ne fussent pas absolument inhabitables, encore la plupart menaçaient-
elles ruine, et ne se soutenaient qu’à force (fêtais; le reste s’était écroulé
en obstruant presque tt&us les passages. Les charpentes, les poutres, les
planchers des maisons détruites servaient au chauffage des voisins. Le
génie avait été obligé d’en faire démolir un grand nombre, tant pour
déblayer les lieux et les assainir, que pour prévenir les accidens, plusieurs
habitations s étant abyméés aux premiers temps de l’occupation
sur les soldats qui s’y étaient ^imprudemment établis. On découvrait
souvent dès cadavres entre les vieux murs, sous des tas de décombres,
et jus que s dans les puits ou les tuyaux des cheminées de cuisine;
une odeur infeçte venait parfois dénoncer l’existence dç ces horribles
restes dans quelque recoin d’un logement que le nouvel occupant
achevait de réparer. Des monticules de pourriture de tout genre,
croilB8èsant au mi^eu de la boue verdie par ce qui restait d’eaux
stagnantes de la, saison pluvieuse, infectaient de petites rues latérales
que le commandant de la place faisait peu à peu nettoyer, élargir, ou
même détruire, pour que la peste ne vînt pas à s’y développer. Le
conseil de guerre siégeait dans la maison que s’était arrangée cet officier;
et le lieu de ses séances était une grande chambre où du temps d’Ibrahim
furent joués des vaudevilles de la rue de Chartres. Deux ou trois de
ces vagabonds j qui , abjurant tout sentiment d’honneur français, s’étaient
mis au service d’Egypte contre les Grecs, conçurent l’idée de divertir
le Pacha par un spectacle nouveau, lorsque, fatigué de répandre le
sang des habitans de la campagne, ce barbare rentrait dans son repaire
de tigre pour s’y préparer à de nouveaux^massacres. Un tréteau,
construit en planches et décoré par des toiles grossièrement barbouillées
en manière de décoration, fut le théâtre, ¡^ont on nous a montré quelques
plans de coulisses, ainsi que le rideau, où se voyait un grand croissant
couronné de lauriers par les mainstTune victoire horriblement dessinée;
derrière l’espace où la cour noire et blanche d’Ibrahim était admise
comme public, on avait réservé, en manière de tambour, une galerie
d’où les femmes de Son Altesse pouvaient voir la scène sans être vues
des spectateurs. Ce genre de divertissement obtint le plus grand succès,
les officiers de l’armée turco-égyptienne briguaient l’honneur d’y être
admis; mais on assure que ceux des inventeurs qui, dans l’impossibilité
de trouver des actrices, s’étaient chargés des rôles de femmes, durent
parfois se prêter à continuer la fiction après la .pièce, les -Musulmans
étant à cet égard brutaux et sans aucune honte. Il n’est peut-être pas
un adolescent grec, même!;parmi les plus hautes familles, qui, sous la
domination des Turcs, n’en ait subi l’expérience, si l’on s’en rapporte
au savant auteur d’un excellent livre que j’ai sous les yeux. 1
Quand Ramon Muntaner, qui -avait d’abord relâché à Sapience,
probablement habitée de son temps, toucha dans le port eifÂ309, on
l’appelait Moto ; les galères y prenaient des rafraîchissemens en y
renouvelant leur eau*. A l’époque où Pellegrin y vint en 4748, la
France avait dans la ville un agent consulaire, mais il n’en existait
plus un siècle après; et lorsque M. de Châteaubriand y débarqua en
4846, ce fut un vice-consul d’Allemagne (d’Autriche sans dou|g) qui
lui donna l’hospitalité. « Ce vice-consul logeait au faubourg grec, dans
« une mauvaise baraque de plâtre, où les aboiemens des chiens de
« Laconie, et le bruit des vents de l’Elide ne me permirent pas de
« fermer les yeux3; | ainsi s’exprime l’illustre pèlerin:
Il n’existait plus de baraque de plâtre à Modon lorsque nous y sommes
venus, et je crois même que le plâtre n’a jamais été employé en Grèce,
où, minéralogiquement parlant, je doute qu’il s’en puisse exploiter.
Quand il nous a été impossible de goûter un sommeil réparateur après
de fatigantes excursions dans le midi de la Messénie, ce ne sont pas
précisément des chiens de Laconie, dont on ne se sert nulle part en
Morée de préférence aus*chiens du canton, ni les vents de l’Élide, qui
ne pourraient passer par-dessus deux grandes et hautes séries de montagnes
interposées, qui nous empêchèrent de dormir. Nos insomnies
eurent simplement pour causes les piqûres brûlantes de punaises et de
puces altérées de sang; ces exécraMes insectes sont le fléau des »nuits;
dans tout l’Orient; ils abondent dans les maisons les mieux tenues, où
1. Histoire des Fanariotes, par le docteur Zallooj, ancien médecin du grand-visir,.Paris,; iS3o ,
2 ,e éditÎQn, in-8.°
2. Chroniques catalanes, ch. CCXXXVDI, édition de Buchon, t. Et, p. 245.
3. Itinéraire de Paris à Jérusalem. OEuvres complètes, t. VIII, p. 16.