gea sur Coron par le chemin que nous venions de suivre, le gros de
l’armée se porta sur les bords de la Djalova.
Sur les hauteurs qui dominent Pétalidi, ou l’on*rç>onte le long de
pentes assez douces par un chemin passable, sont les ruines de Coroné;
leur emplacement était couvert d’épaisses moissons qui commençaient à se
dorer, et qui nous en dérobaient la plus grande partie. Nous y trouvâmes
d’abord les débris de plusieurs constructions des temps byzantins à
peu de distance les unes des autres, qui doivent avoir appartenu à de
petites églises ou chapelles d’un genre fort extraordinaire auquel je
ne saurais rien comparer de ce que j’ai vu ailleurs ; les murailles de la
moins détériorée, contre lesquelles croissaient des arbustes au milieu
d’un champ de blé, se composent d’assises alternatives de galets bruts,
joints par du ciment, et de tuiles très-courbes, posées longitudinalement
les unes sur les autres, les bords de celles d’une rangée supérieure
portant sur le dos au milieu de la partie convexe de celles de la rangée
d’au-dessous, de manière à former un travail à figure écaillée, et semblable
aux balustrades à jour dont sont environnées les terrasses de
quelques maisons très-modernes de Paris.1
Plus haut sont des décombres tantôt épars, tantôt disposés en tas
alongés, sur lesquels un peu de végétation s’est établie; dans le voisinage
de l’un de ces tas, nous trouvâmes abattue et gisant sur le dos une
statue, d’un quart environ plus grande que nature, en beau Marbre
blanc, à laquelle manquaient la tête, les mains et les pieds; son corps
était assez bien conservé, avec des draperies largement plissées de fort
bon goût; ce fut peut-être une Muse; sur un gros bloc voisin de Marbre
non moins beau était une large palmette sculptée, qui pouvait avoir
dix-huit pouces de haut; d’autres fragmens, qui semblent avoir appartenu
au plafond d’un temple, gisaient épars çà et là. Nous remarquâmes
encore deux grandes pierres soulevées de trois pieds au moins sur huit
pouces d’épaisseur avec une plaque de Marbre blanc à moitié enterrée
i . On essaie d’en donner ici une idée, en disposant convenablement des parenthèses :
Quelquefois on a employé de grandes briques très-dures, un peu courbées et minces, pour produire
à- peu près le même effet; quelquefois aussi les espaces quadrilatères compliqués de courbes,
laissés entre les briques et les tuiles, sont bouchés avec une pierre grossièrement arrondie et du
mortier.
et toute couverte de Lichens crustacés grisâtres, qui ne nous empêchèrent
point d’y copier l’inscription dégradée, que voici:
I I0A I2
AH EIÏIXAPE02
ÏIOATTA2 ETEPrETAN
. . 2ENEKEN KAI ETNOIA2
2EN0NAIA TEAEEI2 ATTAN,
Nous vîmes aussi tout près de la statue, quelques autres restes qui
peuvent bien avoir appartenu à des tombeaux; enfin, plus haut et contre
l’escarpement du ravin oii le plateau se terminait brusquement, nous
découvrîmes les fondations de la muraille d’une acropole qui, presque
partout, ne s’élève plus guère au-dessus du sol, mais ou l’on voit de
grosses pierres en carrés longs, solidement ajustées, comme celles des
remparts de Messène, avec les soubassemens de fortes tours carrées de
distance en distance. Quelques paysans, que nous rencontrâmes ici,
nous montrèrent au fond du vallon brusquement enfoncé, qui bordait
Coronis du côté du Sud, et le long duquel se continuent les murailles,
un endroit ou beaucoup de Grecs et de Turcs perdirent du temps et
de l’argent à faire des fouilles, dans l’espoir de trouver de grands trésors
que les habitans de la ville antique ont dû y enfouir. C’est à partir
de ce point, où l’on peut descendre par une brèche pratiquée dans
l’espace contenu entre deux des vieilles tours rasées, que nous vîmes une
chose fort étrange qui, depuis trois ou quatre jours, attirait l’attention
générale; on accourait de dix lieues à la ronde pour s’en entretenir, et
nous ne sommes pas plus que le reste des curieux parvenus à nous
l’expliquer : les blés fort hauts ou l’herbe, sur près de douze cents mètres
de long et trois de largeur, étaient couchés et foulés dans une ligne du
Sud au Nord, comme si une colonne d’infanterie, traversant le plateau,
y eût tracé une route; je n’avais jamais rien vu de pareil qu’aux armées,
où les troupes sont quelquefois obligées de traverser des champs ou
des prés, dans lesquels leur piétement demeure marqué. Les uns disaient
qu’une légion de diables ou de fantassins avait sans doute passé en ce
lieu durant la nuit; d’autres, qu’un énorme serpent y avait rampé et
laissé la marque de son vaste corps. Nous demandâmes si les laboureurs