les Schistes argileux, qui alternent sur les moindres coteaux. Le Calcaire
grossier pénétré de fossiles, dont on trouve aussi de puissantes assises,
a été percé par le coûtant du fluviole lequel forme dans le rideau de
l’escarpement que nous laissions à gauche, une embrasure ou porte,
par oiiil se précipite, quand les pluies le grossissent, en cascade souvent
très-considérable, mais dont quelques filets liquides étaient tout ce qui
én restait alors. Par cette embrasure nous aperçûmes en échappée un peu
de la baie de Navarin, de Sphactérie et de la mer par-dessus cette île.
A mesure que nous nous élevions sur les montagnes d’un bleu grisâtre,
•où la végétation était disséminée, et qui se ravinaient de plus en plus,
nous discernions un grand nombre de points qui nous étaient connus;
et c’est ici que nous prîmes pour la première fois un bel insecte du
genre Bupreste1, que nous crûmes d’abord être fort rare, mais que par
la suite et durant l’été nous avons trouvé en abondance le long des touffes
de Gramens desséchés. Employant beaucoup de temps à chasser, à examiner
et casser des roches, à herboriser et à faire des croquis topographiques,
nous cheminions fort lentement; aussi ne fûmes-nous rendus
à la prise d’eau de Koubeh qu’assez tard. Le camp fut dressé tout près,
et nous y . demeurâmes pendant la journée du 17, qui fut consacrée à
des recherches d’histoire naturelle. M. Virlet gravit sur le petit Saint-
Hélie; MM. Brullé et Baccuet battirent la campagne; je pris une vue
du groupe de montagnes qui nous restaient au sud-ouest, et que nous
avions traversées dans la journée du 10. Cette vue (1.re série, pl. XII)
donnera une idée de l’aspect’ général de la végétation, du plateau et
de la fontaine où nous nous sommes déjà arrêtés (p. 195). La nuit fut
orageuse; il plut un peu, ce qui rendit à la verdure un aspect de fraîcheur
qu’elle commençait à perdre, Surtout dans lës régions inférieures,
et qui nous réjouit lorsqu’il fallut se remettre en route le 18 de grand
matin. La température était fraîche, quelques nuages erraient sur nos
têtes'; ce furent, jusqu’aux premières pluies de Septembre, où nous commençâmes
à en.revoir, les derniers que nous aperçûmes en Morée, si ce
n’est durant un orage subit par lequel nous fûmes surpris et mouillés
en arrivant à Tripolitza dans le mois de Juin. Nous avons constamment
i. Buprestis onopordinis, t. III, 1 part., p. 136, n.° i 84-
joui, même sur lés cimes du Taygète, d’un ciel parfaitement serein,
dégagé de toutes vapeurs, d’un bleu transparent, brillant d’une lumière
blanchâtre ou tirant sur l’azur foncé, selon l’heure où nous y promenions
nos regards; aussi nous sommes-nous bien gardés de remplir le
ciel de nos paysages avec des masses brumeuses, ressemblant à des balles
de coton, dont tous les voyages en Grèce sont si singulièrement barbouillés;
on dirait qu’on a voulu représenter dans les gravures qui en
enrichissent plusieurs, des sites pris dans les régions circumpolaires;
si la végétation de Palmiers souvent imaginaires, ou de bois d’Oliviers
avec des tronçons de colonnes et autres vénérables débris helléniques
n’indiquaient, outre le nom de heu gravé au bas de la planche, qu’il
s’agit d’un point du radieux Péloponnèse, on s’y croirait parfois au Capr
Nord, au Spitzberg, ou bien au Groenland. C’est un grand défaut de
vérité qui dépayse l’oeil et qu’il faut laisser aux faiseurs d'Album, dans
lesquels on recherche l’effet et non l’exactitude; mais dans les ouvrages
sérieux, où l’on s’émerveille à chaque page sur la limpidité de l’atmosphère
et sur la pompe du jour; où l’on parle sans cesse de soleil resplendissant;
dardant ses rayons les plus vifs sur une végétation qu’il
dévore, èt sur des rochers qu’il embrase, n’est-il pas ridicule de mettre
en regard des planches obscurcies par des bouffées de nébulosités lisé-
rées de blanc et projetant de fantastiques ombres?
En nous tenant toute la matinée dans la région supérieure du plateau
de Koubeh, nous nous élevâmes d’abord vers les pentes.du Man-
glava, puis, chèminant sur l’après-midi vers l’ouest, nous traversâmes,
non loin de leur origine, près d’une douzaine de torrens qui tombent dans
la baie de Navarin ou dans le Roumano. Nous rencontrions des sites
enchanteurs, de jolies prairies, des endroits autrefois parfaitement cultivés,
et des hameaux déserts. Il nous fallait traverser des gorges plus où
moins encaissées, que séparaient des hauteurs couronnées par des plateaux.
Nous trouvâmes d’abondantes fontaines emprisonnées dans de
mesquins massifs de pierre, et des étendues bien boisées où l’on se fût cru
au coeur de forêts alpines, tant les arbres y étaient anciens et robustes.
Plusieurs des vieux chênes y étaient chargés de masses arrondies d’un
feuillage d’apparence étrangère, et dont la teinte d’un vert tendre con-
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