blables dans la chapelle riveraine, où se remarque entre les moellons
d’un mur, du côté de la mer, une belle volute ionique de Paros. Les
restes de l’un des plus grands châteaux du moyen âge qui soient en
Morée s’élèvent encore à Scutari, où l’on dit qu’un des aïeux de Dzanétaki,
attaqué par les Turcs, soutint un rude siège : les seigneurs qui
Font bâti et possédé ont dû être très-puissans.
C’est à la base de l’escarpement couronné par le village de Paléoka-
livia sur la langue de terre appellée eap Pagania, que, sur une indication
donnée par Dzanétaki, nous allâmes visiter les carrières autrefois
exploitées de ce Marbre qu’on nomme vulgairement Rouge antique;
divers échantillons que nous en recueillîmes, étaient veinés de vert
et passaient par toutes les nuances de coloration, de la teinte du sang-
à celle de la brique.1
De Scutari à Marathonisi, le canton appelé Trigonès est très-coupe,
mais fertile et populeux; de jolies plaines bien cultivées, et qu’on arrose
au moyen de puits à roues avec des godets, semblables aux norias de
Valence et d’Andalousie, s’y étendent entre des contreforts de montagnes,
qui se terminent au bord de la mer en caps plus ou moins
saillans et escarpés. Il s’y trouve des sources salées en plusieurs endroits,
et nous y reconnûmes successivement, avec les restes de plusieurs monu-
mens grecs, tels qu’un temple de Jupiter, l’emplacement d’Araïnus dans
Agéranos ou Géranos, et celui de Las où sont encore les vestiges de
vastes thermes construits en briques, et qui doivent conséquemment
dater des temps romains. Le premier de ces lieux n’est plus remarquable
que par l’un des pyrgos de cet Anton-bey de la famille Grégoraki(p. 560),
dont la Porte ne put parvenir à s’emparer après l’avoir déposé, et qui,
s’étant maintenu indépendant au milieu de ses domaines, avait laissé
un jeune fils, héritier de ses biens. Celui-ci, que j’ai connu vingt ans
après, s’est marié avec une fille de Dzanétaki, pendant que j explorai
le Magne.
A quelque distance dans l’intérieur, et dominant le fond de la conque
du port Vathy qu’arrose ce fleuve Sménus dont Pausanias remarque
« que les eaux sont si douces et les meilleures à boire, ” se voit Passava,
». Voyez planche X de la-deuxième série, fig. v a , b , | ■
forteresse délabrée du moyen âge, mais que M. Bucbon n’a pu reconnaître
" 111 dans les voyageurs, ni dans Pouqueville. ” Cependant la carte de
Gell, peut-etre dapres celle de M. Lapie, qui en avait deviné la position
avec son habituelle sagacité,-l’avait précisément mise en son lieu;
1 enceinte seule de la ville, dont Coronelli donne un plan, demeure en
son entier : elle consiste en un bon mur de pierres et de chaux, flanque
de petites tours carrées, au faîte d’un rocher de Marbre rougeâtre,
semblable a celui de Paléokalivia. Ce fut à messire Jean de Neuilly
qu’elle échut lors du partage d’Andravida, avec quatre fiefs de chevalier,
le droit de porter bannière et le titre de maréchal ’, transmissible
a sa Iignee. Guillaume de Yillehardouin, qui en avait ordonné la construction
pour entretenir ses communications militaires avec Vitylos et
le port de Mani ou Mayna, vint visiter Passava après la prise de Mo-
nembasie. Jean de Neuilly étant mort, ce fief important passa par le
mariage de sa veuve a ce Jean de Saint-Omer que nous croyons avoir
fondé Navarin (p. 126); et c’est ainsi qu’on vit des noms français
succéder dans le Péloponnèse à ceux de l’antique Grèce, pour disparaître
a leur tour dans la confusion de ceux à qui la barbarie et les
mélanges de tous les peuples du pourtour de la Méditerranée ont donné
un tour levantin, qui leur est maintenant propre.
En s éloignant de tant de ruines pour se rendre au Mavrovouni
( Larysius morts), on traverse, par le chemin de Marathonisi, le Bar-
douniapotamos, pris a tort dans la carte de Gell pour ce Sménus dont
nous avons tout-à-l’heure remarqué l’excellence des eaux ; il est le plus
important des fluvioles de la contrée, et descend d’Aguinavouni, prolongement
des flancs méridionaux du Taygète. Les cimes de cette mon-
tagne qui, tout éloignées qu’elles sont des bords de la mer par ce côté,
se présentent au voyageur dans leur plus grande pompe, resplendissaient
toujours de lumière, malgré la fonte de leurs neiges. La plaine, qui
s ouvre alors vers l’Orient,- est parfaitement cultivée partout où ne sont
point des pâturages reserves pour les boeufs de Dzanétaki, possesseur
du canton : elle représente le Migonicum des anciens; j’y observai à la
gauche d un torrent épuisé, bordé de Nérions fleuris, et près de la route,
b Chronique de Morée, p. i 4o.