évidemment à l’époque où furent élevés les remparts de Messène; ce sont
de grosses pierres en carré long, qui semblent porter le cachet d’Epami-
noiidas. Le plan et les vues qu’en a donnés la section d’architecture
(T. 4 .er, pl. 48), nous dispensent d’en faire la description ; il suffit de dire
qu’il se compose d’une arche à trois piles, reposant sur les trois angles de
terrain du confluent de deux rivières, et que la route que nous suivions
s’y fourche pour aller par la droite à Mavromati, et par la gauche dans
la basse Messénie. Je me rappelle en avoir vu un du même genre, jeté
au point où se croisent deux canaux de Flandre, dilhs les environs de
Dunkerque, et sous lequel j’ai passé en barque. Gell, qui donne du pont
triangulaire une idée fort juste en peu de mots1, le compare a celui de
Crowland dans le Lincolnshire.
Ayant passé ce pont singulier, et laissé successivement à gauche la
route de la plaine supérieure qui conduit en Arcadiè, celle de Calamata
ou des bords de la mer par Géféremini, bourg considérable, et le fleuve
qui descendait au Sud, nous tournâmes le dos à la fertile Sténikléros,
pour nous acheminer vers le village de Belzi, en remontant la petite vallée
du même nom, creusée au nord de l’Ithome: nous vîmes d’abord un peu
au-dessous du pont un moulin mentionné par M. de Pouqueville9, qui
paraît avoir réellement passé en cet endroit et avoir suivi la gorge dans
laquelle se resserre ensuite la Pirnatza. Gell a de même pris la direction
du Sud pour monter à Messène, où il arriva par la panagie des.Cyprès.3
Ayant d’abord cheminé à travers des prairies, et ensuite laissant sur un
monticule à droite Bèlzi avec ses douze chaumières, nous commençâmes
à gravir les bases de l’Ithome, pour gagner diagonalement le prolongement
qu’il projette vers le Nord-Est et qu’il était question de doubler,
parce que le reste de la montagne est inaccessible par le côté d’où nous
i . Le voyageur anglais y passa en venant de Constantino à Mavromati, et le signale en ces mots :
«A trente-deux minutes d’Alitouri (p. 24 de la traduction française) l’ancien pont très-singulier
porte sur une pile qui forme le centre de deux rivières. De ce centre partent des arches qui conduisent
aux trois .pointes de terre formées par le confluent; de là vient qu’on le homme le pont
triangulaire. Le pont primitif parait avoir été construit par le rapprochement de plusieurs blocs
sans voûte et devait être d’une très-haute antiquité : deux pierres restent encore hors de l’eau,
dont l’une est fort considérable.a J’ai aussi vu ces pierres, qui paraissent venir de quelque écroulement
ou d’une plus grande largeur qu’avait peut-être un pont antérieur.
.2. Tome VI, p. 38. ^ 3. Itinéraire de Constantino à Mavromati, p. 25.
venions i des arbres, entre lesquels se distinguaient des Pins, y croissaient
au milieu des éboulemens sur des pitons coniques assez nombreux, disposés
sans ordre, se surmontant les uns les autres et semblables à de
grands tumtili; sur des gradins couronnés de pelouses paissaient quelques
troupeaux, dont nous entendions parfois, au-dessus de nos têtes, aboyer
les gardiens vigilans. Vourcano est le nom qu’on donne aujourd’hui au
sommet tronqué qui portait dans l’antiquité celui de l’une des deux
nourrices de Jupiter. Après une forte demi-heure de marche fatigante,
ayant passé par une cassure de roches dissimulée par des arbres, nous
tournâmes assez brusquement à gauche, et continuant à nous élever
par un sentier moins difficile à suivre dans la direction du Sud, nous
aperçûmes au loin derrière nous dans le Nord ce Paléoklephto, dont
nous avions, le matin, pris une vue par son autre côté, ayant à gauche
le revers des grands pans de rochers qui forment le prolongement de
l’Ithome, et à droite un vallon dont l’origine est au pied même des remparts
de Messène; nous ne découvrions point encore ceux-ci, quoique nous
n’en fussions plus guère à 4 000 mètres; ce n’est qu’après avoir traversé
deux ravins remplis d’arbres et d’arbustes, et lorsque nous n’en étions
plus à deux cents pas, qu’ils frappèrent nos avides regards. Aux bords
de l’un de ces ravins sont des tombeaux antiques, dont la plupart paraissent
devoir être encore intacts, et qu’il serait fort intéressant de fouiller.
J’avais, avec M. Lenormand, devancé la colonne de plus d’une demi-
lieue : à l’aspect des restes imposans que nous venions étudier, nous
poussâmes simultanément un cri de surprise et d’admiration ; ce ne fut
qu’après plusieurs minutes d’une sorte de stupéfaction que, nous étant
remis en marche, nous entrâmes les premiers dans la ville d’Epaminon-
das par la grande porte, qu’on peut nommer indifféremment d’Arcadie
ou d’Êlide. Remettant aux jours suivans l’examen des détails de si majestueux
débris, nous poussâmes jusqu’à Mavromati (les yeux noirs),
où nous fûmes rendus en un peu moins d’une demi-heure. Les cent
quarante et quelques habitans de ce village sont aujourd’hui tout ce
qui représente la population de la noble Messène; ils sont établis au
centre du vallon qu’occupait cette illustre ville au temps de sa splendeur.
MM. Dubois et Blouet, avec ceux de leurs collègues qui ne les
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