former deux îles quand on la voit sous un certain aspect; il s’y trouve
conséquemment deux principaux pics, dont le septentrional, que nous
mesurerons dans le chapitre "suivant, est le plus élevé au-dessus du
niveau de la mer.
Le renom de Sphactérie remonte à quatre cent vingt-cinq ans environ
avant l’ère chrétienne, et date »d’un massacre. « Il est assez'ordinaire,
« dit Pausanias *, que des lieux obscurs deviennent tout à coup célèbres
« pour avoir servi de théâtre aux jeux de la fortune dans quelque
« événement considérable : ainsi le naufrage d’Agamemnon et des
« guerriers qu’il ramenait de la guerre de Troie, a rendu fameux en
« Eubée le promontoire de Cépharée, jusqu’alors ignoré; c’est encoire
« ainsi que Psyttalie est aujourd’hui connue par la fin tragique de ces
« quatre cents Perses qui avaient fait une descente sur cette petite île,
« à l’opposite de Salamine. Il en est*- de même pour Sphactérie : la
« défaite des Spartiates a tiré cette île de l’obscurité où elle était , et
« l’on y voit encore dans la citadelle une statue de la Victoire que les
« Athéniens y ont laissée pour monument des avantages qu’ils y rem-
« portèrent. ” Strabon ajoute8 que les Lacédémoniens y perdirent trois
cents des leurs. On peut lire dans l’histoire de la guerre du Péloponèse
par Thucydyde3 les détails de cette première bataille de Sphactérie, où
les assiégés se trouvèrent réduits aux plus affreuses extrémités. On a
remarqué4 que ce furent les frondeurs de Naupacte, Messéniens d’origine,
qui, dans cette occasion, assommèrent impitoyablement les Spartiates
qui se laissaient prendre, prétendant venger ainsi leurs pères
des maux soufferts au temps de la chute d’Ithome et d’Ira. L’île était
alors très-boisée; elle est maintenant complètement dépouillée, on n’y
trouverait pas un buisson de trois pieds de haut. Les vents d’duest qui
s’y font ressentir sans obstacle, forcent la végétation à se coucher contre
le sol rocailleux. Quelques bergers en afferment la pâture durant deux
ou trois mois d’hiver. Quand la dent des moutons et les rayons du
ï . LU. IV, cap. 36.
u. ¿{¿.VIII, cap. 4, S* l i .
3. Lit. X et XI.
4 - Pausanias, lié. TV, cap. 26.
soleil printanier ont passé à sa surface, il n’y existe plus une feuille.
Je descendis sur ce long amas de rochers avec M. Dubois, dans les
premiers jours de notre arrivée. Il s’y voyait alors quelque peu de
verdure, mais nous n’y rencontrâmes pas le moindre vestige de cette
citadelle où les Athéniens avaient placé une statue de la Victoire. Les
débris de quelques batteries élevées à diverses époques vers la pointe
méridionale de l’île pour défendre l’entrée de la baie au moyen de
feux croisés avec ceux dès forts de terre-ferme, et les ruines d’une
chapelle du moyen âge, nous parurent être les seules traces qU’eussent
laissées des hommes dans cette solitude. Rien ne légitimait à notre sens la
célébrité de Sphactérie, quand des ossemens blanchis, mêlés aux décombres
épars de la vieille église, frappèrent nos regards et nous remirent
en mémoire que nous foulions une terre fameuse par les flots de sang qui
la rougirent; terre dont le nom indique toujours l’époque d’un massacre
quand il reparaît dans l’histoire. Ces ossemens rendaient témoignage
contre ceux des chefs de la Grèce moderne, dont l’incapacité et la mésintelligence
compromirent la sainte cause de I’indépendanÆ lorsqu’au printemps
de 1825 l’armée turco-égyptienne vint assiéger Navarin. Je trouve
ce qui concerne le charnier accusateur, que nous avions sous les yeux,
raconté en ces termes dans un ouvrage1 où les détails rappellent singulièrement
ceux que nous a conservés Thucydyde, touchant la fin tragique
des Lacédémoniens sur la même place. „Au lieu de profiter de la terreur
« que sa présence avait répandue pour prendre Navarin par un coup de
« main, Ibrahim, après être débarqué à Modon, s’amusa à préparer un
« siège.... Le brave Tsamados, qui commandait une division aux ordres.
« de Miaulis, fit un débarquement sur Sphactériè, et y plaça quelques
« pièces de canon de ses bâtimens, afin de protéger l’entrée et la sortie
« du port; des marins, pris dans ses équipages, furent chargés de la
« défense de ce poste, qui fut abondamment approvisionné (Je vivres
„ et de munitions de guerre; Anagnoste-Papa-Georgis, ministre de la
« guerre,, fut en outre chargé de s’y établir avec douze cents hommes....
« Un corps de six mille cinq cents Roméliotes et Souliotes, commandé
x. Mémoire« historiques et militaire^ etc., par M. Jourdain, t. H, chap. X.