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temps la flexion du genou. Combien de vieux usages ont fourni le sujette
profondes dissertations, qu’une promenade sur les lieux où les traces s’en
perpétuent de nos jours, eut mieux fait connaître que le vain fatras de tant
d’érudition employée pour avoir le droit de s’asseoir dans un fauteuil vert?
Une longue serviette, brodée d’or, se développait autour de la table et
servait, à chacun devant soi, pour s’essuyer fréquemment les doigts,
avec lesquels on mange, à la turque, au lieu de se servir de fourchettes;
chacun apporte son couteau, et même sa coupe ou gobelet de métal,
qui pend à sa ceinture. Notre hôte nous donna cependant des couverts
en étain, et sa magnificence alla jusqu’à nous mettre plusieurs verres;
du reste, la chère fut copieuse, le vin très-bon, et l’on but frais.
Nous faisant des excuses sur ce que nous n’avions point d’argenterie, il
ajouta : «elle est absolument inusitée chez nous, il y a même des en-
« droits où il serait imprudent d’en étaler la richesse. Un capitaine des
1 environs de Tzimova qui fut un vaniteux pirate, et qui a v a i t trouve
des couverts en plaqué dans une prise, en fit la funeste expérience :
. il avait la folie d’étaler à tous les yeux ce qu’il croyait être de bon
1 argent; il fut à la fintiué avec tous les siens dans son pyrgo par
« des Albanais, qu’il avait invités à dîner, et qui, croyant enlever des
1 trésors, ne reconnurent plus tard que du cuivre dans ce qui les avait
« portés au plus grand des crimes.” Ce qui rendait l’action si noire aux
veux de notre philosophe maniote, était peut-être moins le meurtre dont
le vol se compliquait, que la violation de l’hospitalité. «Car, ajouta-t-il
en prenant une inflexion de voix lamentable, celui-là doit être maudit
” dans cette vie et dans l’autre, qui étend son bras contre celui dont il a
1 mangé le pain en joie et sous le même toit.” Où voit encore par la
tournure de cette moralité que les Spartiates d’aujourd’hui conservent
dans leur langage de ces tours sentencieux et apophthegmes si fréquemment
employés dans les écrits où l’on fait parler leurs aïeux.
Mavrico-Poulo, qui d’ailleurs passait pour un code vivant, et dont
la parole avait force de loi, tant il était instruit dans les traditions
et les vieilles coutumes, nous donna en outre sur l’histoire du pays
des renseignemens fort curieux, qui cadrent parfaitement avec ce que
rapporte cette chronique de Morée qu’il ne connaissait pourtant pas;
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il n’ignorait point que des seigneurs francs avaient autrefois dominé dans
toute la chaîne du Taÿgète, et beaucoup altéré les lois et les moeurs
primitives. « Depuis le tyran Nabis, nous dit-il, qui, pour opprimer
« Lacédémonia en sécurité, se forma une gardé de mercenaires étrangers,
« d’affreuses dissentions ont toujours affligé notre patrie, et achevé
« d’y détruire le peu qui restait des institutions auxquelles nos pères
« durent tant de renommée : il s’établit sur nous de méprisables despotes,
« sous le règne desquels accoururent des hordes du Nord et du Midi;
« des Sclavons particulièrement y vinrent exercer de grands ravages, et
« soit qu’ils trouvassent leur châtiment dans nos défilés, soit qu’ils em-
« portassent quelque butin de nos bourgades surprises, il en resta des
« familles qui, parvenant à s’enraciner sur notre sol, imposèrent leur
« nom à certains villages, où leur race s’est perpétuée en se mêlant aux
« 'aborigènes. Cest ainsi que vous ne reconnaîtrez plus cette Amyclée,
« qui fut un siège de la chrétienté, dans le Sclavokhorio, que vous
« explorerez nécessairement en allant voir Yarakhos; cependant Sparte
« (le Magne) demeurait indépendante de Byzance, et les despotes relevant
« de l’empire, ne dominaient que sur Lacédémonia dans le bassin de l’Iri.
« Yitilos, qui avait son archevêque, était notre chef-lieu, et nos pre-
« miers magistrats y tenaient les assemblées du peuple, quand il vint
« de vos contrées occidentafesKles nuées de guerriers, comme des sau-
« terelles vêtues de fer qui, sous prétexte de combattre le fauxMahom
« pour délivrer le sépulcre du Dieu vivant, tombèrent sur nos pères,
« chrétiens comme eux, et s’établirent princes de Morée. Ils ne péné-
« trèrentpas d’abord impunément dans nos gorges, Armyros d’un côté,
« Trinisa de l’autre, eussent suffi pour les arrêter; et même il y eut
entre eux et les nôtres une grande bataille aux passes des Mélinges,
« d’où faillit résulter une haine de vindicte inextinguible; mais ils sen-
« tirent qu’il valait mieux traiter que de combattre, et firent des alliances
« avec les principaux du pays, métamorphosant en châteaux et pyrgos
« imprenables les habitations des chefs de famille chez lesquels ils par-
« vinrent à prendre femmes. C’est ainsi que l’un d’eux fortifia Zamate;
« l’autre, Passava; celui-ci fonda Mistra; celui-là Mayni, et peu à peu
« nous nous trouvâmes enlacés par cent boulevards. Alors nous nous