rent, et sur plusieurs plateaux voisins, entre lesquels de profonds ravins
ont détruit toute solution de continuité, on rencontre des parties quelquefois
très-étendues, composées d’un calcaire grossier, ressemblant à
celui des environs de Paris. Ce calcaire n’est souvent qu’un dépôt de grains
aréniformes jaunâtres, agglutinés en pierre homogène, fort tendre ; mais
ordinairement il est pénétré de fossiles abondans et pressés. Il s’y trouve
des bancs horizontaux de quatre à six pieds de puissance, tout remplis
de grosses huîtres, de peignes, de?solens, de |mccardes, de cônes, de
buccins ,’ de vis et autres coquilles nombreuses, ou d’énormes pinnes
marines, pareilles à celles que nous avions mangées à Sapience, se
mêlent communément. Il est très-difficile d’extraire ces dernières du
sable humide agglutiné qui les enserre. Nous n’avons jamais pu parvenir
à nous en procurer d’entières , et celles qu’on a le mieux réussi
à détacher, se brisèrent à mesure qu’elles se desséchaient. MM. Yirlet
et Boblaye firent des récoltes considérables de tous ces objets, parmi
lesquels se trouvent plusieurs espèces nouvelles, qui feront le sujet de
deux planches réservées pour les coquilles fossiles dans la seconde série
de notre atlas.
Navarin étant le point d’oii nous devions partir pour le voyage de
Pÿlos, je m’y rendis dans la journée du 50, non par «la route accoutumée,
mais par les pentes occidentales »du Saint-Nicolo, dont la mer
baigne les bases escarpées. Arrivé par la plaine à l’entrée de ce vallon
abandonné, ou se voient les débris de la ferme près de laquelle le
marquis de Dalmatie m’avait rencontré quelques jours auparavant
(p. 57), je m’enfonçai sur la gauche parmi les rochers, en gravissant
jusqu’à l’origine du ravin, laquelle est tout près de la côte. Je cheminai
sur un terrain fort difficile, dépouillé de toute terre végétale, composé
de pierres âpres, à travers la confusion desquelles on ne distingue
qu’imparfaitement les assises dont la montagne est formée, mais ou je
reconnus des blocs d’un pouding que nous allons bientôt retrouver
par grandes masses dans toute la Messénie. J’avais déjà remarqué
que le col entre Modon et Navarin en paraissait composé, ou du
moins en offrait de nombreux quartiers. Je fus très-surpris en découvrant
un enfoncement herbeux où paissaient quelques brebis, et
qui, malgré que je n’y aie point aperçu de katabotron, porte tous
les caractères de ces bassins fermés, d’oii les eaux pluviales ne peuvent
s’écouler qu’à travers des conduits mystérieux. En regardant le flanc
de la montagne lorsqu’on longe sa base par mer, on ne saurait distinguer
ce bassin; il faut l’avoir visité pour en reconnaître la place
de loin : ce fut sur l’un des buissons de ce diminutif de la plaine de
Cujes et de Sapience que je tirai pour la première fois la pie-grièche
rousse, très-commune en Morée comme dans toutes les contrées chaudes
de TEurope, et le passereau, beaucoup plus rare en même temps que
remarquable par sa belle couleur citrine, que les ornithologistes ont
ballotté jusqu’à présent du genre bruant au genre moineau, sous le nom
de bruant ou moineau à tête noire. Notre collaborateur Isidore Geoffroy
Saint-Hilaire a fait représenter ce dernier oiseau dans la planche IY
de la troisième série de notre atlas ; il le fera enfin connaître avec
exactitude dans le présent ouvrage; je l’ai depuis retrouvé assez communément
perchant sur les arbustes aux lieux anfractueux; plus tard,
en me rendant de Petalidi à Nisi, je tuai sa femelle.
J’éprouvais de grandes difficultés pour rentrer dans le grand chemin
par le côté septentrional de la montagne, oii nulle trouvaille ne me
dédommagea de mes fatigues; à peine y croissait-il un brin d’herbe,
et l’on ne saurait même reconnaître entre les blocs arides dont la pente
est toute hérissée, la moindre trace d’un sentier de chèvres. Les vents,
les pluies, et les rayons d’un soleil ardent, désolent tour à tour, sans
obstacle, les escarpemens affreux où je m’étais engagé; mais on y jouit
d’un magnifique coup d’oeil, qui s’étend sur la baie de Navarin. Comme
on y est plus élevé qu’au point d’oii la vue gravée dans notre plancheYI
a été prise, on distingue dans le lointain jusqu’à l’île de Zante, distante
d’une trentaine de lieues vers le nord-ouest. Presque à mes pieds s’étendait
Sphactérie; cette île ionienne (p. 82), qui ferme du côté de
l’ouest le magnifique bassin dont j’admirais la rondeur d’azur, n’a nulle
part un quart de lieue de large , sur plus de deux lieues de longueur.
Très - escarpée, souvent même coupée à pic du côté intérieur , ses
pentes adoucies, mais fort pierreuses, s’abaissent à l’exposition du
couchant. Elle est déprimée vers son milieu, de manière à paraître