* je me rendis à l’église pour faire dire des messes, et, ayant prié Dieu
« bien dévotement durant plusieurs jours, je revins souvent dormir à
y la même place où je vis toujours les mêmes choses durant mon som-
i meil, ce qui prouve que cette révélation me venait d’en haut. Je n’en
1 ai encore rien dit à personne, parce que je connais^ l’avarice des
1 puissans du pays, qui pourraient me ravir ma part d’une chose où
« j’ai droit pour l’avoir trouvée ; et comme j’ai confiance aux Français,
« je viens m’associer à vous pour la recherche d’un bien que le Ciel
” veut rendre aux hommes. ” Le ton de conviction de ce bon Arcadien
ne me détermina point à mettre la main à l’oeuvre; mais si les spéculateurs
de Paris qui dernièrement voulaient faire des fouilles à Candie, sur
l’avis d’un Grec qui dit savoir où y furent ensevelies de grandes richesses,
sont tentés d’exploiter Mégalopolis, ils peuvent s’informer ù Sinano du
nommé Khristophoros Stéganopoulo, qui leur enseignera où il a vu les
immenses trésors que j’ai refusé de partager avec lui.-
A peu de distance, dans la même direction et toujours sur la rive
gauche de l’Hélisson, était le théâtre; ses restes, recouverts de terre,
forment comme une excavation en demi-cratère exposé au Nord, dans
les flancs d’un monticule1. On a fait autrefois quelques fouilles vers le
milieu, où nous trouvâmes un grand Chêne ; la scène, carrée, m a paru
êgaW en grandeur la place de l’Odéon au faubourg Saint-Germain. La
ville n’eut point de remparts ou de forte enceinte ; mais les portiques
durent y être fort nombreux, à en juger par la multitude de tronçons
de colonnes épars qu’on y rencontre, les uns en Calcaire moréotique,
les autres en Marbres divers; plusieurs de ces tronçons ont jusqu a trois
pieds de diamètre. . . .
L’Hélisson, au devant du théâtre, s’encaisse dans la plaine, et son
lit assez large, contenu entre deux rampes peu élevées, est ombragé de
buissons croissant parmi des galets; il y avait peu d’eau. La partie la
plus étendue de la cité fut sur sa rive droite, où le sol assez bien cultivé
en Kalamboki (n.° 145) ainj qu’en Vignes, n’est pourtant composé,
dans u n e très-grande étencÉe, que de fragmens de briques et de
!Hj E, du plan cité, arec «ne m e fort jolie, prise par M. Baroisié, %. I , H4°- MM. lesarchi.
tectes ont en outre donné un dessin du pajsage qui comprend l'ensemble des ruines, pl. db. ,
tuiles brisées; au milieu des soubassemens de temples en carré long, et
de nombreux débris que le temps avait dispersés cà et là, nous ne retrouvâmes
pas un chapiteau, non plus que le moindre reste de sculpture.
L’espace nous manque pour donner l’histoire d’une ville qui d’ailleurs
était, au dire de Pausanias, «non-seulement la plus moderne de l’Arca-
« die, mais encore de toute la Grèce1; elle offre cependant, ajoute le
« même auteur, un phénomène, à savoir, le règne d’un certain Aristor
« dème, fils d’Artylas, natif de Phigalie, qui, s’y étant érigé en tyran,
« parvint néanmoins à se faire donner le nom de juste à force de vertus. f
Polybe fait le plus grand éloge de la probité politique de ses habitans,
en s’égayant sur un certain Physarque, historien, qui, pour donner une
grande idée de leurs richesses, rapportait que, lorsque Cléomène pilla
leur cité, il en tira 6000 talens, dont on lui réserva le tiers. «Pour moi,
« dit le sage écrivain2, j’ose affirmer qu’on vendrait tous les effets des
« peuples du Péloponnèse, qu’on ne réaliserait pas une pareille somme.|
C’est en revenant de ce pillage, que le général des Spartiates, au rapport
de Plutarque3, « rencontra une troupe de joueurs de farces et
« d’instrumens de musique, qui venaient de Messène; il fit dresser un
« échaffault dedans les terres mesme de ses ennemis, proposa un prix de
« quatre cens escus auxdicts joueurs et musiciens, et fut tout un jour a
« les faire faire, non pour plaisir qu’il y prist; mais pour plus faire
« de despit a ses ennemis, et leur faire voir de combien il estait plus
« puissant qu’eulx, en leur jouant un tel tour de mocquerie et de
mespris ; car autrement de toutes les armées des Grecs ou des roys
¿ ¿qui estaient en la Grèce, il n’y avait que celle de Sparte seule, où
« il n’y eust pas de suite de farceurs, basteleurs, joueurs de gobelets
« et de tours de souplesse et menestriers; car leur camp estait seul pur
« et net de toute dissolution, de toute gaudisserie et insolences.”
Cheminant au Levant par la plaine, et laissant à droite de fort beaux
vergers enclos de murs en pierre sèche, nous quittâmes Mégalopolis
dans la matinée du 44 Juin; parvenus, après une forte demi-heure de
marche, à la racine du mont appelé Rapsomati, qui est un prolongement
du Ménale vers ce Khelmos qu’embrassent les sources de l’Eurotas,
i. Lib. VHI, cap. 27. — 2. Lib. H , cap. 12. — 3. Vie deCléomenès, S» 37. Traduction d’Amyot.