soldat pour servir hors de chez eux, qui n’ait été un volontaire dans
la pleine signification du mot; enfin, les Musulmans, lassés de ce qu’ils
appelaient leurs insupportables révoltes, avaient fini par consentir à
leur émancipation, moyennant quelques légères redevances, et sous la
promesse qu’ils ne descendraient plus dans le plat pays pour le mettre
à contribution; il fut réglé, par un traité de 1777, que, sur leur présentation,
la Porte nommerait, pour les gouverner selon leurs coutumes,
des chefs indépendans, décorés du titre de Bey. Ces petits princes, toujours
remuans, souvent adonnés à la piraterie, donnèrent plus d’un
sujet de mécontentement au Divan, qui, les faisant enlever ou les
attirant à Constantinople sous divers prétextes, les fit presque tous
mourir l’un après l’autre. Ils étaient constamment tirés des familles
les plus illustres par leur ancienneté et leurs richesses ; il s en est suc-"
cédé huit jusqu’à l’époque oix l’affranchissement de la Morée a placé le
Magne sous la loi commune. Mavrico-Poulo nous raconta a peu près
dans les termes suivans ce qu’il savait de leur histoire.
■ s Notre premier bey fut Dzanetaki - Routoupliaris, qui commanda
« sept ans : il était de Ritriès et de la famille du capitaine actuel de
4 Marathonisi, si considérable par son origine et par ses grands biens :
« il se fit aimer dans le Magne, qu’il voulait étendre jusqu’au fleuve
« Iri et dans tout l’Hélos, soutenant que nous y avions des droits
« incontestables depuis les temps les plus reculés; Ayant été engagé à
« venir à Constantinople pour y exposer ses prétentions, il eut l’im-
« prudence de s’y rendre sans réfléchir que le cordon l’y pouvait atten-
i dre, et fut effectivement étranglé peu d’heures après son arrivée. On
« rapporte, dans Sparte orientale, des actions merveilleuses de sa veuve,
« qui, femme guerrière, vengea Dzanet-bey d’une manière éclatante,
« et fut durant le reste de .sa vie le plus redoutable ennemi qu’aient eus
« les Turcs de Morée. Elle fit à ceux-ci autant de mal à elle seule que ne
« leur en ont fait ensemble les klephtes les plus fameux; ses conquêtes
« furent si, grandes au canton de Mavrovouno, qu’elle incorpora au
« Magne le territoire de Trinisa, en deçà de Marathonisi.
» «Le successeur du premier Dzanet-bey, fut Michael-bey, de la maison
« de Troupianos, et père de mon beau-frère Mourdzinos, à qui vous vous
« proposez d’allër rendre visite dans Scardamule : il était dès-lors ennemi
« déclaré de la famille des MavromichalisdeMayni, lesquels ne cessèrent
« de travailler, par des agens secrets qu’ils avaient près de la Porte, pour
« le renverser; cependant, il commanda durant six ans, au bout desquels,
i oubliant le sort qu’avait eu son prédécesseur, il fit l’inexplicable faute
« d’accepter un cafetan d’honneiir que lui fit offrir le sultan; et s’étant
« rendu à Constantinople pour recevoir ce hochet, il y trouva la mort.
« Mais les intrigues de ceux qui l’avaient perdu, ne leur procurèrent point
« encore ce pouvoir dont ils avaient soif, et auquel, dès cette époque,
« ils ont toujours prétendu : ils ont continué d’intriguer pour faire
« détrôner chaque nouveau bey, espérant qu’a la fin la première dignité
«.tomberait sur l’un d’eux; dès-lors aussi les grandes familles se liguè-
rent, afin de traverser leurs projets ambitieux, et l’odieuse politique
« du moyen âge vint s’enraciner dans nos éparchies, si unies autrefois
« par cet esprit de patriotisme qui faisait de nous comme un seul homme.
« La domination, qui échappait aux instigateurs du trépas de Michael-
« bey, fut dévolue en 1789 à Dzanctaki-Glygoraki, père du Dzanetaki
« qui commande maintenant dans le Magne oriental, et chez lequel vous
« ne pouvez manquer de vous rendre : c’était un homme sage et prudent,
« dont l’administration fut paternelle; il régla beaucoup de choses
« qui, jusqu’à lui, avaient été des causes de troubles entre nos devan-
« ciers, et affermit la puissance de sa maison en y incorporant défi-
« nitivement les conquêtes de cette veuve terrible qu’avait laissée le
« premier Dzanet-bey. Il a construit des routes, des châteaux, des canaux
|i et des moulins dans son éparchie de Marathonisi, ainsi qu’au canton
« de Mavrovouno, qui, de son temps; devint très-florissant : il est celui
« de tous nos princes qui s’est le plus long-temps conservé à la tête des
« affaires; après seize ans de sourdes menées, les Mavromichalis ont
« pu seulement opérer sa chute; mais Dzanet-bey second ne fit point la
« faute de passer les Dardanelles. Il disait de Constantinople, comme
« le père de l’apologue de l’antre du lion; et pour ne point s’exposer à
« un supplice qui eût entraîné la confiscation de son patrimoine, il parut
« résilier volontairement le pouvoir, quand il connut qu’il ne le pouvait
« plus conserver, et se retira dans les îles ioniennes, où plusieurs voya