l’armée égyptienne s’arrêta, des cadavres à demi enterrés, les ossemens
des bêtes qu’elle avait dévorées et des guenilles infectes jonchant le sol,
témoignaient de son passage. Au bout de quelques jours seulement les
troupes purent être entièrement baraquées; le temps devint pluvieux
dans la nuit du 4 5 au 4 4, les cabanes furent inondées* la fièvre sévit alors
dans tous les rangs : ce fléau n’avait encore enlevé que vingt-huit malades
dans les derniers jours du mois; mais on en comptait déjà plus de trois
cents le 30, quand le train d’artillerie, rappelé de Pétalidi, vint grossir
le funeste camp. Sous Coron, oii n’étaient point de marais, on n’avait
guère perdu que trois soldats. Nous renverrons le lecteur à l’ouvrage
de M. Roux, où le chiffre de la mortalité n’est pas très - clairement
indiqué, mais dans lequel sont décrits avec soin les symptômes de la maladie
, avec l’indication des moyens qu’on employa pour la combattre et la
dompter enfin. Elle continua cependant à faire d’horribles ravages,
même après que les troupes, ayant quitté la position meurtrière, où elles
furent comme imprégnées d’un germe de mort, occupèrent Patras, Modon
et Navarin. Des hôpitaux, augmentés à la hâte, offrirent un âsyle
moins dangereux aux malades dans ces diverses villes. Le zèle que
montrèrent les officiers de santé en cette triste occasion, fut infatigable,
et plusieurs succombèrent à la contagion qu’ils bravaient pour soulager
l’armée. La Réglisse ( Glycyrrhiza glàbra, L., n.° 4044 de la Flore)
est excessivement commune dans tout le vallon de la Djalova, où ses
grosses racines saillent en traînant à la. surface du sol. Cette plante salutaire
fut d’un grand secours dans la circonstance et fournit abondamment
la tisane dont les médecins ordonnaient le fréquent usage.
Nous apercevions vers le nord, entre la Djalova et la base des hauteurs
qui bornent l’horizon, une zone dorée, ou plutôt comme une longue
écharpe jaunâtre, étendue un peu au-dessus du sol; cette apparence
venait des nombreux Roseaux desséchés dont se couvrent les bords du
grand étang près duquel nous arrivions, mais qu*on ne pouvait, à cause
des Roseaux mêmes, distinguer des lieux inférieurs où nous cheminions.
Cet étang est séparé de la baie par une langue de terre basse et sablonneuse
, sur laquelle nous nous engageâmes bientôt; il est appelé lac
d’Osman-Aga, et peut avoir une forte demi-lieue de l’est à l’ouest suT
un peu moins de largeur du nord au sud ; plus profond dans sa partie
méridionale, vaseux, fourni d’herbages dans son pourtour septehtrional
principalement; on n’en saurait parcourir les bords sans risquer dë s’y
perdre à travers les boues que recouvrent des mattes tremblantes , formées
par l’entrelacement des racines de Roseaux, de Scirpes et de Joncs.
C’est là que j’ai tiré de belles Aigrettes blanches; de plus heureux chasseurs
ont tué aux mêmes lieux dés Pélicans et même des Phoenicoptères.
Ces oiseaux, avec plusieurs espèces de Canards, y sont assez communs,
à Ce qu’ôn nous a dit, vers certaines époques de l’année. J’y aperçus
aussi des Plongeons; mais je ne sus m’en procurer un seul, n’ayant pas
trouvé de bateau avec lequel je pusse parcourir la surface du lac pour
leur donner la chasse. La langue de terre qui sépare l’étang de la courbe
septentrionale de la baie de Navarin se rétrécit à mesure qu’ôn s’y
enfonce; des Sentiers incommodes s’y sont creusés entre les végétaux
maritimes pareils à ceux qui donnent une physionomie particulière à
ce que sur nos côtes de France on appelle des prés salés. Les traces d’un
aqueduc s’y reconnaissaient; je les suivis à travers les broussailles pendant
une demi-heure environ : elles cessèrent quand nous arrivâmes aux
bords fangeux d’un chenal, qui met en communication la baie avec
l’étang, et qui, se fourchant en delta du côté de celui-ci, baignait la
baraque d’un pêcheur, qui avait établi ses palissades de roseaux tout
à l’entour. Je décrirai, lorsque nous arriverons à Napoli de Romanie,
la manière de prendre le poisson par le moyen de ces sortes de cloisons
légères et mobiles qu’on emploie beaucoup chez les Grecs. L’occasion
était bonne pour se procurer ici les poissons du lac; mais je ne pouvais
tout faire moi-même, et je n’obtins pas qu’on cherchât à les prendre;
cependant notre cuisinier, faisant à sa façon les fonctions d’ichfyologiste,
nous apprit le lendemain, par les Céphalo qu’il nous servit à dîner avec
une Murène achetée chez le maître de la pêcherie, que la Murène et le
Muge le plus répandus dans les mers voisines, se plaisenfcdans les eaux
saumâtres qui baignent les bases de Paléokastron ou Yieux-Navarin.
Un pont en pierre, composé de deux arches dont la montée n’avait
pas dû être moins rapide que celle des deux ponts que nous avions traversés
dans la matinée , servait jadis à passer le chenal. Il avait été