de Marbres sculptés, qui nous parurent présenter encore quelque caractère
et mériter un certain intérêt, nous en formâmes comme un petit
musée, en déposant religieusement chaque pièce en évidence à côté les
unes des autres sur ce que nous jugeâmes avoir dû être le piédestal de
la divinité. Nous déjeûnâmes ensuite à cette même place ou des libations
sacrées avaient coulé avec le sang des victimes, et ouvrant alors le Pausanias
que nous avions apporté, nous y lûmes1 : «La ville de Phygalée
« est tout environnée de montagnes, le Cotylusà gauche et l’Elaïus à la
« droite; le premier en est à quarante stades, l’autre n’en est qu’à trente.
« Sur le Cotylus est un lieu nommé Bassæ, ou vous verrez un temple
« d’Apollon Epicurius (secourable), dont la voûte est de pierre de
« taille: après celui de Tégée c’est, de tous les temples du Péloponnèse,
« le plus estimé, soit pour la beauté de la matière, soit pour l’élégance
« et la symétrie de l’édifice ; le surnom d’Épicurius vient de ce que les
« peuples furent délivrés de la peste par le secours du dieu ; de même
« que les Athéniens l’appelèrent Alexiphacus pour un semblable sujet.
« Je crois que l’un et l’autre nom lui furent donnés durant la guerre
« des Athéniens avec les Phigaliens et les autres peuples du Pélopon-
« nèse; ce qui me le persuade, c’est premièrement la conformité des
« deux noms; et en second lieu c’est qu’Ictinus, qui a été l’architecte
« du temple d’Apollon Epicurius, vivait du temps de Périclès, et qu’il
« fut aussi l’architecte du Parthénon. J’ai déjà dit que la statue du dieu
« avait été transportée dans la place publique de Mégalopolis. * Effectivement,
en décrivant cette ville, le même Pausanias8 rapporte qu’on
y voit « devant le frontispice du temple de Jupiter Lycéus une fort belle
« statue d’Apollon en bronze, haute de douze pieds; ce sont, ajoute-t-il,
« les Phigaliens qui la firent couler à leurs dépens, et elle a été trans-
« portée là pour servir d’ornement à Mégalopolis.” Il fallait que ces
Phigaliens composassent un peuple riche et puissant, pour avoir si bien
fortifié leur cité, pour avoir fait jeter en fonte un colosse de douze pieds
sur de hautes.montagnes d’un si difficile accès, et pour avoir employé
dans la construction du temple, qu’ont dévasté les marchands anglais,
- i . Lib. V in , cap. 4i.
2. Ibidem, supra, cap. 3o.
des Marbres d’Athènes, avec l’architecte célèbre du monument dont le
siècle de Périclès s’est le plus enorgueilli.
Nous constatâmes que la pierre employée dans le temple d’Apollon
Epicurius, était, à l’exception du panthélique des frises et des plafonds,
un Calcaire compacte à grain très-fin, d’une teinte de café au lait, blanchâtre
dans sa cassure, oii se voient quelques veines saccharoïdes, et que
fournissent les montagnes environnantes. Un Lichen crustacé (n.° 4 587)
formait des tachés rosées sur les cannelures des colonnes. Parmi le peu
de végétaux qui croissaient entre les décombres, se remarquait une jolie
variété de Pensée (n.° 4215); les jets d’une Mousse soyeuse et jaunâtre
(n.° 4 562) rampaient aussi au bas des murs intérieurs.
Nous étions trop loin du gîte pour nous mettre à la recherche d’un
autre temple, dont les ruines devraient exister au-dessus de Bassæ, si
l’on en croit l’auteur des Arkadikes, lequel ajoute aux passages que nous
venons d’en transcrire: «qu’au lieu nommé Cotylus on honorait Vénus,
« qui y avait une statue; mais que déjà l’édifice n’avait plus de toit.”
Nous étant donc remis en marche dans la soirée, un peu moins de trois
heures nous fut nécessaire pour regagner le camp de Phigalie, en suivant,
sans nous àrrêtèr, le chemin que nous avions tenu le matin.
En partant de Pavlitza le 15 dès la pointe du jour, nous traversâmes
du sud-est àu nord-ouest l’emplacement de la ville dans sa plus grande
largeur; nous en sortîmes par une brèche ou fut évidemment l’une des
portes; ony voyait encore, contre les pans détruits delà grande muraille,
le bas des grosses tours carrées qui l’avaient flanquée. A partir de ce
point, la route descend dans le ravin large et profond qui servait comme
de fossé septentrional à l’enceinte: le fond en était rempli de Platanes;
il y avait aussi une fontaine environnée de Lauriers élancés; le Frêne
Ornier (n.° 9) s’y couvrait de ses panaches d’un blanc d’ivoire. Nous eûmes
ensuite une montée assez rude ; puis il fallut redescendre dans un second
ravin, oii l’on rencontre une autre fontaine non loin de l’embranchement
d’un chemin d’Andritzena qu’on laisse à droite, pour monter sur un
plateau de peu d’étendue, oii s’élève le hameau de Smarlina, habité
par seize familles, et que nous avions aperçu de dessus les remparts
occidentaux de Phigalie. Il paraît que c’est par ce côté que les troupes