aperçoit sur la gauche et sur la droite plusieurs hameaux, appelés
Àrméni, Pétriniadès ou Katiniadès, Ardini, Phanari, Saint-Dimitri,
Hadji-Békivi, Drasiroglou, etc. A partir de Gérakada, ou n’étaient
que trois ou quatre maisons, le pays se découvre, et bientôt commence
un pavé vénitien assez bien conservé : on passe contre un cimetière clos
de murs, sur la droite, et dans le milieu duquel se faisait remarquer
le monument d’un officier supérieur d’artillerie, que l’armée française
venait de perdre. Non loin de ce lieu funèbre la roche dénudée
dont se compose le sol, est remplie d’excavations, témoignages de
l’existence d’un autre cimetière, mais des plus antique, et dont les tombeaux
ont été violés à diverses époques; on trouve aussi à proximité,
sur le milieu du plateau à l’extrémité duquel est la ville, les parapets
d’une batterie dirigée contre la citadelle, lors de l’échauffourée de 1770,
et quand Théodore Orloff, parti de Yitilos sur des vaisseaux russes,
vint avec les Maniotes attaquer la place où son frère Alexis le rejoignit.
On doit consulter Rhulières 1 sur les événemens qui ensanglantèrent
alors la Messénie. Cette batterie est indiquée sur le plan particulier de
Coron, gravé dans la feuille 5.e de la belle carte de M. le colonel La-
pie, et qui donne une idée fort exacte des lieux. Coronelli9 avait le
premier publié un plan de la même forteresse, en y joignant un tracé
à plus grands points de l’enceinte et de ses tours. C’est d’après ces
matériaux que Bellin a dessiné la planche 40.e de sa description géographique.
Nous entrâmes dans la ville, après en avoir longé les murailles septentrionales,
par la porte qui est de construction vénitienne et qui en
occupe à peu près le milieu (voyez planche XXX, fig. 2). MM. les
architectes ont reproduit la même porte, prise d’un peu plus haut,
avec la fontaine desséchée qui en est voisine. Coron, où M. Boblaye
pense retrouver Asiné, ainsi que nous l’avons dit plus haut4, est pour
Danville le Colonis ou Colonides dont Pausanias raconte5 que les
habitans se prétendaient Athéniens d’origine et non Messéniens; ils
i . Anarchie de Pologne, t.-III, p. 370 et sniv. :— 2. Description de la Morée, i .,e partie,
p. g3. — 3. Golfe de Venise, 2.* part., p. 200. m- 4- Page 317; voyez aussi la carte II de rçotre
première série. *— 5. Lib. IV, cap. 34*.
ajoutaient que Céloenus, en les emmenant d’Attique, avait suivi une
Alouette, qui servit de guide à l’émigration. MM. les architectes ont
trouvé, parmi les matériaux de quelques constructions modernes, un
chapiteau antique, représenté dans l’une des figures de leur planche 17.e,
où des oiseaux mutilés se reconnaissent sous les quatre volutes : n’y
auraient-ils pas été sculptés en mémoire du pilote ailé des fondateurs ?
Je suis tenté de croire que la cité primitive n’occupait pas précisément
l’emplacement où est celle d’aujourd’hui. Nous pensons en avoir
retrouvé la position sur le prolongement du cap qui forme un petit
plateau, appelé le rocher dans le plan de Bellin, à l’Est, au bas et au
devant d’une sorte de tenaille flanquée de deux tours rondes, qui
couvre le centre des murailles orientales; ce plateau calcaire, au pied
duquel sont de nombreux fossiles, où se remarque un banc inférieur
de fort grandes Huîtres, et qui est escarpé dans son pourtour, est
maintenant couvert de végétation. Là sont d’innombrables fragmens
de poterie presque réduits en terre meuble, à force d’avoir été brisés
par la culture : des morceaux de brique sÿ mêlent en quantité, et l’on y
trouve des citernes, la plupart rondes, mais dont quelques-unes, carrées,
sont indiquées dans l’une des vues de Coronelli. Les parois en étaient
enduites d’un ciment tellement bon que l’eau s’y conservait encore; mais
comme leurs voûtes se sont défoncées, et que des Mauves et des Chrysanthèmes
touffus en cachaient les bords, elles étaient fort dangereuses.
On reconnaît sur les rochers riverains des marches taillées, par où l’on
descendait probablement au port.
Bellin, induit en erreur par Coronelli1, lequel avait été probablement
trompé par la similitude des noms deCoronis et de Coron, rapporte à
cette ville moderne ce que les anciens disent de celle dont nous visiterons
demain les remparts au-dessus de Pétalidi. « Du côté du Midi,
« ajoute le cosmographe vénitien, se trouve le faubourg d’environ cinq
* cents maisons.§ Ce faubourg ou la ville grecque, qui était situé le
long de la mer au pied de la place turque et parmi les décombres duquel
nous campâmes, est au contraire du côté du Nord. Il n’y restait
plus une habitation debout : on y voit les vestiges d’un môle antique,
l . Loc. cit., i .re part., p. 93.