naturelle par le chapitre des bécasses, sans convenir avec mes lecteurs
d’un point essentiel sur lequel il est nécessaire de sfentendre avant de
passer outre. . . . . . ... .
Lorsque (il y a trente ans tout à l’heure) je livrai a Impression le
fruit de mes premières-pérégrinations lointaines, il m’arriva de parler
quelquefois des repas que j’avag pris en route, non sans m’étendre
par-ci par-là sur la nature des mets qui avaient singularisé ces repas, et
sur-la manière dont ils avaient été apprêtés ou servis. L’Institut, ne
trouvant probablement pas que de tels détails fussent hors de lieu et
qu’ils fissent tache dans mes ouvrages, m’accorda un siège dans son sein
pour prix d’un gros in-quarto’ et de trois volumes» moins ambitieux
par leur format qu’Sccompagnait un atlas. Dans ces ouvrages, ou je
n’avais" point de collaborateurs et qui n’attendirent pas pour paraître
que les contrées d’où je revenais eussent ces« d’être ce que je les avais
laissées, il m’arriva plus d’une fois, je le répète, d’inviter en quelque
sorte mes lecteurs à dîner, ce qui n’ayant pas été du goût de quelques
aristarques de l’époque, j’en fus durement repris dans plusieurs journaux.
La relation d’un voyage scientifique ne doit pas être un cours de
«astronomie; l’auteur, j’en conviens, ne doit pas troprsouvent s’y mettre
à table; mais je tiens, quoi qu’on en ait pu dire, qu’il est indispensable
pour compléter la peinture des lieux et de-leurs liajùtans, de partager
quelquefois la table de ceux chez lesquels on voyage, et de dire au
moins quelques mots sur lés choses dont ils se nourrissent. Une description
de Sparte antique serait-elle complète s’il n’y était question de ce
brouet noir dont elle fit ses délices? Les détails d’un festin offert par des
Spartiates modernes à la section de la commission scientifique que j’avais
l’honneur de présider, ne seront conséquemment pas déplacés quand je
ferai l’histoire du Magne, et dût-on m’attaquer encore : je tiens pour
démontré que le chapitre des repas n’est pas moins important dans la
relation d’un voyage, que celui des costumes, des armes, des meubles,
des appareils de pêche ou de chasse, et de tant d’autres particularités,
1. Essais sur les îles Fortunées et l’antique AÜanÜde.
2. Voyage aux quatre des principales îles des mers d’Afrique.
que la plupart de nos prédécesseurs ont pris un soin tout particulier
non-seulement de décrire minutieusement, mais encore de faire graver
à grands frais sur de grandes planches, qui augmentent considérablement
le prix d'e leurs livraisons. Décidé que je suis à parler sans scrupule,
lorsque l’occasion s’en présentera, de la bonne ou de la mauvaise
chère qué j’aurai faite chez les Grecs et chez les Turcs, je quitte Cujes
pour revenir à Toulon, où la commission scientifique demeura jusqu’au
10 Février, qui fut le jour du départ. Tout le monde était rendu dans
la matinée à bord de la Cybèle. M. de Robillard, commandant de cette
frégate, fit appareiller vers midi : le temps était superbe, le vent très-
bon, et avant la nuit nous traversions la rade d’Hyères, où le bâtiment
était eptré par ce qu’on appelle le Grand-passage. La brise fraîchit
alors, la mer devint très-dure et le plus insupportable roulis faisant
bientôt sentir son influence cruelle à presque tous les estomacs du bord,
finit par fatiguer jusqu’à la nature.
Le gréement de la Cybèle ayant été mis à neuf, les manoeuvres n’en
étaient point encore éprouvées, et l’ébranlement général les avait distendues
au point que lès perroquets et les huniers, jouant de plus en plus
les uns au bout des autres, menacèrent dès le commencement de la nuit
de tomber sur le pont. Afin de prévenir un tel accident, le commandant
ordonna, par le traders de Fréjus, où l’on se trouvait déjà, de virer de
bord et de rentrer dans la rade d’Hyères où nous mouillâmes dans la
- matinée du \ \ , par quinze brasses de fond^Vaseux, ayant les îles du
Titan et de Portcros au sud-est, Gien au couchant, et par le nord-ouest
cette ville des orangers dont j’ai comparé plus haut le vieux château
ruiné aux acropoles de la Grèce. Tout le jour et partie du lendemain
furent employés à raidir les haubans et les galhaubans, qu’on renforça
par des bâtards et des pataras, pour plus de sûreté.
Nous pouvions voir de notre mouillage, presque aussi bien que si
nous y fussions descendus, ces tristes amas de rochers, connus sous le
nom d’îles d’Hyères. H en est de ces prétendus champs élysées, comme
de tant d’autres lieux célébrés dans les traités de géographie, où l’imagination
et des récits mensongers attachèrent un charme qu’ils n’ont
jamais eu. Les voyages ont ceci de bon, qu’ils servent à rectifier une