qu’on l’a dit plus haut, léf hauteurs d’Alger à l’Afrique, la Morée à
la Grèce, une île d’Hyères à la Provence, Gibraltar à la péninsule
Ibérique. L’Angleterre et la France, la Sicile et la Calabre, seront à
leui^tour des prolongemens les unes des autres : ainsi le commandent
les lois qui régissent les courans et les dépôts de la mer à la surface
dti globe.
Le fracassement de la côte de Gâlabre, qui semblait comme suspendue
sur la*Cybèle, en un point ou notre frégate s’en rapprocha presque
à portée de pistolet, ayait un air trop récent pour qu’bn n’y reconnût
pas un effet de l’épouvantable tremblement de terre qui, en 1785,
causa tant de désastres dans le midi de l’Italie. Ce tremblement de terre
ravagea aussi les parties orientales de la Sicile; les villes de Messine et de
Reggio, sur des deux rives opposées du détroit, furent alors renversées
de fond eh comble. Les premières secousses s’en firent sentir le 5 Février,
un peu après midi,.et se renouvelèrent, à de très-petits intervalles de
temps, durant plusieurs mois. Des sommets de montagnes s’abymèrent
sur leur axe^de manière à devenir des plateaux ou des eiifoncemens; des
valloift se comblèrent par la chute de leurs propres parois, et de grands
quartiers de ferçe se détachant de la côte, en glissant sur les escarpemens
qui résultaient de leurs cassures, entraînèrent dans la mer des villes
riveraines, en obstruant plusieurs des ports Voisins**Au seul lieu appelé
Sciglio, dont on nous montra l’emplacement, deux mille sept cents*
personnes avaient été englouties av»ec leurs demeures; la terre changea
de face, et cependant aujourd’hui de nouvelles habitations se sont
élevées sur ce qu’oiiipourrait appeler le cimetière des anciennes, sur ce
même sol tout miné, qui, d’ûn moment à l’autre, peut s’entr’ouvrir
encore*comme un vaste tombeau.Xe Calabrais èt le Sicilien se sont habitués
à cette idée; ils bâtissent et ils dorment paisiblement sur les pentes
mêmes des volcans où se préparent des éruptions dévastatrices; mais
ahssi la terr^n’y refuse rien à leurs besoins ; le tiel y est serein, et comme
ils n’y âperébivent pas l’épée de Damoclès suspendue sur leurs têtes, ils
né songent point aux feux d’un véritable enfer qui, soüs leurs pieds,
creusent res abymes où d’ifn moment à l’autre ils seront engloutis.
On évaluécà près de soixante mille les victimes du tremblement de
terre de 1783; il «y en eut seulement trçpte mille à Lisbonne, dans
celui de 1755.
Peu après Pitzio, en face de la pointe du phare, s’élève un promontoire
à la base duquel existe, du côté du nord, un enfoncement circu?
laire entouré d’escarpemens affreux : nous en approchâmes «assez pour
y distinguer l’agitation extraordinaire des flots provenant d’un fort
remous; il en sortait un mugissement sinistre »qui parut à plusieurs
aussi fort que le bruit des vagues poussées par une tempête^, contre
des récifs, et pourtant la mer était aussi calme que le ciel était serein.
Cet enfoncement écumant et mugissant était le gouffre où* des
chiens dévorent de tepips immémorial la malheureuse Scylla. Depuis
bien des siècles les poètes répètent ce vieux conte, dont l’origine doit
remonter à l’époque des premières navigations, qui se faisaient avec
de frêles embarcations le long du rivage. Les esquifs de* ces, premiers
temps devaient se trouver souvent entraînés par le remous, qui a pu
diminuer de violence à mesure* que la baie où il se forme a diminué
elle-même d’étendue. Des éboulemêns de terre, si fréquens entre le
Yésuve et l’Etna, ont comblé une partie du trou, qui maintenant
n’aurait pas même un nom sur les cartes les plus détaillées, si la
mythologie ne s’était chargée de sa célébrité. Ce sont les débris des
montagnes environnantes gui, descendus au fond de Scylla, y forment
sous l’eau ces rocailles entre lesquelles jaillissent dé continuels torrens
d’écume ; mais, lorsque le nom de Scylla s’est transmis jusqu’à ce jour
au lieu même où l’antiquité l’attachait, je ne crois pas qu’on trouvât un
marin quiait entendu parler de Charybde ou qui pût indiquer vis-à-
vis où se trouvait l’écueil antiquement désigné par ce nom. Sur le côté
septentrional du gouffre est un très*gr^ village, qui pourrait même,
par la quantité des maisons blanches qui s’y font remarquer sur un
sol noirâtre, être qualifié de ville. La partie inférieure au bord de la
mer présentait plusieurs rues au-dessus les unes des autres, jusqu’à ce
que, l’escarpement de la côte devenant trop brusque poui*qu’on ait pu
y adosser d’autres habitations^ un chemin diggonal s’en élevait pour
arriver à un second étage de maisons nombreuses, entassées sur un
plateau dominé par une haute montagne coupée à pic.