante dans le Nord-Ouest par-dessus les montagnes de Phanari, et au
Sud-Ouest, Arcadia par-dessus les monts de Bassæ; puis leTétrage, et
de l’autre côté de l’Alphée, trop enfoncé pour qu’on le puisse apercevoir;
le Lycée, avec tout le plateau anfractueux de l’Arcadie. On pouvait
de ce lieu comparer l’Olénos et le Taygète, qui s’élevaient couronnés
de leurs neiges et opposés l’un à l’autre, aux deux extrémités du tableau.
Prenant la direction de l’Orient pour redescendre, on voyage d’abord
dans une sorte de vallée longitudinale qui divise en deux le faîte du
Diaforti, et qu’interrompent de légers ressauts en manière de gradins ;
cette espèce de sillon, tout rempli de bonne terre, ressemblait à une
étroite prairie, tant il était herbeux; quelques espaces y étaient cultivés
et couverts de Seigle fort beau. Après une demi-heure environ de
marche, on arrive au faîte d’une coupure dont la pente est très-brusque,
ayant sur la droite un piton considérable, rougeâtre, tronqué au sommet,
que Yirlet escalada, et qu’il trouva avoir été évidemment aplani
par la main de l’homme; on l’appelle aussi Saint-Hélie, et c’est ce que
Gell paraît avoir pris pour le Diaforti. L’enfoncement que nous avions
à nos pieds, ressemblait passablement à un cratère; et là fut une ville
antique, oii je crois reconnaître la véritable et primitive Lycosure,
quelles que soient les autorités qui cherchent ailleurs les vestiges de cette
première des cités d’où les hommes seraient descendus dans le reste
du Péloponnèse, si l’on en croit l’antiquité. Je ne trouvai pas d’abord
« ces ruines d’un temple dorique en Marbre blanc, dont les colonnes